samedi 26 novembre 2016

MDCCXCIV : Une formidable redécouverte : les 5 peintures du plafond central du cabinet de l'Amour de l'Hôtel Lambert

Eustache LE SUEUR, La naissance de l'Amour, vers 1646-1647, 1m82 x 1m25

 Le département des peintures françaises des XVIIe et XVIIIe siècles du Musée du Louvre (dans le 2e étage de la Cour Carrée) a été fermé pendant de très nombreuses années. Il vient de rouvrir au cours de l'automne 2015. Certaines salles ont été profondément remaniées.

On peut ainsi redécouvrir une dizaine d'Eustache LE SUEUR peintes pour l'Hôtel Lambert dont j'ai parlé déjà à plusieurs reprises sur ce blog et qui se trouve dans la partie Est de l'ïle Saint-Louis. Voici dans cet article les 5 peintures sur bois qui ornaient le compartiment central du plafond du cabinet de l'Amour. Ces peintures avaient été démontées dès le XVIIIe siècle puisqu'elle faisait partie de la collection privée de Louis XVI avant la Révolution française.

 
Eustache LE SUEUR, Vénus présente l'amour  à Jupiter, vers 1646-1647
 
 Eustache LE SUEUR, L'Amour reçoit l'hommage de Diane, d'Apollon et de Mercure, vers 1646-1647
 
Eustache LE SUEUR, L'Amour réprimandée par sa mère se réfugie dans les bras de Cérès, vers 1646-1647
 
Eustache LE SUEUR, L'Amour ordonne à Mercure d'annoncer son pouvoir sur l'Univers, vers 1646-1647 

 

Le musée possède aussi les cinq esquisses en petit format faites par Eustache LE SUEUR pour préparer son travail sur bois :

J'ai trouvé sur un site, une gravure qui montre à quoi ressemblait ce cabinet :

 
Bernard Picart, Cabinet de l'Amour de l'hôtel Lambert à Paris vers 1646-1647 , gravure,  38,6 x 50.8 cm, 1720
 
 Enfin voici un plan du XVIIe siècle qui montre à quel endroit dans l'Hôtel particulier était placé ce cabinet, dans l'aile droite qui donne sur la rue Saint-Louis-en-l'ïle et sur le jardin de l'Hôtel :

Je l'ai aussi localisé sur la vue ci-dessous :

Rappelons enfin qu'Eustache Le Sueur fait partie des personnages dont la statue orne la façade de l'Hôtel de Ville (voir article du 20 mai 2010).

dimanche 20 novembre 2016

MDCCXCI : Les rues de Paris Centre : quand la partie Sud de la rue du Temple située dans le 4e s'appelait la rue des Coquilles, la rue Bar-du-Bec et la rue Sainte-Avoye

  

Voici un nouvel article consacré aux rues du 4e arrondissement. Il concerne la rue du Temple. La photographie de plaque qui ouvre cet article laisse penser que le nom est ancien. Cependant, la rue du Temple n'avait pas toujours porté ce nom... en tout cas dans le 4e arrondissement.

 Si on observe un plan Turgot (des années 1730), on se rend compte que l'axe auquel correspond aujourd'hui cette rue existait déjà entre ce qui était la porte du Temple (au sud de l'actuelle place de la République) et la place de l'Hôtel de Ville qui était plus petite qu'aujourd'hui. On reconnaît le tracé sinueux de l'actuelle rue du Temple :

L'ancienneté de ce tracé conduit à oublier que la partie située au sud du carrefour avec la rue Michel Lecomte avait porté un autre nom avant 1851. Avant cette date, tout le tronçon de la rue Temple compris dans l'actuel 4e arrondissement (dont les contours rappelons-le datent de 1860) étaient dans le 4e arrondissement. La limite Nord du 4e arrondissement est fixée au niveau de la rue Rambuteau qui n'existait pas à l'époque du plan Turgot. Elle a été percée dans les années 1840. On peut établir son emplacement en regardant l'emplacement de l'Hôtel des Archives et la rue Geoffroy l'Angevin. Cela peremt de faire apparaître l'aspect et la toponymie dans les années 1730  de ce qu'était l'actuelle rue du Temple dans sa partie 4e :

En zoomant de plus près, cela permet de voir que l'actuelle rue du Temple est le regroupement de 3 anciennes rues.

Dans la partie la plus au Sud (entre la rue de la Verrerie et l'actuelle rue de Rivoli), on trouvait la rue des Coquilles :

Ce tronçon de la rue a été profondément transformé dans son côté pair avec la construction du BHV dans les années 1910. Le côté impair a l'air plus ancien, notamment avec des arcades qui ont un aspect fin XVIIIe ou du début du XIXe siècle :

En remontant vers le Nord, on passait entre la rue de la Verrerie et le carrefour avec les rues Saint-Merri et Sainte-Croix de la Bretonnerie dans une rue qui s'appelait la rue Bar-du-Bec :

Ce nom était dû au fait qu'on y trouvait la maison de justice de l'abbaye Notre-Dame-du-Bec-Hellouin (qui se trouvait à l'emplacement de l'actuel 21 rue du Temple).

En continuant à remonter la rue du Temple, à partir du carrefour avec la rue Saint-Merri et la rue Sainte-Croix, on arrivait dans la rue Sainte-Avoye :

Dans ce tronçon, la rue Sainte-Avoye croisait côté Est la rue du Plâtre puis la rue des Blancs Manteaux, et Côté Ouest la rue Simon Le Franc puis la rue Geoffroy l'Angevin.

Voici une vue de cette partie de la rue depuis sa partie la plus au sud :

La rue Sainte-Avoye se prolongeait plus au Nord mais voici ce qui constituait son extrémité pour ce qui concerne l'actuel 4e arrondissement (avec cette fois-ci une vue en direction du sud):

En continuant, dans l'actuelle vers le Nord  rue du Temple, on était toujours dans la rue Sainte-Avoye (jusqu'à l'atuelle rue Michel Lecomte comme je l'ai précisé en commençant cet article).

 

jeudi 10 novembre 2016

MDCCLXXXV : Une rue du 9e arrondissement qui permet d'évoquer un fait divers survenu dans le 4e arrondissement le 2 novembre 1901

 

La rue de l'Agent Bailly est une petite rue du 9e arrondissement entre la rue Milton et la rue Rodier. 

Dans cette rue du 9e, pendant pas mal d'années, une ou des personnes entretenai(en)t un affichage à propos de l'agent Bailly. Les panneaux collés sur le mur subissaient régulièrement des dégradations mais il était intéressant de lire.  On pouvait se rendre compte que ce nom avait un rapport direct avec un évènement survenu dans le 4e arrondissement.


En effet, Charles Gaston Bailly, né à Poitiers le 14 juin 1871, était un gardien de la paix, installé à Paris  (rue de Meaux) depuis 1898. En 1900, il avait rejoint la brigade fluviale mise en place à l'occasion de l'Exposition Universelle de Paris.

Or, le 2 novembre 1901, il est mort dans le 4e arrondissement suite à un drame survenu quai des Célestins tout près du Pont Marie. Une femme désespérée, Amélie Vallée, 37 ans, habitante du 48 rue Saint-Antoine avait sauté à l'eau pour mettre fin à ses jours. L'agent Bailly s'est jeté à l'eau pour la sauver mais comme elle s'est débattue, il est mort avec elle noyé dans la Seine prisonniers des péniches amarrées le long du quai.

Tout Paris a été touché par l'héroïsme de l'agent Bailly. Le 4 novembre 1901, il a eu droit à des obsèques nationales en présence de Pierre Waldeck-Rousseau, le Président du Conseil. Le "Petit Journal" a même consacré sa "Une"de son supplément illustré à cet événement comme le montre une autre affiche qui était placardée dans la rue :


Le 12 juillet 1903, le Conseil municipal de Paris a décidé de donner son nom à la rue qui venait d'être percée pour prolonger le "passage Rodier" jusqu'à la rue Milton.

Pour en revenir au 4e arrondissement, voici une vue du début du XXe siècle  qui montre l'aspect du quai des Célestins au niveau du Pont Marie (un détail d'une carte postale que j'ai commentée dans un article paru le 12 juillet 2011)  :

On y voit les péniches où l'agent Bailly a connu une fin tragique.

En republiant cet article en 2022. J'ai voulu en savoir plus sur ce triste fait divers en me replongeant dans les archives du Petit Journal. Trois éditions sont particulièrement intéressantes :

- celle du dimanche 3 novembre 1901 :

Cela permet d'apprendre qu'il y avait en 1901 autour du Pont Marie une intense activité portuaire : "la circulation était assez active sous ce point, près du pont Marie, où deux ports sont en pleine activité, le port Saint-Paul et le port des Ormes [...] les péniches et les chalands sont amarrés en grand nombre". "En amont du Pont Marie, deux flûtes, contenant l'une de la poterie, l'autre du charbon, que des ouvriers déchargeaient" [...] et "la troisième remplie des gravats de l'Exposition universelle de 1900".

- celle du 4 novembre 1901 :

On y apprend que la concierge que l'agent Bailly a voulu sauver était concierge au 48 rue Saint-Antoine. Autre information : le fait que les Parisiens avaient l'habitude d'aller à la morgue (à la pointe Est de l'île de la Cité) pour aller voir les cadavres des disparus... Surprenante habitude !

- celle du 5 novembre 1901 :

Ici on se rend compte que l'essentiel de la cérémonie a eu lieu dans le Centre de Paris avec une première partie dans la cour de Préfecture de Police sur l'Ile de la Cité en présence du président du Conseil (Waldeck-Rousseau) et du président du Conseil municipal (M. Dousset). Elle s'est ensuite poursuivie à Notre-Dame où une foule considérable à assister aux obsèques.