samedi 30 novembre 2024

MMDCCLXXII : Une invention découverte dans Paris Centre qui a changé le cours de l'Histoire mondiale...

  

Rue de l'Arsenal (Paris 4e) sur le mur qui longe cette rue côté impair et à la hauteur de la rue Bassompierre, on peu voir une plaque assez anodine. Elle concerne pourtant une invention qui a changé le cours de l'Histoire mondiale.

On peut y lire "Ici se trouvait au XIXe siècle le DÉPÔT CENTRAL DES POUDRES ET SALPÊTRES où Paul VIEILLE, ingénieur des Poudres, inventa en 1884 la poudre à canon moderne nommée la poudre B".

Cela m'a conduit à ma demander de quoi il s'agit.

La poudre B est le nom donné à la "poudre sans fumée". Une découverte révolutionnaire qui était recherchée depuis le milieu du XIXe siècle par tous les ingénieurs militaires. L'intérêt était que contrairement à la poudre traditionnelle, la "poudre noire", elle ne produit pas de fumée ce qui limite l'encrassage des canons et améliore la visibilité du tir (puisque le canon ne dégage pas de fumée), de plus elle est six fois plus puissante.

L'ingénieur qui mit au point cette découverte s'appelait Paul Vieille (né dans le 11e arrondissement de Paris le 2 septembre 1854 et mort à Paris le 14 janvier 1934).


 Il était ingénieur comme cela est indiqué sur la plaque au dépôt central des poudres et salpêtres. Voici la localisation de ce dépôt sur un plan Godet de 1825 :

Cette poudre fut d'abord appelée la "poudre V"  (du nom de Paul Vieille) mais elle prit rapidement le nom de "poudre B" soit par référence la poudre blanche (par opposition à la poudre noire), soit -plus vraisemblablement -car le ministre de la Guerre de janvier 1886 à mai 1887 avait pour nom Boulanger, le fameux général Boulanger qui à la fin des années 1880 fut sur le point de renverser la République en s'appuyant sur la popularité dans la population. C'est pendant son ministère que fut mis au point, en 1886,  le fusil Lebel qui équipa l'armée française à partir de 1887. Le premier fusil a utilisé la poudre B. De même l'invention servit pour le canon de 75 grâce auquel l'artillerie française eut un atout décisif.

Canon de 75, modèle 1897, fabriqué à Bourges en 1918 (Musée des Invalides)

Cette découverte explique peut-être la paranoïa de l'espionnage du haut État-major français qui voulait garder précieusement le secret de cette découverte. Une ambiance de suspicion qui conduisit peut-être en 1894 au déclenchement de l'affaire Dreyfus. En effet, le secret de la poudre B fut très vite éventé. Dès la fin des années 1880, les autres grandes puissance mirent au point des poudres sans fumée (Alfred Nobel créa une nouvelle version en 1887).

La poudre B révolutionna l'art de la guerre. Désormais, les champs de batailles n'étaient plus embrumés par la fumée des armes à feu. Il n'était plus nécessaire d'avoir des uniformes très colorés pour pouvoir repérer les soldats de son camp lors des batailles mais au contraire,  la visibilité restait très bonne. 

Uniforme de l'armée française en août 1914

  Un changement de guerre radical que les états majors mettront plusieurs mois à comprendre pendant la Première Guerre mondiale. Ce n'est qu'à partir de 1915 que l'armée française abandonna l'uniforme bleu et rouge pour le remplacer par un bleu horizon beaucoup moins repérable de loin.

dimanche 24 novembre 2024

MMDCCLXXI : Les animaux de Paris centre : Deux lions du 56 rue Jean-Jacques Rousseau

  

Voici un nouvel épisode de la série consacrée aux Animaux dans Paris centre. Il concerne deux lions  que l'on peut voir au dessus du porche d'accès du 56 rue Jean-Jacques Rousseau (Paris 1er) :

Cet immeuble n'est pas inscrit à l'inventaire complémentaire du PLU au titre de la protection du Patrimoine sauf erreur de ma part- mais c'est un très bel exemple de façade dans le goût néo-classique qui a été construit autour de 1800.

Je ne sais pas pourquoi pas mais j'aime bien ceux deux lions qui ont l'air de prendre la pose. Cela fait plus de 200 ans qu'ils voient les passants qui déambulent sur ce trottoir.



lundi 18 novembre 2024

MMDCCLXX : Une nouvelle rue dans Paris Centre : la rue Milo Adoner

La rue du Marché des Blancs Manteaux est une rue du 4e arrondissement qui avait une particularité. Elle était située sur les deux tronçons qui longeaient au Nord et au Sud le marché des Blancs Manteaux devenu au milieu des années 2010 la "Halles des Blancs Manteaux" (voir mon article du 4 décembre 2015). Ce qui était étrange c'est qu'il fallait comprendre quand on était dans une partie de la rue, c'est qu'elle se prolongeait de l'autre côté du bâtiment. 

Lors du Conseil de secteur de Paris Centre de septembre dernier, il a été décidé de donner au tronçon Nord le nom de Rue Milo Adoner. C'est une très bonne idée car Milo Adoner a joué un rôle important dans l'espace situé juste à l'Est de la rue  : il avait été à l'initiative de la dénomination de l'espace piétonnier situé devant l'école Saint-Gervais en tant que "place des 260 enfants" ce qui avait donné lieu à une très émouvante cérémonie  (voir mon article du 31 mai 2018). 

On peut voir sur la photo ci-dessus prise lors de cette cérémonie l'angle de la rue qui va devenir la rue Milo Adoner.


On peut voir Milo Adoner prononçant un discours en avril 2018 lors d'une autre cérémonie qui s'est tenu au même endroit  


Samuel Emile Adoner était né le 5 mai 1925. Il est mort le 4 mars 2020. Il faisait partie des personnes arrêtées lors de la rafle du 23 septembre 1942 dans l'immeuble du 10/12 rue des Deux ponts sur l'ïle Saint-Louis. Une plaque apposée sur la façade évoque cette rafle :

Milo Adoner a été ensuite déporté à Auschwitz par le convoi n°38 le 28 septembre 1942. Il a réussi à survivre à l'horreur des camps. Il été libéré par l'armée américaine le 11 avril 1945.

Il a par la suite été un témoin ce qui l'a conduit en 2004 à devenir vice-présidant de l'UDA (Union des Déportés d'Auschwitz). Dans chacun de ses témoignages et de ses discours, il montrait toujours une exceptionnelle humanité. 

On ne peut donc que se réjouir du fait qu'une rue de Paris Centre porte son nom.

Milo Adoner dans la cour du 10/12 rue des Deux-Ponts le 29 avril 2018

La rue a changé de nom officiellement le 11 octobre 2024, mais je suis passé sur place fin octobre et les nouvelles plaques n'étaient pas posées.Cela est certainement prévu pour très bientôt.





 


samedi 16 novembre 2024

MMDCCLXIX : La façade de l'église Saint-Eustache telle qu'on aurait pu l'admirer... si elle avait été achevée

  

Une gravure a récemment attiré mon attention. Elle représente le portail de l'église Saint-Eustache dans la version finale qui était prévue avant la Révolution française. En effet, l'aspect de cette façade est bien différent malgré la superbe restauration achevée en 2024 (voir article du 10 août 2024).

La gravure date de la période qui précède la chute de la Monarchie en 1792. Le dessin est dû à Jean-Nicolas-Louis Durand (1760-1834) et elle a été gravée par Jean-François Janinet (1752-1814).


On voit que la façade aurait dû être symétrique et comporté des statues :

De plus, il semble qu'il était prévu de transformer complètement le quartier en créant une vaste place symétrique dans ce quartier des Halles. Un projet qui lui non plus n'a jamais abouti.


lundi 11 novembre 2024

MMDCCLXVIII : La sous-station électrique Bastille, un édifice construit par un architecte mort à 66 ans sur le front de la Première Guerre mondiale

 

Dans l'espace situé entre le boulevard Bourdon à l'Est, la rue de l'Arsenal à l'Ouest et la rue de la Cerisaie au Nord, on peut voir une très belle construction.

Cet édifice de style néo-roman a été édifié en 1911. Il s'agit d'une sous-station électrique destiné à alimenter le métro parisien en courant continu à basse tension. Cet édifice a vocation donc industrielle à l'aspect d'un château fort avec ses tourelles d'angles. La verrière centrale que l'on peut voir à la fois sur la face de la rue de l'Arsenal et celle du boulevard Bourdon.

Le panneau informatif situé boulevard Bourdin permet d'apprendre le nom de l'architecte : il s'agit de Paul-Emile Friesé (ou Friésé) :

Ce personnage est très intéressant car il a été l'architecte de nombreux édifices comme en 1889 la tour des silos à grain des grands moulins de Corbeil. A partir de 1890, il collabore avec Auguste Lalance (1830-1920) pour la construction de nombreuses usines électriques.

Né à Strasbourg le 12 avril 1851, il a choisi la France quand en 1871 l'Alsace a été annexée par l'Allemagne. En 1914, il s'est engagé -alors qu'il avait 63 ans- dans l'armée comme officier de liaison afin de mettre à disposition de l'armée françaises sa parfaite maîtrise de la langue allemande. Il est mort le 21 avril 1917 dans un hôpital militaire après être aller voir son fils Jean-Paul sur le front peu après le début de l'offensive du Chemin des Dames (le 16 avril 1917).

On peut retrouver la fiche qui indique son décès sur le site Mémoire des Hommes :

et la retranscription du décès dans les registres de l'état civil du 16e arrondissement avec le nom des infirmiers qui ont témoigné de son décès :

Pour en savoir plus sur Paul-Emile Friésé : site de la Cité de l'architecture.


samedi 9 novembre 2024

MMDCCLXVII : Les façades d'immeubles et les animaux de Paris Centre : Les moutons du superbe immeuble Belle époque du 17/19 boulevard Henri IV

 

Au 19 boulevard Henri IV, on peut voir de part et d'autre d'une entrée deux têtes d'animaux.

Ces deux têtes - de moutons on verra pourquoi plus bas- sont curieusement situées à l'entrée du Franprix qui se trouve à cet endroit .

Cette supérette de quartier a ouvert vers 2010. Elle a fait bien des heureux(ses) car le quartier situé autour du métro Sully Morland manquait cruellement de commerce de proximité au début des années 2000. L'immeuble dans lequel il est situé est une merveille architecturale comme on peut le voir en prenant du recul :


La partie supérieure est surmontée d'un dôme assez rare dans ce quartier :

Les ferronneries et les décors sculptés de cet immeuble sont véritablement somptueux :



De plus à l'entrée du Franprix, on peut observer une superbe mosaïque :

La date de construction de l'immeuble et le nom de l'architecte apparaissent sur la façade :

L'immeuble date donc d'avant la Première Guerre mondiale. L'architecte avait pour nom Georges Farcy. Il est né le 15 février 1866 dans le 18e arrondissement de Paris et il est décédé le 29 juin 1939 dans le 17e arrondissement de Paris (Merci à @Stefdesvosges qui a retrouvé son acte de décès) :


Georges Farcy a construit de nombreux immeubles dans l'Ouest parisien, notamment celui du 4 rue Villaret-de-Joyeuse, où il avait son domicile en 1910 lors du dépôt du permis de construire. Il avait été déposé le  14 septembre 1910. On y apprend aussi le nom du propriétaire qui a financé la construction de l'immeuble : la famille Mouton, ce qui permet d'en revenir à nos moutons qui ornent l'entrée du franprix de part et d'autre...

L'entreprise Félix Mouton était spécialisée dans le secteur de la métallurgie. Elle a installé son siège au 19 boulevard Henri IV comme on peut le voir sur cette facture qui date de 1930 :

Une facture plus ancienne permet de savoir qu'à la fin du XIXe siècle l'entreprise avait initialement son siège 44,rue Amelot dans le 11e arrondissement :

On y voit aussi que les usines étaient situées à la plaine Saint-Denis et qu'elles occupaient un vaste espace situé avenue de Paris qui après la 1ère guerre mondiale deviendra l'Avenue du Président Wilson:

 L'entreprise Félix Mouton a dû connaître un regain d'activités et de commandes publiques pendant la Première Guerre mondiale : une de ses spécialités était la fabrication de "ronces artificielles", autrement dit des fils barbelés.

 


Ces usines ont disparu au milieu de la 2e moitié du XXe siècle comme le montre cette photographie prise en mai 1971 :

La construction de l'immeuble du 17/19 boulevard Henri IV par l'entreprise Félix Mouton explique aussi pourquoi on peut voir dans les ferronneries qui ornent le portail du Franprix des "M" que ce soit sur les portes :

et dans le linteau :

samedi 2 novembre 2024

MMDCCLXVI : Le superbe escalier à double hélice de l'ancienne halle aux blés

 

La Bourse de commerce abrite depuis 2019 la Fondation Pinault. Le bâtiment avait été construit dans la dernière moitié du XVIIIe siècle pour servir de halle au blé. Il reste un superbe témoignage de ce passé : l'escalier à double hélice  C'est une prouesse architecturale qui a été signée Nicolas Le Camus de Maizères (26 mars 1721-29 juillet 1789). Le bâtiment a été construit entre 1763 et 1769. Le blé était stocké dans la partie supérieure de la rotonde.

et l'escalier permettait aux ouvriers qui montaient et qui descendaient de ne pas se croiser :

Ce qu'il reste de cet escalier est une véritable splendeur :