vendredi 26 mai 2023

MMDLXXXI : Sur les traces de l'Hôtel de Noailles où s'est marié le marquis de la Fayette, "le Héros de l'Amérique".

  

Sur la façade du 211 rue Saint-Honoré (Paris 1er), on peut lire cette plaque sur la façade de l'endroit où se trouve l'Hôtel St James & Albany. On y apprend que Gilbert Mottier de La Fayette s'est marié à cet endroit le 11 avril 1774.

Cela m'a intrigué et je me suis demandé à quoi ressemblait l'hôtel de Noailles où avait eu lieu ce mariage.

On peut assez facilement retrouver des vues de cet hôtel particulier. Voici une vue de de la façade dessinée par l'architecte Jacques-François Blondel en 1727

et une coupe de profil :

On peut voir cet hôtel sur le plan Turgot :

Après le percement de la rue de Rivoli sous Napoléon Ier, l'extrémité Sud du Parc s'est retrouvé le long de cette nouvelle artère comme on ne voit sur les plans cadastres du début du XIXe siècle :

On voit que cet hôtel particulier semblait donc vraiment superbe. La famille de Noailles était en effet une des plus grandes familles aristocratiques françaises. L'épouse de La Fayette, Adrienne de la Fayette (1759-1807) était la fille de Jean-Louis-Paul-François de Noailles (1739-1824), 2e duc d'Ayen, 5e duc de Noaille (à partir de 1793), lui-même fils de Louis de Noailles (1713-1793) qui a été maréchal de France. Fils lui-même du duc Adrien de Noailles  (1678-1766), il avait obtenu, la création du titre de Duc d'Ayen en 1733 pour l'héritier du duc de Noailles.... C'est pourquoi quand La Fayette a épousé Adrienne, elle était la fille du duc d'Ayen qui n'a pris le titre de duc de Noailles qu'en 1793 à la mort de son père. On peut donc supposer que lors du mariage, l'hôte qui possédait l'hôtel de Noailles était le grand père d'Adrienne, Louis de Noailles... le fameux maréchal.

Le père d'Adrienne, Jean-Paul-François de Noailles est mort en 1824. Son épouse Henriette-Anne-Louise Daguesseau a été guillotinée le 22 juillet 1794 dans les tous derniers jours de la Terreur. Le couple a eu sept enfants mais aucun des fils n'est parvenu à l'âge adulte. Cela explique peut-être ce qu'il est advenu de l'Hôtel de Noailles après 1824. On trouve en effet, des représentations de sa ... destruction avec cette gravure conservée au musée Carnavalet .

On apprend dans le Dictionnaire historique et administratif des rues de Paris de 1844 que cet hôtel particulier était devenu la propriété de financiers les frères Périer et un dénommé Chéronnet et qu'ils ont obtenu en septembre 1830 par ordonnance royale le droit de percer une rue rue à l'emplacement de l'Hôtel particulier :

L'Hôtel de Noailles n'existe donc plus... du tout. On se rend compte que la plaque située aujourd'hui au n°211 est quelques dizaines de mètres plus à l'Est comme je l'ai indiqué sur le plan de 1804 ci-dessous :

Le plan Verniquet de 1790/1792 permet de comprendre sur quel bâtiment la plaque est posée :

On voit que l'Hôtel de Noailles que j'ai représenté par un A était immensément plus grand que l'Hôtel où est situé la plaque (B) :

 Voici la distance que cela représente aujourd'hui. Sur cette photographie la flèche de gauche représente l'emplacement de la plaque et celle de droit la rue d'Alger où se situait l'hôtel de Noailles :

Je n'ai trouvé qu'un site (Paris Promeneur) qui ne fait pas la confusion entre les deux hôtels et qui explique que la plaque indiquant l'Hôtel de Noailles est en fait sur l'Hôtel Le Boullogne construit en 1751 par le contrôleur général des Finances Jean de Boullogne qui appartenait à une famille de peintres (son père était Bon Boullogne et son frère Louis de Boullogne). 

On trouve plusieurs documents qui jouent sur la confusion entre les deux hôtels par exemple ces cartes postales :

Contrairement à ce qui était indiqué sur ces cartes postales, le gand hall et la salle à manger de l'Hôtel St James & Albany ne peuvent pas être l'ancienne salle des gardes et l'ancienne salle des fêtes du "palais des ducs de Noailles".

De même contrairement à ce qu'indique une plaque située dans la cour de cet hôtel (voir l'article de Paris Bise Art) ce n'est pas à cet endroit que Marie-Antoinette a accueilli le 18 février 1779 le marquis de la Fayette à son retour d'Amérique. La plaque sur la façade et dans la cour, tout comme les cartes postales prennent quelques libertés avec la réalité.

Le plus sidérant est que la Ville de Paris semble elle-même relayer cette erreur. En effet, au 211 rue Saint-Honoré près de l'Hôtel Saint James &  Albany on trouve une plaque d'information :

Le texte est pour le moins fantaisiste : 

On y affirme que l'Hôtel de Noailles s'élevait "ici" (donc au 211) et qu'il "s'étendait à l'Ouest jusqu'au 229 rue Saint-Honoré". C'est -j'espère l'avoir assez prouvé avec le reste de cet article-une ineptie. L'Hôtel de Noailles n'a jamais été au 211 de la rue Saint-Honoré. Il faudrait mettre à cet endroit une plaque relative à l'hôtel Le Boullogne. La plaque relative à l'Hôtel de Noailles devrait être décalée au niveau de la rue d'Alger.

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