vendredi 22 août 2025

MMDCCCXXVIII : Les statues du Louvre (30e volet) : Denis Papin par Jean-François Soitoux

  

Voici le 30e épisode de la série relative aux statues qui décorent la cour du Louvre. Il concerne la statue de Condorcet l'on peut voir sur la rotonde de Beauvais  :

La statue de Condorcet est la deuxième en partant de la gauche :

Denis Papin est né le 22 août 1647 à Chitenay dans les environs de  Blois. Il est mort à Londres en août 1713. Sa tombe a été retrouvé en 2016 et une plaque a été posée dans l'église Saint-Bride à Londres.

Denis Papin était un ingénieur.  Il était protestant. Il a été formé à l'Académie de Saumur qu'il a quitté en 1661. Il est parti pour Londres en 1675. En 1690, il a mis au point le cylindre-piston à vapeur. Celui-ci est représenté à gauche de la statue :

Cette invention, améliorée en Angleterre au XVIIIe siècle, permettra la mise au point de la machine à vapeur par James Watt entre 1763 et 1788.

 Le nom du sculpteur, Soitoux, apparaît sur le côté gauche du socle :

 Jean-François Soitoux est né le 5 septembre 1816 à Besançon, et mort, le 21 mai 1896 dans le 6e arrondissement. Voici une photographie de l'artiste qui date de 1860/1870 :

Le sculpteur a l'air très songeur. Il a donné à Denis Papin des traits qui montrent le même état d'esprit avec une posture à la Bonaparte :

 

dimanche 17 août 2025

MMDCCCXXVII : Les façades de Paris Centre : au 174, et au 176, rue Saint-Denis, deux maisons du XVIe siècle

 

Au 174, et au 176, rue Saint-Denis, on peut observer deux maisons du vieux Paris. On peut se douter de leur ancienneté car elles sont beaucoup plus basses que celles de la rue Saint-Denis, qui est elle-même une artère très ancienne de Paris. Ces deux maisons sont inscrites depuis 1994 à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Il y est précisé que ces maisons datent du XVIe siècle.

Il est intéressant de remarquer que ces maisons apparaissant très visiblement sur le plan Turgot des années 1730 et que leur aspect a peu changer depuis:


Voici un avant/après pour mieux se rendre compte :


 La maison de gauche, le 176, a conservé un pignon à auvent. Cela permettait de hisser les marchandises dans le grenier grâce à une poulie :

Ces maisons ont été construites au XVIe siècle. Elles existaient donc déjà depuis près de 200 ans quand le plan Turgot a été dessiné, et elles ont donc environ 500 ans.


 

mardi 12 août 2025

MMDCCXXVI : Exposition "Alfred Dreyfus, vérité et justice" au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme : une replongée dans l'antisémitisme ordinaire de la IIIe République


 Jusqu'au 31 août, au musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme (Paris 3e), on peut visiter l'exposition "Alfred Dreyfus : Vérité et Justice". Cela permet de se remettre en tête les différentes phases et les différents acteurs qui ont permis finalement à Alfred Dreyfus d'être innocenté après les soubresauts de "l'Affaire Dreyfus" qui ont marqué la France à la fin du XIXe siècle et grâce en partie à de documents d'archives cédés au MAHJ par la famille Dreyfus.

Ce qui ne cesse de me surprendre, c'est la forme d'antisémitisme ordinaire que connaissait la France à cette époque. En voici trois témoignages :

Une affiche électorale de 1889 à la l'époque où le général Boulanger avait le vent en poupe :

Une affiche publicitaire pour l'ouvrage d'Edouard Dumont, La France juive :

et cette caricature d'avril 1898 à propos de l'annulation par la cour de cassation du premier procès d’Émile Zola :

ce qui m'a interpelé c'est le commentaire d'Edgar Degas envoyé dans une lettre à l’auteur de la caricature pour le complimenter : "Que votre dessin est beau ! Et pas de légende. Cassation ça suffit ! La tête est magnifique. Que de choses on dit avec le dessin".


jeudi 7 août 2025

MMDCCCXXV : Un moment important dans l'histoire de Paris et de Paris Centre : le Conseil constitutionnel a validé la nouvelle loi PLM

  

Ce 7 août 2025 marque une date importante dans l'histoire de Paris, et de Paris Centre. Le conseil constitutionnel a validé la nouvelle loi Paris-Lyon-Marseille qui organise la façon dont les élections municipales vont avoir lieu l'an prochain.

Ce qui important c'est que désormais, les électeurs parisiens procéderont à deux élections distinctes au même moment. D'une part, le Conseil de Paris sera élu directement par les habitants.  Par contre, la prime majoritaire au second tout ne sera plus que 25% pour la première liste arrivée en tête. Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée, car il y aura toujours le risque désormais qu'il n'y ait pas de majorité au conseil de Paris. L'important est que désormais les Parisiennes et les Parisiens pourront élire directement leur maire.

Le plus important - concernant l'échelle de ce blog -  c'est que désormais les citoyennes et les citoyens éliront  le conseil d'arrondissement, et pour Paris Centre, du secteur  qui regroupe les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissement (depuis 2020) indépendamment de leur choix pour l'ensemble de Paris. En plus de l'élection pour Paris, il va donc y avoir 17 élections locales dans laquelle -peut-être- la dimension plus personnelle du lien à une équipe particulière et à maire chargé du local jouera un rôle non négligeable. Je continue à penser que la loi aurait dû préalablement revoir les moyens et les compétences des conseils de secteur car, pour ce que j'en connais, ils sont assez limités par rapport à la mairie centrale; 

Ce qui est important pour Paris centre c'est qu'on peut être certain que certains acteurs de la vie locale vont vont tout faire pour faire jouer leurs qualités personnelles afin d'essayer de l'emporter, quel que soit le résultat pour l'ensemble de Paris. Paris Centre est sociologiquement très intéressant car, avec le regroupement des 1er, 2e, 3e et 4e arrondissement, il est devenu un espace où il est impossible de prédire qui a le plus de chances de l'emporter. Il reste six mois de campagne électorale pour voir qui tirera son épingle du jeu !  Bon courage à celles et ceux qui vont se lancer dans celle-ci. Pour l'avoir vécu, je sais combien une campagne électorale municipale relève du parcours du combattant.

samedi 2 août 2025

MMDCCCXXIV : Les rues de Paris Centre : la rue Saint-Sauveur...sur les traces de l'église Saint-Sauveur et des bains Saint-Sauveur

 

La rue Saint-Sauveur est située dans le 2e arrondissement, entre la rue Montorgueil à l'ouest et la rue Saint-Denis à l'est.

Elle ne mesure que 250m de long et elle est coupée par une seule rue, la rue Dussoubs.

La rue Saint-Sauveur depuis la rue Saint-Denis, vue en direction de l'ouest

La rue Saint-Sauveur depuis son extrémité ouest, vue en direction de l'est

Cette rue porte ce nom en raison d'une église, qui était située à l'angle de la rue Saint-Denis et de la rue Saint-Sauveur (côté pair de la rue). Une première chapelle avait été édifiée au tout début du XIVe siècle, dans les années 1310. Il faut se rappeler, qu'à l'époque, cet espace se trouvait hors de Paris puisqu'il est au nord de l'enceinte de Philippe Auguste, construite au XIIe siècle. Le lieu de culte s'est retrouvé à l'intérieur des limites Paris après la construction de l'enceinte de Charles V, entre 1356 et 1383. Le nom de rue Saint-Sauveur apparaît pour la première fois en 1385. Elle était donc située dans l"espace urbain compris entre les deux enceintes (l'enceinte de Philippe Auguste disparaîtra dans les années 1530, celle de Charles V dans les années 1670) :

L'église Saint-Sauveur se trouvait rue Saint-Denis dans un rectangle qui longeait le côté pair de l'actuel rue Saint-Sauveur. Elle avait été reconstruite au début du XVIe siècle. On peut observer l'aspect qu'elle avait sur différents plans de Paris. Tout d'abord, sur le plan dit de Bâle (des années 1550), on voit qu'elle comportait une tour-clocher à l'angle des rues Saint-Denis et Saint-Sauveur :

On se rend compte que l'église avait -contrairement à ce que j'ai pu lire sur certains sites- un portail côté ouest et que pour y accéder on longeait l'église sur son côté nord :

On observe le même aspect sur le plan Mérian de 1614 :


Il existe aussi des gravures du milieu du XVIIe siècle qui montrent la façade est de l'église, celle qui donnait sur la rue Saint-Denis. Au chevet, la façade rectiligne comprenait une entrée par le fond de l'église :

L'église Saint-Sauver en 1655 par Martin Zeiller
Cette église, avec sa tour-clocher rappelle d'autres églises parisiennes du XVe et XVIe siècle comme par exemple l'église Saint-Nicolas-des-Champs dans le 3e arrondissement :

  Le plan Jaillot de 1713 permet d'avoir un aperçu du plan de l'église Saint-Sauveur :


Le panneau informatif situé au niveau du 6, rue Saint-Sauveur, évoque un ajout qui date justement de 1713 :

Une chapelle de la Vierge, datant de 1713, aurait donc été décorée par Blondel. Hélas le panneau ne précise pas de quel Blondel il s'agit. François Blondel, qui a donné son nom à la rue Blondel, et qui a dessiné la porte Saint-Denis située tout près de là, était mort en 1686. Peut-être en avait-il dessiné les plans ? Quant à Le Moyne, il s'agit certainement François  le Moyne (né en 1686) et qui a obtenu le prix de Rome en 1711.  Et pour "Coypel", il peut s'agit d'Antoine ou Noël Coypel. Quoiqu'il en soit, il semble que les artistes de grand renom de l'époque - qui ont travaillé pour Louis  ont participé à la décoration de cette chapelle, même si je n'ai pas trouvé d'informations complémentaires à son sujet.

On retrouve l'église Saint-Sauveur sur le plan Turgot des années 1730 :

 
 La paroisse de l'église Saint-Sauveur s'étendait entre la rue Montorgueil et la rue Saint-Denis avec comme limite nord l'actuelle rue d'Aboukir et au sud la rue Tiquetonne. On le voit sur un plan dressé en 1786 :


 A cette époque, l'église était cependant en grande partie... détruite. En effet, elle avait été démolie - y compris la tour clocher -  de 1778 à 1785 dans le but de la remplacer par une église dans le style néo-classiquesur des plans datant de 1778/1782 de Bernard Poyet (1742-1824) [Architecte à qui l'on doit la façade de l'Assemblée Nationale côté Seine] :


L'orientation de l'église était inversée puisque le porche d'entrée donnait désormais sur la rue Saint-Denis. L'église devait être dégagée du reste du pâté de maisons. On peut observer la nouvelle disposition  de l'église - certainement pas encore achevée - sur le plan Verniquet de 1790 .Une "place Saint-Sauveur" était apparaît autour de l'édifice :


 Cependant, en raison de la Révolution française, les travaux ne furent jamais achevés et, ce qui avait déjà été construit, fut détruit en 1797.

Ce que devint, par la suite, cet espace n'est pas clair. Sur le plan cadastre Vasserot, qui date du début du XIXe siècle, on voit que mis à part la partie donnant sur la rue Saint-Denis et l'angle avec la rue Saint-Sauveur, on peut observer un vaste espace vide :

Cependant, sur un plan de 1838, le plan Jacoubet, une construction nouvelle apparaît : les "Bains Saint-Sauveur" :

On peut trouver des informations intéressantes sur ces bains. Tout d'abord, une représentation des bains figure parmi les vues des endroits célèbres de Paris gravés par un dénommé Dorgès (ou Dorgez) :

Un ouvrage passionnant permet d'avoir une idée de l'ambiance dans ces bains. Il a été publié en 1822 par Victor Cursin et a pour titre "Les bains de Paris et des quatre parties du monde". Les bains Saint-Sauveur font l'objet des pages 174 à 179 du tome 1. Voici ce qu'écrit Victor Cursin en 1822 :  "La rue Saint-Denis [...] s'enorgueillit aussi de ses bains. Ceux dits Saint-Sauveur s'annoncent par une superbe façade, une entrée majestueuse, un petit jardin animé de son jet d'eau, voire même d'un croquis de cascade, de quelques statues et d'une horloge au milieu du premier étage". L'auteur laisse entendre que le lieu était très fréquenté à la fois pour des questions d'hygiène et de bien être "Les bonnes bourgeoises de la rue Saint-Denis ne se seraient jamais doutées qu' un jour ce petit temple d'Epidaure s’élèverait parmi elles pour le double avantage de leurs attraits et de leur santé". "Tout le beau monde des rues Grand-Hurleur, Thévenot, Quincampoix, Tuanderie accourt en foule [aux bains Saint-Sauveur]." Le texte laisse entendre que le lieu était aussi propice aux plaisirs charnels : "On assure qu'on a composé, dans le quartier, des strophes [...] et que le soir, dans la belle saison, toutes les petites lingères, modistes, fleuristes, grisettes, prêtresses de Momus*, des rues adjacentes aux bains Saint-Sauveur viennent également y chanter en chœur : Virginité où fuyez-vous après m'avoir quitté ?. La foule assure-t-on est considérable. On trouve dans ces bains des cosmétiques précieux pour la peau, [...] dont les effets miraculeux, entre mille autres, sont de reproduire au naturel, tous les prestiges d'une complète innocence [...]. Ne nous étonnons donc plus si nous voyons dans le marché aux fleurs, près de la rue Saint-Denis, tant de couronnes virginales".

J'ai trouvé une affiche faisans la publicité des bains Saint-Sauveur mais qui ne semble pas évoquer la moindre licence des mœurs :

Je n'ai pas réussi à savoir quand ont disparu les bains Saint-Sauveur.

Quand on regarde les façades des 2, 2bis, 4, 4bis et 6 rue Saint-Sauveur, on est face à ce qui correspondait à la partie sud de l'église avant la fin du XVIIIe siècle. 

Au 6 rue Saint-Sauveur, on trouve un club de sport.  Dans la cour, on peut observer les restes d'une façade, peut-être d'un établissement industriel, qui s'est installé là par la suite :

Au 2 bis de la rue Saint-Sauveur, sur la façade, une Vierge à l'Enfant est placée au 1er étage entre deux fenêtres. 


 Peut-être une façon d'évoquer le saint sauveur, c'est-à-dire Jésus :

Quant on contourne l'angle, on arrive au 186, rue Saint-Denis, à ce qui correspondait à la partie arrière de l'église (ou la façade principale dans la réorganisation prévue dans les années 1780 :

En passant, le porche, au fond de la cour, on peut admirer une très belle façade dans le goût néo-classique, Le thème de Neptune (avec des tridents) est quand à lui peut-être une évocation des bains Saint-Sauveur et donc un vestige de cet établissement :

 

La rue Saint-Sauveur possède de très belles constructions anciennes dont je reparlerai dans de futurs articles.


* (Momus : dieu romain de l'ironie et du sarcasme, fils du Sommeil et de la nuit)