J'ai consacré plusieurs articles de L'Indépendant aux expositions du Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme situé 71 rue du Temple mais je n''en avais jamais consacré au lieu dans le quel il se trouve alors que c'est un très bel édifice.
Un panneau d'information Decaux permet d'avoir l'essentiel de l'information :
Le portail est imposant :
Le décor des portes est magnifique avec quelque chose d'un peu amusant :
Il s'agit d'une tête d'indien !
Comme le musée est très protégé, il est rare de voir la cour depuis la rue et donc on est toujours surpris par le volume de la cour une fois franchi le sas de sécurité :
mais quand on regarde de près, toute la partie gauche de la Cour est un "faux" : il s'agit d'un "mur renard". Il n y a pas de pièce derrière :
Au dessus du portail central on peut voir les chiffres des propriétaires du XVIIe siècle
mais dans la partie supérieure de l'édifice, on peut voir les armoiries du propriétaire de l'Hôtel à partir de 1688 :
dans l'axe de l'Hôtel on arrive dans un élégant vestibule :
il mène sur la gauche à un somptueux escalier :
en allant à droite du vestibule, on découvre une autre pièce très belle dans laquelle se trouve la librairie du musée :
Lors de la restauration de l'Hôtel à la fin des années 1990, on y a découvert de très beaux restes d'une fresque :
Dans la partie Nord de la parcelle, l'Hôtel possède aussi une petite cour qui servait pour le personnel et qui est assez élégante :
enfin on peut aussi avoir un très bel aperçu sur cet hôtel depuis le jardin Anne Franck accessible depuis la rue Beaubourg par l'impasse Bertaud :
Plusieurs autres informations complémentaire. Cet hôtel apparaît sur le plan Turgot des années 1730 :
L'hôtel avait d'abord appartenu à la famille De Mesmes qui s'est installé dans cette partie de Paris en 1580. L'Hôtel lui-même a été commandé par Claude de Mesmes, seigneur d'Avault (1595-1650) un diplomate au service de Richelieu puis de Mazarin qui a négocié les traités de Westphalie. Il confia les travaux réalisé -environ de 1644 à 1647- à l'architecte Pierre Le Muet (1595-1669). Claude de Mesmes fut notamment ambassadeur dans de nombreux pays dont la Hollande, Venise, la Pologne et le Danemark. L'hôtel s'appelait alors Hôtel d'Avaut.
Claude de Mesme avait aussi été surintendant des finances de 1649 à 1650.
En 1655, la fille de Claude Mesmes, Antoinette-Louise épousa Louis-Victor de Rochechouart (frère de la future Madame de Montespan), duc de Vivonne et capitaine des galères du roi qui devint ainsi propriétaire de l'Hôtel.
Louis-Victor décida de vendre l'Hôtel particulier en 1688 après la mort subite de fils Louis (1663-1688). Celui-ci avait épousé Marie-Anne Colbert (fille du grand ministre) qui vécut de 1665 à 1750 mais c'est une de ses soeurs qui curieux hasard habita cet hôtel.
En effet, l'acquéreur, Paul de Beauvilliers, duc de Saint-Aignan (1648-1714) était lui aussi un puissant personnage à la Cour du Roi Soleil ,il était ministre d'Etat et il avait épousé une autre fille de... Colbert, Henriette-Louise née elle en 1657. Il a exercé la fonction très prestigieuse de Gouverneur des trois petit-fils de Louis XIV. Le personnage a été peint par Hyacinthe Rigaud dans les années 1690 :
L'hôtel a alors été remanié par Jacques Le Pas du Buisson et les jardins redessinés par André Le Nôtre.
A la mort de Paul de Beauvilliers en 1714, sa femme Henri-Louise (la fille de Colbert) continua à habiter l'Hôtel jusqu'à sa mort le 19 septembre 1733. L'hôtel repassa alors dans la famille de Rochechouart... Une fille de Paul de Beauvilliers, Marie-Henriette (1685-1718) avait en effet épousé Louis de Rochechouart, 4e duc de Mortemart (1681-1746), le fils de Louis de Rochechouart et de... Marie-Anne Colbert.
De leur union naquit Charles Auguste de Rochechouart (1714-1743) qui occupa l'Hôtel à partir de 1733.Cela explique que sur le plan Turgot cet hôtel apparaisse sous le nom "Hôtel de Rochechouart" :
L'Hôtel redevient la propriété de la famille de Saint-Aignan en 1755 : Paul-Hippolyte de Beauvilliers, duc de Saint-Aignan (1684-1776), demi-frère de Paul duc de de Saint-Aignan (celui mort en 1714) en devint propriétaire. Il y installa une collection de 400 peintures donc plusieurs Pierre Subleyras (un peintre que j'apprécie beaucoup). Il mourut dans cet hôtel le 22 janvier 1776.
Paul-Hippolyte de Beauvilliers a notamment été ambassadeur en Espagne et à Rome. En 1757, il épousa Françoise, fille de Michel Turgot (1690-1751) le prévôt des Marchands de 1729 à auquel ont doit la fameuse carte évoquée plus haut. Il devint ainsi le beau-frère de Anne-Robert-Jacques Turgot (1727-1781), qui devint le célèbre ministre du début du règne de Louis XVI et qui semble-il habitat lui aussi l'Hôtel de Saint-Aignan.
Paul-Hippolyte mourut en son hôtel particulier en janvier 1776. Un partie de sa descendance l'avait précédé dans la tombe : ses fils, Paul-François (1710-1742) et Paul-Louis (1711-1757) et son petit-fils Paul-Etienne Auguste (1740-1771). C'est donc son arrière petit-fils, Paul-Marie-Victoire né le 2 août 1766 qui lui succéda comme duc de Saint-Aignan en 1776. Le musée d'Helsinki possède un superbe portrait de ce personnage par le peintre suédois Alexandre Roslin :
Hélas pour lui, Paul-Marie-Victoire est mort guillotiné, place du Trône renversé, le 24 juillet 1794 dans les tous derniers jours de la Terreur. (Rappelons que Robespierre a été "renversé" le 27 juillet et guillotiné le 28 juillet 1794).
Mais l'hôtel avait déjà changé de main avant : en 1786, Paul-Marie Victoire l'avait vendu au marquis d'Asnières, brigadier des armées du roi. Il s'agit certainement de Jean d'Asnières de la Chasteygneraie, né en 1739 qui avait réussi à devenir marquis par lettre patentes du roi Louis XVI en 1776 après avoir diverses terres. Il mourut le 3 janvier 1824 mais l'Hôtel de Saint-Aignan fut confisqué en 1792...
Il n'a plus depuis appartenu à des membres de la famille Saint-Aignan, Rochechouart ou Colbert.
A lire :
- l'article de Claude Mignot sur le site du MAHJ.
- les pages 157 à 163 du livre de Danielle CHADYCH, Le Marais, Parigramme
- un article du site ParisMarais
- un a article du site Paris Bise-Art.
- article de 1977 de Michel Le Moel dans la revue "Les cahiers de Saint-Simon".