Au Louvre, dans le département des statues du XVIIe siècle, il n'est pas possible de passer à côté de cet énorme tombeau sans le remarquer. Les personnages sont en taille réelle et le monument est vraiment impressionnant.
Le cartel permet d'apprendre qu'il s'agissait de "Charles de La Vieuville (vers 1582-1653) et de sa femme Marie Bouhier morte en 1663". On y apprend aussi que ce tombeau date de 1658-1663 et qu'il provient de l'église des Minimes en montrant une reconstitution de la chapelle où il se trouvait :
J'ai déjà publié un assez long article consacré à cette église qui avait des dimensions impressionnantes et qui se trouvaient au nord de l'actuelle place des Vosges (voir article du 24 avril 2021 )
Tout indique donc que Charles de La Vieuville était un personnage important :
Il est en effet représenté avec la tenue des chevaliers de l'Ordre du Saint-Esprit qui était le plus prestigieux parmi la noblesse de France. Ces armoiries entourées du cordon de l'Ordre du Saint-Esprit apparaissent sur le socle du tombeau et sont tenues par un ange en pleurs.
Charles de La Vieuville n'a pas marqué l'histoire mais il a été un des principaux rivaux d'un personnage beaucoup plus célèbre : le Cardinal de Richelieu. Né le 3 novembre 1584, il était devenu membre de l'Ordre du Saint-Esprit en 1619 et Surintendant des Finances en 1623.Mais, en août 1624 il est emprisonné au château d'Amboise pour prévarication sur ordre de l'étoile montante du gouvernement, Richelieu. Il s'échappe et se réfugie en Hollande. Il rentre par la suite en France mais est à condamné à mort par contumace en 1633 et il est dégradé de l'Ordre du Saint-Esprit. Il se repart à l'étranger et s'exile à Bruxelles.
Il revient en grâce après la mort de Louis XIIIe en 1643. Il est réintégré en juillet 1643 dans ses honneurs et ses emplois. En 1650, sa baronnie de Nogent-l'Artaud est érigée en Duché de La Vieuville. En 1651, il devient duc et pair de France et reprend le titre de Surintendant des Finances, fonction qu'il occupa jusqu'à sa mort le 2 janvier 1653.
Marie Bouhier son épouse est représentée à ses côtés :
Marier Bouhier de Beaumarchais est devenue son épouse en 1610. Elle est décédée le 7 juin 1663. Ses armoiries apparaissent aussi sur le tombeau :
Marie Bouhier était la fille de Vincent Bouhier, seigneur de Beaumarchais, et de Marie-Lucrère Hotman... fille de François Hotman. Certaines informations indiquent qu'elle est née en 1605 mais on a du mal à croire qu'elle se soit mariée en 1610 et qu'elle ait commencé à avoir des enfants dès 1615 !
Charles de La Vieuville et Marie Bouhier de Beaumarchais ont au moins eu douze enfants. Leur fils ainé, Vincent de la Vieuville est mort en combattant pour les armées royalistes de Charles Ier d'Angleterre à la bataille de Newbury le 12 septembre 1643. Il a aussi été inhumé ans l'église des Minimes :
L'Hôtel de La Vieuville était situé du côté pair de la rue Saint-Paul à l'angle avec le quai des Célestins dans l'actuel 4e arrondissement. On peut le voir sur le plan Turgot :
Cet hôtel particulier était situé à l'emplacement de celui érigé par
Pierre d'Aumont, conseiller de celui qui allait devenir en 1364 le roi
Charles V. Il s'agissait alors d'une dépendance de l'Hôtel Saint-Pol où
le roi de France a eu une de ses résidences principales dans la 2e
moitié du XIVe siècle et au au début du XVe siècle. En 1596, l'Hôtel a
été racheté par le financier Vincent Bouhier de Beaumarchais qui était
le père de Marie Bouhier. C'est par son mariage en 1610 avec Charles de
la Vieuville. Sur le plan Picquet de 1812, on se rend bien compte que cet hôtel particulier s'étendait du quai des Célestins et la rue des Lions-Saint-Paul :
Cette demeure a été détruite en 1927 mais il reste de nombreuses représentations qui montrent à quoi elle ressemblait au début du XXe siècle :
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Charles Atget, vue du portail de l'Hôtel de la Vieuville, vers 1900
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Paul Joseph Victor Dagaud, L'Hôtel de la Vieuville, 1903.
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Une vue aérienne de l'Hôtel de la Vieuville (1913)
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On trouvait dans le bâtiment au 1er plan un antiquaire du nom de Couderc :
Il existe plusieurs vues de l'intérieur de l'Hôtel de La Vieuville à l'époque où il était possédé par cet antiquaire :
Voici une carte postale qui montre les lucarnes de l'Hôtel de la Vieuville depuis la rue des Lions-Saint-Paul :
L'Hôtel de la Vieuville a été racheté en 1926 par Ernest Cognacq (propriétaire de la Samaritaine) à peine deux ans avant sa mort. Cela suffit à décider la destruction de l'Hôtel et à le remplacer par un immeuble moderne en style Louis XIII.
Le monument funéraire exposé aujourd'hui au Louvre est une œuvre de Gilles Guérin (né en 1611 et mort le 26 février 1678). On lui doit notamment les cariatides du Pavillon de l'Horloge de la cour carrée du Louvre et la statue de Louis XIV terrassant la Fronde qui ornait jadis l'Hôtel de Ville de Paris.
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Les Cariatides du Pavillon de l'Horloge dans la cour Carrée du Louvre, des sculptures de Gilles Gurérin
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