La rue de l'Agent Bailly est une petite rue du 9e arrondissement entre la rue Milton et la rue Rodier.
Dans cette rue du 9e, pendant pas mal d'années, une ou des personnes
entretenai(en)t un affichage à propos de l'agent Bailly. Les panneaux
collés sur le mur subissaient régulièrement des dégradations mais il
était intéressant de lire. On pouvait se rendre compte que ce nom avait
un rapport direct avec un évènement survenu dans le 4e arrondissement.
En effet, Charles Gaston Bailly, né à Poitiers le 14 juin 1871, était
un gardien de la paix, installé à Paris (rue de Meaux) depuis 1898. En
1900, il avait rejoint la brigade fluviale mise en place à l'occasion
de l'Exposition Universelle de Paris.
Or, le 2 novembre 1901, il est mort dans le 4e arrondissement suite à
un drame survenu quai des Célestins tout près du Pont Marie. Une femme
désespérée, Amélie Vallée, 37 ans, habitante du 48 rue Saint-Antoine
avait sauté à l'eau pour mettre fin à ses jours. L'agent Bailly s'est
jeté à l'eau pour la sauver mais comme elle s'est débattue, il est mort
avec elle noyé dans la Seine prisonniers des péniches amarrées le long
du quai.
Tout Paris a été touché par l'héroïsme de l'agent Bailly. Le 4
novembre 1901, il a eu droit à des obsèques nationales en présence de
Pierre Waldeck-Rousseau, le Président du Conseil. Le "Petit Journal" a
même consacré sa "Une"de son supplément illustré à cet événement comme le montre une autre affiche
qui était placardée dans la rue :
Le 12 juillet 1903, le Conseil municipal de Paris a décidé de donner
son nom à la rue qui venait d'être percée pour prolonger le "passage
Rodier" jusqu'à la rue Milton.
Pour en revenir au 4e arrondissement, voici une vue du début du XXe
siècle qui montre l'aspect du quai des Célestins au niveau du Pont
Marie (un détail d'une carte postale que j'ai commentée dans un article paru le 12 juillet 2011) :
On y voit les péniches où l'agent Bailly a connu une fin tragique.
En republiant cet article en 2022. J'ai voulu en savoir plus sur ce triste fait divers en me replongeant dans les archives du Petit Journal. Trois éditions sont particulièrement intéressantes :
- celle du dimanche 3 novembre 1901 :
Cela permet d'apprendre qu'il y avait en 1901 autour du Pont Marie une intense activité portuaire : "la circulation était assez active sous ce point, près du pont Marie, où deux ports sont en pleine activité, le port Saint-Paul et le port des Ormes [...] les péniches et les chalands sont amarrés en grand nombre". "En amont du Pont Marie, deux flûtes, contenant l'une de la poterie, l'autre du charbon, que des ouvriers déchargeaient" [...] et "la troisième remplie des gravats de l'Exposition universelle de 1900".
- celle du 4 novembre 1901 :
On y apprend que la concierge que l'agent Bailly a voulu sauver était concierge au 48 rue Saint-Antoine. Autre information : le fait que les Parisiens avaient l'habitude d'aller à la morgue (à la pointe Est de l'île de la Cité) pour aller voir les cadavres des disparus... Surprenante habitude !
- celle du 5 novembre 1901 :
Ici on se rend compte que l'essentiel de la cérémonie a eu lieu dans le Centre de Paris avec une première partie dans la cour de Préfecture de Police sur l'Ile de la Cité en présence du président du Conseil (Waldeck-Rousseau) et du président du Conseil municipal (M. Dousset). Elle s'est ensuite poursuivie à Notre-Dame où une foule considérable à assister aux obsèques.