MMDCXCVI : Les aménagements annoncés de la rue de Richelieu : mon point de vue sur le projet final

  

Mercredi 27 mars 2024, j'ai assisté à la réunion qui se tenait à 18h30 à l'école Louvois concernant les travaux d'aménagement prévus pour la rue de Richelieu.

J'y suis allé pour écrire cet article mais aussi car j'utilise très souvent cette rue pour aller du Louvre vers les Grands boulevards. -Un déplacement que je fais je le précise à pied (n'ayant pas le permis de conduire et faisant aussi partie de ce groupuscule persistant qui déteste utiliser le vélo)-.

La réunion a principalement été animée par Ariel Weil (maire de Paris Centre) :

et par Florent Giry (maire adjoint de Paris Centre en charge de la voirie et des travaux) :

Plusieurs propos et annonces lors de cette réunion m'ont profondément déplu. Je ne prétends pas qu'Ariel Weil et Florent Giry soient mal intentionnés. Ils persévèrent dans l'application de la politique qu'ils appliquent depuis 2020 (et pour laquelle celles et ceux qui ont voté pour eux se reconnaissent certainement).

Je vais essayer d'expliquer sans acrimonie mon point de vue (je fais partie de ceux qui respectent les élus et leur engagement pour ce qu'ils considèrent comme une bonne politique publique). Comme le disait le philosophe Alain, "Le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions"... en l'occurrence avec ce projet, ce sont les trottoirs de la rue de Richelieu qui vont être pavés.

1. Dès le début de la présentation du projet, un point m'a profondément hérissé le poil. Ariel Weil a regretté que les Architectes des Bâtiments de France refusent de faire des passages surélevés pour créer une continuité au niveau des rues Louvois et Colbert. Il a fait le parallèle avec l'axe rue Réaumur/Renard où cela avait été possible malgré la perspective sur Notre-Dame. J'ai été véritablement effondré par la légèreté de ce propos et de cette comparaison qui -à mes yeux- montre un total manque de sensibilité à ce qui fait la magie et la spécificité de la rue Richelieu...

Quand on observe un  plan dit de "Mérian" de 1615, on voit à quel endroit la rue a été édifiée :

On se trouve en effet entre l'espace situé entre l'enceinte de Charles V (de la fin du XIVe siècle) et les "Fossés jaunes", l'enceinte bastionnée ajoutée dans les années 1560. Voici en jaune l'emplacement approximatif de la rue de Richelieu :

Comme on peut le lire dans le Dictionnaire Historique et Administratif des Rues de Paris de 1844, la rue de Richelieu a été bâtie d'un seul tenant en 1629 pour la partie située entre la rue Saint-Honoré et la rue Feydeau et c'est par un arrêt royal de 1704 (donc de Louis XIV) que la rue a été prolongée jusqu'aux Grands Boulevards (l'actuel "carrefour Drouot):

Quand on observe un plan Turgot des années 1730, on ne peut manquer d'être admiratif devant cette rue :

Ce qui compte ce n'est de mon point de vue pas tant la perspective sur le Louvre (qui d'ailleurs n'existe que depuis Napoléon III) mais ce superbe alignement des façades grandioses deux palais des deux grands premiers ministres du XVIIe siècle : Richelieu (à l'origine de l'actuel Palais Royal) et Mazarin (à l'origine du site Richelieu de la BNF). C'est cette perspective en alignement sur ces deux façades, que l'on peut voir de loin grâce à la linéarité de la rue dest absolument extraordinaire et complètement dans l'esprit "classique" du grand siècle avec le goût pour les grandes perspectives.

A titre de comparaison, voici à quoi ressemblait la rue Beaubourg sur un plan Turgot :

La comparaison entre l'axe Beaubourg/Renard est la rue de Richelieu est à mes yeux d'une très grande maladresse. La volonté des ABF de préserver la vue sur la façade de la BNF explique aussi pourquoi la mairie renonce à végétaliser l'espace situé à sa hauteur sur le trottoir pair (si j'ai bien compris le projet initial).

2. Ariel Weil a regretté (certes sans excès) de ne pas pouvoir ouvrir des entrées supplémentaires dans le square Louvois qui est situé dans la partie Ouest de la rue à la hauteur de la BNF. Je n'ai jamais compris pourquoi le maire de Paris Centre adore créer des ouvertures supplémentaires dans les squares (il a rappelé ce qui a été fait au square de la Tour Saint-Jacques). Ce qui fait -à mon humble avis- le caractère agréable et précieux d'un square c'est qu'on peut s'y sentir dans un cocon. Pour le square Louvois une ouverture dans l'angle Nord-Ouest ou bien deux ouvertures au Nord et au Sud conduisait à devoir abattre des arbres. J'avoue ne pas comprendre pourquoi cela avait été envisagé :

3. De façon, fort louable, ce projet prétend "Donner plus de place pour le cheminent des piétons". C'est même le 1er objectif annoncé avec la végétalisation de l'espace public :

L'intention est très louable. En effet, empruntant très régulièrement cette rue, je peux témoigner que l'étroitesse du trottoir conduit souvent à des situations périlleuses, surtout le trottoir pair (côté Est) sur lequel en plus s'amoncellent des clients d'établissements de restauration.

Pour agrandir les trottoirs, la solution trouvée consiste à supprimer le couloir des bus, principalement celui du 39, qui traverse la rue du Nord au Sud.

Le problème est qu'en raison de la localisation des égouts, et pour pouvoir, planter, des arbres, il n'est possible d'agrandir que le trottoir impair (côté Ouest). Voici un comparatif qui montre le "avant"/"après" :

Le problème est donc que désormais il n'y aura plus qu'une voie. Les bus n'auront donc plus leur propre voie. Pendant la réunion, le dirigeant d'un centre médical est intervenu pour se poser la question de ce que pourraient faire ses clients âgés pour être déposés ce qui prend du temps. Il a été répondu que le fait de devoir bloquer quelques instants la circulation ne posera plus de problème grâce au côté apaisé des lieux. Je pense que les conducteurs de taxi et de bus apprécieront !

Ce qui est vraiment très agaçant c'est que côté pair, le trottoir reste aussi exiguë et qu'en outre, on ajoute un contre-sens vélo justement à cet endroit :

On pourrait alors répondre que les piétons n'auront qu'à utiliser le large trottoir d'en face... Or je suis prêt à parier qu'une grande partie de la rue va être complètement envahi par des terrasses où il sera difficile de passer.

Une comparaison : Existant/Projet

 Notons que sur le projet ci-dessus un cycliste est représenté dans le sens Nord-Sud mais qu'il faudrait en ajouter un dans le contre-sens le long du trottoir à l'emplacement où j'ai mis l'étoile :

Ce contre-sens vélo accroit ainsi le caractère dangereux de cette rue pour les piétons qui vont subir -encore une fois- des cyclistes qui foncent comme des dingues et qui ne vont pas comprendre que des piétons soient contraints de mettre un pied sur la chaussée. Ce contre-sens est d'autant plus inutile qu'à quelques mètres de là, la rue Sainte-Anne permet aux cyclistes de remonter dans le sens Nord-Sud.

4. La transformation de la place Mireille (devant la fontaine Molière) avec la fermeture à la circulation vers la rue Molière va pouvoir permettre la création d'une placette :

Je ne doute pas qu'elle sera jolie et agréable (le mobilier urbain choisi est plutôt esthétique) :

Je suis bien sûr favorable à la plantation d'arbres mais il faudra veiller à ce que la superbe fontaine Molière reste visible.Cependant, je plains les riverains. On peut être persuadé que la présence d'établissements avec de larges terrasses va conduire d'ici quelques années à des nuisances sonores (on pourra le vérifier sur les cartes de niveau sonore régulièrement publiées) Ici c'est la logique de nos élu(e)s parisien(ne)s qui conduit à faire toujours plus de places aux établissements festifs qui est à l’œuvre et à transformer Paris Centre en vaste Luna Park qui est à l’œuvre.

5. Cela est confirmé par l'appellation utilisée à plusieurs reprises par Ariel Weil et Florent Giry pour désigner ce quartier "Little Tokyo". Ce thème est même donné comme justificatif pour expliquer les essences choisies pour les arbres et les plantes :

Cette référence est à mes yeux consternante. Le foisonnement de commerces asiatiques, dont certains n'ont de japonais que le nom tant par leur personnel que leur carte, conduit à une mono-oactivité de plus en plus triste pour les habitants du quartier. Ayant des amis japonais venus visiter Paris, ils ont eux-mêmes été abasourdis par ce qui est présenté ici comme un "Little Tokyo" assez low cost, certes prisé des bobos et des étudiants, mais qui n'a rien avoir avec la magie du caractère historique de ce quartier. Je suis un grand admirateur du Japon où je me suis rendu à plusieurs reprises, mais l'appellation "Little Tokyo" est désolante pour le quartier Richelieu qui a une histoire si particulière dans Paris (l'équivalent à mes yeux est le lotissement à la même époque, au XVIIe siècle, de l'île Saint-Louis).

6. Les élus de Paris Centre persistent dans leur logique de thrombose de la circulation. Cette rue est aujourd'hui très passante. Elle est utilisée par 10 000 véhicules par jour. La solution trouvée pour le Marais est donc appliquée. Pour les véhicules particuliers, le sens de la circulation va être inversé entre la rue du 4 septembre et la rue Feydeau :

Il ne sera donc plus possible d'aller des Grands Boulevards à la rue du 4 septembre par la rue de Richelieu. Les conducteurs non prévenus vont se retrouver dans la petite rue Feydeau dont je prévois un petit cauchemar pendant au moins quelques temps. L'objectif final est toujours le même : faire partir le flux de circulation : il est prévu de la faire diminuer de 65%. 

 

Je n'ai pas le permis de conduire mais j'ai toujours été convaincu que pour qu'une ville soit active et dynamique, il faut qu'on puisse y circuler, et pas seulement à vélo (notamment quand on est âgé, à mobilité réduite ou que l'on a des enfants en bas âge) On fait partir, les véhicules, mais aussi avec les habitants. Je pense que mon point de vue est complètement incompréhensible aux élus actuels de Paris Centre et à celles et ceux qui votent pour eux !

 

Finissons sur  trois points positifs. 

1. Les trottoirs vont être pavés et donc la rue n'aura plus l'aspect patchwork que l'on trouve dans de trop nombreuses artères de Paris. 

2.  Quatorze arbres de 9m de haut vont être plantés dans la rue. On ne peut que se féliciter de cela !

3. De plus, pour le mobilier urbain, le choix est assez esthétique :

Il faut donc espérer que cela va être beau. Tant mieux quand même puisque le budget prévu est de 4 millions d'euros.On aura cependant compris que je suis loin d'être enthousiaste concernant ce qui a été annoncé mercredi même si je comprends que c'est dans le sens d'une politique d'ensemble pour Paris Centre.

MMDCXCV : Paris Centre Hier et aujourd'hui : L'extrémité Est de la rue Réaumur au début du XXe siècle

  

Voici un article concernant une carte que j'ai acquise récemment. Comme il est indiqué dans la partie supérieure, elle représente la rue Réaumur. Elle a été affranchie en 1908, donc elle date du début du XXe siècle : 

La carte a été adressée par une tante à son neveu qui habitait dans le Doubs "Ta tante qui t'aime".

On reconnaît l'extrémité Est de la rue Réaumur en regardant vers l'Ouest. La vue est prise depuis l'angle avec la rue du Temple. L'aspect général des lieux a peu changé depuis comme le montre cette comparaison avec une une prise de vue de mars 2024 :

Cette partie-ci de la rue Réaumur a été percée (entre la rue du Temple et la rue Saint-Denis) dans les années 1860. Cependant à l'arrière-plan, on devine la perspective crée au loin par le prolongement de cet axe à la fin des années 1890 (voir article du 5 octobre 2022).

Sur la gauche au 1er plan, on observe un café qui avait pour nom "Aux 4 vents" :

Il est intéressant de noter qu'on trouve un commerce semblable à cet endroit encore aujourd'hui :

Par contre, sur le même trottoir, en continuant dans la rue on trouvait une boucherie qui a disparu depuis :

Sur le trottoir de droite, côté pair, on peut observer de la publicité sur le mur aveugle de l'immeuble plus récent construit dans l'alignement qui semble avoir été prévu pour la nouvelle rue :

On peut observer qu'au 16 rue Réaumur on trouvait un "grand bazar, soldeur cycliste".

On peut remarquer des rails sur la chaussée qui montre qu'il existait un tram dans la rue qui tournait dans la rue du Temple vers le Nord.  A noter aussi l'absence de véhicule automobile qui laisse penser que la vue a été prise à la toute fin du XIXe siècle ou au tout début du XXe siècle :

MMDCXCIV : Seize ans de L'Indépendant du Coeur de Paris

  

Le 28 mars marque l'anniversaire de l'Indépendant du Coeur de Paris, lancé en mars 2008 sous le nom de "L'Indépendant du 4e", et devenu en mars 2018, L'Indépendant du Cœur de Paris.

Merci aux fidèles lectrices et lecteurs qui font preuve d'endurance puisque vendredi 29 mars paraîtra le 2695e article ! 

MMDCXCIII : Reportage photo sur le dévoilement de la charpente de la flèche de Notre-Dame

  

Je continue les articles consacrés à la résurrection de la cathédrale Notre-Dame. Lundi 25 mars, j'ai pu faire des photos de la charpente de la flèche qui, par la suite, sera recouverte par un décor en plomb. Il faut donc profiter de ce moment très rare pendant lequel on peut observer la structure en bois de la  base de la flèche.

On ne peut être qu'impressionné par ceux qui interviennent à une telle hauteur sur ce chantier. Pour eux cela doit être formidable de pouvoir réaliser cela.

La charpente est vraiment superbe :

 

MMDCXCII : Les statues de l'Hôtel de Ville : Série sur les Villes de France (21e volet) : Bourges par Auguste Martin

Voici le 21e épisode de la série consacrée aux statues des villes de France qui ornent la façade de l'Hôtel de Ville de Paris. Il concerne la statue de la ville de Bourges qui est la 7e en partant de la droite de la façade principale qui donne sur la place de l'Hôtel de Ville :

Cette statue représente la ville de Bourges (Cher). On peut s'en convaincre en regardant les armoiries qu'elle tient de la main gauche  :

Les armoiries de Bourges reconnaissables : "d'azur à trois moutons d'argent accornés de sable, accolés de gueules et clarines d'or, à la bordure engrêlée de gueules; au chef cousu d'azur à trois fleurs de lys d'or."

La statue tient dans la main droite un objet qui ressemble à un reliquaire :

Il s'agit d'une œuvre de Marie Auguste Martin né à Dun-le-Roi-sur-Auron (dans le Cher, département dont Bourges est la préfecture) le 14 septembre 1828 et il est mort en 1910. 

MMDCXCI : Une sélection personnelle d'oeuvres présentées à l'exposition "l'invention de la Renaissance" à la BNF

 

En ce moment, on peut voir une exposition passionnante à la Bibliothèque Nationale de France, site Richelieu (j'ai consacré un article au musée paru le 9 mars 2024 ). Elle a pour thème "L'invention de la Renaissance. L'Humaniste, le prince et l'artiste". 

 On peut y admirer un nombre impressionnant de manuscrits qui permettent de comprendre en quoi la Renaissance du XIVe au XVI siècle marque une étape clé dans l'Histoire du monde avec l'avènement d'un monde fondé sur la science, la Raison et la confiance en l'Homme.

La présentation à première vue peut paraître rébarbative : on peut se sentir terrasser par la quantité de manuscrits présentés dans les vitrines :

 Or la mise en scène (avec notamment des compléments iconographiques) et surtout la qualité des cartels permettent de bien comprendre l'intérêt de chacun de ses ouvrages.

M'étant penché sur le sujet lorsque j'ai passé l'agrégation (le sujet d'Histoire moderne portait sur "La Renaissance en Europe de 1470 à 1560") mais aussi car j'ai enseigné la Renaissance en 5e pendant de nombreuses années, voici une sélection très personnelle de ce qu'on peut y admirer :

1 : Retour des textes antiques de la philosophie antique : Un manuscrit des œuvres de Platon. Le manuscrit date du troisième quart du IXe siècle et provient de Constantinople. Il a appartenu à Pétrarque, un témoignage du retour aux écrits antiques de la Renaissance. 

2. Architecture : Reliure en maroquin du milieu du XVIe de l'ouvrage d'architecture de Vitruve (Ier siècle après J/-C.). M Vitruvius per Jocundum solito Castigatior factus :

3. Rôle du prince et traduction des textes latins en français : Les Discours de Cicéron traduit en français par Etienne Leblanc et enluminé par Noël Bellamare, vers 15271529 :

Enluminure montrant François Ier à la bataille de Marignan :

4 : Médecine :  Recueil de textes chirurgicaux antiques réunis par Nicétas, provenant de Rome, 1541. Recopié par Christoph Auer, peint par Francesco Salviati :

5. Religion :  Erasme, Novum instrumentum, imprimé à Bâle en 1516. La première version imprimée du Nouveau testament, corrigée avec le texte en grec et en latin. Un ouvrage clé pour comprendre la Réforme :

 

6 : Religion et linguistique : Version polyglotte de l'Ancien testament datant de 1514/1517 et supervisée par le cardinal archevêque de Tolède, Francisco Jiménez de Ciseneros. On peut voir sur cette page de l'Hébreux, du Grec et du Latin :

7. Histoire :  Suétone, Vitae duodecim Caesarum, recopié à Rome en 1474 par Bartoloméo Sanvito, et enluminé par Gaspare da Padova. Il comprend un des recueils les plus complets des monnaies antiques :

8. Philosophie : Jean Pic de la Mirandole, Opera (traduit en français par Discours sur la Dignité de l'Homme), imprimé à Bologne en 1496 :

9. Géographie : Description des côtes, îles et ports de l'Océan Atlantique et de la Mer Méditerranée, manuscrit du Val-de-Loire, entre 1504 et 1515 :

10. Botanique : Manfred de Monte Imperiale, De herbis, 1ère moitié du XVe siècle :

Pour finir, parmi les oeuvres iconographiques (en plus des superbes enluminures), cette autre sélection :

- une huile sur bois du Pérugin représentant Apollon et le berger Daphnis peint vers 1494 :

- Nicoletto da Modena, Le sort de la langue méchante, gravure sur cuivre au burin, 1507 : 

avec ci-dessous, un détail : 

Ceci ne donne qu'une toute petite idée de ce que l'on peut voir dans cette exposition qui fermera ses portes le 16 juin 2024.