Au 34 rue du Louvre, à l'angle avec la rue Saint-Honoré, on peut voir une superbe immeuble d'angle. L'inventaire des constructions qui font l'objet d'une protection patrimoniale du PLU du 1er arrondissement permet de savoir sa date de construction (approximative) et le nom des propriétaire : "Immeuble des fabricants de bâches Saint-Frères construit vers 1910 (date à discuter, voire plus bas) dans la tradition de l'architecture commerciale, avec de grandes baies vitrées sur une ossature métallique. Les planchers sont en béton armé. Le dernier étage, doté d'un large balcon et d'une coupole, correspondait alors à l'habitation du propriétaire."
On apprend donc que la coupole d'angle était un lieu d'habitation d'où la vue devait être superbe :
Le descriptif du PLU ne rend peut-être pas assez compte des différents éléments décoratifs de cet immeuble qui est vraiment superbe.
En ce qui concerne la date, on peut discuter celle indiquée dans le PLU. En effet, l'ouvrage de Kathy Borrus "One thusand buildings of Paris" donne comme date "environ 1900". Or j'ai retrouve des permis de construire pour le 112 et le 114 rue Saint-Honoré qui donne une date encore plus ancienne : 1895 (même si après le dépôt du permis de construire il faut laisser le temps à la construction de s'élever) :
Cet immeuble dont le permis de construire date de 1895 n'est pas sans rappeler par son mélange d'éléments métalliques associés à des décors très classiques celui du 24 rue Saint-Marc qui lui date de 1894 (voir article du 21 janvier 2021) pour un producteur de dentelles et de broderie et celui du 116 rue Réaumur construit en 1897/1898 pour un fabricant de flanelle et de molleton (voir article du 30 juillet 2018).
En ce qui concerne l'architecte "E.Bertrand" tout laisse à penser qu'il s'agit d'Emile Bertrand né le 14 septembre 1856 à La Redorte (Aude) et mort à Paris le 22 juillet 1927 (voir lien suivant). En cliquant sur ce lien vous pourrez retrouver une photographie de cet architecte.
La société "Saint Frères" avait son origine dans la Somme en Picardie : trois frères de la famille Saint, Pierre-François l'aîné (1788-1847), Jean-Baptiste (né en 1790) et Pierre-François (1797-1878) avaient fondé l'entreprise de textile en 1814. Celle-ci se développa avec le développement de la production de toile de jute qui permit de concurrencer le monopole britannique sur la fabrication de ce tissus très résistant qui servait de contenant à de nombreuses marchandises.
Cela explique que la compagnie 'Saint Frères" s'installa à Paris tout près des Halles où il y avai un énorme besoin d'emballage pour stocker les produits vendus.Le "Charles Saint" dont le nom apparaît sur le permis de construite est né en 1826 à Beauval dans la Somme et mort à Paris 8e en 1902. Il était le 4e fils de Pierre-François l'aîné mais il s'est imposé dans la 2e moitié du XIXe siècle comme le personnage de plus puissant et le plus influent de la lignée. Il avait épousé en 1851 sa cousine germaine Opportune Marceline Saint (1831-1911) fille de Pierre-François le cadet.
Il a été élu député de la Somme dans le groupe des Républicains progressistes de 1894 à sa mort.
Voici le contenu de sa notice biographique dans le Dictionnaire des Parlementaires de 1789 à 1940 (voir lien sur le site de l'Assemblée Nationale) :
" Filateur et tisseur de lin et de chanvre, Charles Saint fut l'un des
créateurs de l'industrie du tissage mécanique du jute ; fabricant de
toile et de sacs, il fut membre du jury des expositions universelles de
1878 et de 1889, vice-président de la Chambre de commerce d'Amiens,
officier de la Légion d'honneur. Il fonda au Tonkin de vastes
exploitations agricoles.
Venu tard à la politique, il se fit élire député à l'âge de 68 ans, le
18 mars 1894, dans la circonscription de Doullens, en remplacement
d'Etienne Dusevel mort au cours de son mandat. 7.070 des 13.084 votants
lui accordèrent leurs voix et, n'ayant obtenu que 5.162 suffrages, un
ancien député de la circonscription, le vicomte Blin de Bourdon- qui
avait été battu en 1893 par Dusevel - ne put pas reprendre son siège.
Aux élections générales de 1898, Charles Saint fut réélu sans qu'aucun
concurrent se présentât contre lui ; il obtint 8.374 des 12.656
suffrages exprimés. Inscrit au groupe progressiste, membre de diverses
commissions et notamment, à partir de 1898, des commissions du travail,
du commerce et de l'industrie et des douanes, mais détourné assez
souvent du parlement par le souci de ses affaires et par sa santé,
Charles Saint soutint de ses votes le cabinet Méline, en qui il voyait
un protecteur de l'agriculture, mais combattit ensuite la politique de
laïcité de Waldeck-Rousseau. Il n'intervint pas en séance publique et
quand Paul Deschanel, le 29 janvier 1902, annonça à la Chambre son décès
survenu la veille, à l'âge de 76 ans, il le loua d'avoir donné toute sa
vie au travail, mais aussi d'avoir consacré son intelligence et sa
fortune à diminuer les souffrances des travailleurs."
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