samedi 29 mai 2021

MMCCC : L'enseigne avec un rémouleur à l'angle de la rue de Fourcy et de la rue de Jouy : copie de ce qui est peut-être la plus ancienne enseigne de Paris ?

 

Cet article concerne un bas-relief auquel je me suis intéressé en préparant un article à paraître sur le magasin au "Gagne Petit" situé avenue de l'Opéra. 

Ce bas-relief est aujourd'hui situé à l'angle de la rue de Fourcy et de la rue de Jouy (Paris 4e) :

Cependant cette enseigne n'a pas toujours été située à cette angle. En effet, à la fin du XIXe siècle, Eugène Atget a pris une photographie de cette enseigne :

mais elle était située quelques centaines de mètres plus au sud à l'angle de la rue de l'Hôtel de Ville et de la rue des Nonnains d'Hyères. J'ai représenté par une étoile jaune l'ancien emplacement et par une autre orange le nouvel emplacement sur ce plan de 1840 : 

Le pâté de maisons a été abattu en 1942 mais l'enseigne originale a été déposée et conservée au Musée Carnavalet. On peut lire sur le site remouleur world  dans un article de 2009 que "Dégagé de la pierre en ronde bosse, le motif de grandes dimensions, qui avait gardé ses couleurs d’origine, montrait un rémouleur dans son costume d’époque : tricorne noir, redingote rouge et bas blancs".

 On y lit aussi que " C’était une enseigne originale du vieux Paris pour un magasin de confection AU GAGNE PETIT, peut-être la plus ancienne enseigne de pierre de Paris. Datant de la première moitié du XVIIIe siècle, elle se trouvait à l’angle de la rue des Nonnains-d’Hyères et de la rue de l’Hôtel de Ville dans le 4e arrondissement".

Il y a en fait un sujet de discussion concernant l'objet du commerce et la date. En effet, dans son ouvrage sur le Marais Danièle Chadych affirme que cette enseigne date de 1761 et qu'elle ornait le magasin d'un marchand de vin Eugène Chagnot. Quant au site du musée Carnavalet il donne comme datation "vers 1767".

Le choix du rémouleur s'explique en tout cas par le nom du magasin : "Au Gagne Petit". En effet, les rémouleurs étaient des affuteurs de couteaux ambulants (le métier a quasiment disparu aujourd'hui à Paris). Ils avaient la réputation de faire un travail de qualité pour un prix raisonnable et donc d'être des "Gagne-Petit". Il y a un doute concernant le type de commerce qui initialement a choisi ce nom à cet endroit : s'agissait-il d'un vendeur de vins ou 'un magasin de confection ?

En tout cas par la suite, un autre magasin de textile beaucoup plus important a choisi comme enseigne un rémouleur. Ce que j'évoquerai très bientôt.

mercredi 26 mai 2021

MMCCXCIX : Un banc qui a joué les super stars hier soir à Paris Centre

  

Ceux qui me connaissent savent que j'ai un certain attrait pour les bancs publics. J'ai lancé en 2009 un (autre) blog appelé "L'amoureux des bancs publics" et depuis juin 2009 je publie chaque dimanche un banc. Depuis quelques années sur Twitter, j'ai été rejoint par un petit groupe d'afficionados qui publie chaque dimanche un banc dominical.

Je ne pouvais donc pas être absent de la cérémonie organisée mardi 25 mai à 18h à l'Hôtel de Ville. Un groupe d'amoureux de Paris sous le label #ReparerParis a remis à la ville un banc acheté à l'occasion d'une vente à l'Hôtel Drouot mardi 18 mai. Le but de cette opération était de montrer l'attachement des Parisiennes et des Parisiens à leur patrimoine. Il s'agit d'un "banc Davioud" du nom de l'architecte Gabriel Davioud (1824-1881) qui avait dessiné ces bancs (le banc offert porte dans sa ferronnerie la date de 1878). Le but étant de rappeler la nécessité de préserver le décor urbain.

Le  banc a été apporté en grande pompe jusqu'à l'Hôtel de Ville par les membres du collectif :

On reconnait à gauche de la photo Quentin Divernois, très investi tout particulièrement dans Paris Centre et qui m'a passé la photographie que l'on trouve à la fin de cet article.

Le 1er adjoint de la Ville de Paris, Emmanuel Grégoire, est venu en personne accueillir ce banc et  a dialogué avec les participants de cette cérémonie :

Il faut espérer que les dirigeants de la ville vont entendre la nécessité de davantage préserver ce qui fait la magie de Paris. Une plaque est destinée à être placée sur ce banc pour expliquer la démarche de cette opération :

Le banc a par la suite été conduit au pavillon de l'Arsenal (à l'Est du 4e arrondissement) où Quentin Divernois a pris cette très belle photo digne de figurer parmi sur "L'amoureux des Bancs Publics".

 Je suis très content d'avoir retrouvé -ou rencontré pour la 1ère fois- à cette occasion d'autres amoureux de Paris, de son Patrimoine et de son Histoire, venus de Paris Centre mais aussi de tous les arrondissements.

Pour en savoir plus lire notamment l'article paru dans le Figaro du 23 mai 2021. : "Opération Davioud", premier acte pour "Réparer" Paris.

mardi 25 mai 2021

MMCCXCVIII : Les rues de Paris Centre : la rue Castex

 

Depuis que Jean Castex est devenu Premier Ministre à l'été 2020, plusieurs personnes m'ont suggéré de faire un article consacré à cette rue du 4e arrondissement : la rue Castex.

Cette rue située dans le quartier de l'Arsenal ne mesure que 120m de long. Elle relie la rue de la Cerisaie à la rue Saint-Antoine.

Cette rue est assez récente. On voit sur le plan Turgot des années 1730 qu'elle correspondait à un parc situé à l'Ouest du Couvent des Visitandines.

La rue a été percée après la Révolution en 1805. Elle porte depuis un décret de 1806 le nom d'un colonel tué à Austerlitz en décembre 1805 : Pierre Castex (qui était né en 1760 à Lectourne dans le Gers).

La rue apparaît par exemple sur ce plan de Paris de 1840 avant même le percement du Boulevard Henri IV qui a radicalement changé l'aspect de cette partie de Paris Centre :

 Cette prise de vue due à Charles Melville vers 1876 montre le moment où une partie de la rue a été amputée pour le percement du boulevard Henri IV :

Pour éviter les confusions avec le Premier Ministre actuel, il serait bien d'ajouter le prénom du colonel qui est mort à Austerlitz. Il s'agit donc de Pierre Castex.

samedi 22 mai 2021

MMCCXCVII : Il y a 45 ans en mai 1976, le patron du Crédit Lyonnais, Jacques Chaine, était assassiné boulevard des Italiens, en plein coeur de Paris

Je continue à préparer des articles sur un bâtiment auquel je suis tout particulièrement attaché : le siège du Crédit Lyonnais boulevard des Italiens. En faisant mes recherches, j'ai découvert un fait qui s'est produit à cet endroit et qui m'a énormément choqué. Il s'est produit juste devant la façade du bâtiment historique en 1976.

En effet, le vendredi 14 mai 1976, Jacques Chaine PDG du Crédit Lyonnais a été assassiné entre 9h30 et 10h par un personnage se revendiquant de l'anarchie et qui s'est juste après lui-même suicidé en se tirant une balle dans la tête.

Je n'avais jamais entendu parler de cet assassinat et donc j'ai enquêté et interrogé ma propre mère qui travaillait à l'époque au Crédit Lyonnais dans un bâtiment tout tout proche et qui bien sûr se rappelle bien des faits. Voici un petit compte rendu extrait d'un article du journal Libération du 16 mai 1976 :

En me replongeant dans les journaux de l'époque, je me suis rendu combien la presse ( notamment le journal populaire France Soir qui avait son siège rue de Réaumur) n'hésitait pas à entrer dans des détails très scabreux en évoquant par le détail cet attentat à l'aide d'illustration:

Ce dessin est assez erroné puisque l'article du Journal Le Monde du 16 mai 1976 donne plus de détails "M. Chaine allait descendre de sa DS 23 officielle devant le siège du Crédit lyonnais, boulevard des Italiens, quand Jean Bilski s'approcha et, par la vitre arrière droite, tira à bout portant deux balles de P 38 dans la poitrine du président-directeur général. L'agresseur retourna aussitôt l'arme contre lui et se suicida.Mme Chaine, qui se trouvait dans la voiture aux côtés de son mari, fut atteinte à la mâchoire par un projectile."

La presse publia aussi des photos de la victime :

mais aussi l'assassin :

L'article du Journal Le Monde daté du 15 mai 1976 précise :"Quand les secours arrivèrent, Bilski, habillé de bleu, et qui portait une grenade dans une petite sacoche de cuir, gisait mort dans le caniveau. M. Chaine agonisait. En dépit des soins de réanimation prodigués par une équipe du Service d'aide médicale d'urgence (SAMU), M. Chaine décédait à 10 h. 15."
 
Une photo publiée par France Soir permet de bien reconnaître les lieux de cet événement tragique : 
 On reconnaît parfaitement sur cette photographie la façade de l'entrée principale telle qu'on peut encore la voir aujourd'hui 

 

Un article de France Soir paru dans le journal du 16/17 mai permet d'en savoir plus sur le PDG tué dans ces circonstances affreuses :


On ne peut qu'avoir une pensée pour la famille qui a dû être effondrée par ce meurtre. On apprend dans cet extrait d'article que Jacques Chaine avait quatre enfants âgés de 20 à 30 ans.

Quant à l'assassin, il s'agissait d'un extrémiste dont le sort a provoqué une polémique dans la presse de l'époque. Cet article de Libération du 16 mai 1976 dénonce le traitement de l'information par le journal France Soir qui avait semble-t-il fait un amalgame entre le meurtrier et des groupes espagnols anti-franquistes.

Et Libération publia quelques jours plus tard l'entretien que des journalistes avait eu un an plus tôt avec le meurtrier qui annonçait son geste :

Moralité de cet article :

1. On se rend compte qu'un tel acte commis il y a tout juste 45 ans en plein Paris est aujourd'hui presque complètement oublié. Il s'agit pourtant d'un acte qui peut encore aujourd'hui avoir un impact sur des personnes vivant aujourd'hui (et la je pense à nouveau aux enfants de Jacques Chaine et leur descendance). Je trouve assez étonnant de ne pas voir de plaque qui évoque le souvenir de M. Chaine.

2. On se rend compte avec cet assassinat que la violence n'est peut-être pas un phénomène si nouveau qu'on peut parfois le croire. La mémoire collective a tendance à effacer ce genre de souvenir. Les années 1970 ne sont pas un âge d'or dans lequel tout était pacifié et absolument tranquille.

3. On se rend compte aussi que la presse des années 1970 n'était pas toujours très sereine. Les réseaux sociaux sont aujourd'hui accusés de montrer des horreurs mais je pense avoir montré que les photographies diffusées à l'occasion de cet assassinat sont d'une violence incroyable.

4. On se rend compte aussi que les échanges entre les journalistes pouvaient être très violents y compris avec des accusations de colporter des informations fausses, ce qu'on appelle depuis des fake news.



jeudi 20 mai 2021

MMCCXCVI : Les façades de Paris Centre : un superbe immeuble de la Belle Epoque à l'angle de la rue Perrée et de la rue Paul Dubois


 La rue Perrée longe au Nord le square du Temple-Elie Wiesel. On y trouve plusieurs édifices très intéressants. J'ai déjà évoqué l'immeuble du 10 rue Perrée (article du 4 mars 2021). Or, au 18 rue Perrée, à l'angle avec la rue Paul Dubois, on trouve un autre édifice particulièrement intéressant.

avec notamment une petite tourelle qui a un aspect médiéval :

On peut voir dans la façades deux éléments intéressants dans la partie située juste après l'angle de la rue :

Le 1 désigne l'endroit où on trouve le nom de ceux qui ont construit cet édifice :

L'entrepreneur s'appelait donc J. Chaumet, les architectes Georges-Raymond Barbaud et Édouard Bauhain (1864-1930). Cela est confirmé par le permis de construire déposé le 5 avril 1907 (et qui permet d'apprendre que le siège du cabinet d'architectes était situé au 2 boulevard Henri IV, donc dans le 4e arrondissement).

La signature du sculpteur apparaît avec les architectes mais aussi avec la date de construction qui apparaît dans l'angle sur la gauche :

Il s'agit de Jules Louis Rispal (1872-1910). On doit à ce même artiste et aux mêmes architectes la Maison des Epiciers située 12 rue du Renard (voir mon article du 13 septembre 2015).

Le décor sculpté le plus intéressant correspond au pignon désigné par le 2 sur la photo :

Voici des détails pris de haut en bas :

Dans la partie supérieure on peut observer une allégorie de l'Aube :

puis on peut voir un cadran solaire :

avec en contrebas un autre personnage féminin qui représente le crépuscule :

 Dans la partie tout à gauche de la façade, on peut voir un élégant ensemble de balcons qui sont chacun soutenus par des culs de lampe.

Chacun est décoré par un mascaron : on en compte donc trois que voici (tels qu'on peut les voir de haut en bas):


Le portail d'entrée situé aussi rue Perrée est aussi d'une grande élégance :

enfin à de nombreux endroits de la façades on peut admirer de petits détails très charmants qui montrent une forte influence de l'Art Nouveau :



 Voir cet article de 2009 du site Petit-Patrimoine