Nous allons bientôt célébrer le 350e anniversaire de la mort de Jean-Baptiste Poquelin le 22 février 1673. Cela m'a conduit à m'intéresser de plus près à la rue Saint-Joseph...
En effet, à la hauteur du 142/144 rue Montmartre, on trouve aujourd'hui un superbe immeuble auquel j'ai déjà consacré un article le 14 juillet 2020.
Or, c'est dans ce pâté de maisons qu'on trouvait avant la Révolution française une chapelle avec un cimetière qui ont donné leur nom à la rue qui longe le sud de ce pâté de maisons, la rue Saint-Joseph :
Le Dictionnaire historique des rues de la ville de Paris de 1844 nous apprend que cette rue portait à la fin du XVIe siècle un très joli nom : la "rue du Temps perdu". Ce n'est qu'au milieu du XVIIe siècle qu'elle a pris son nom actuel.
Le plan Mérian des années 1610 montre le côté très bucolique que devait avoir cet endroit quand la rue Montmartre avait encore en son milieu le ruisseau qui coulait en son milieu et auquel j'ai consacré un article paru le 14 août 2022.
C'est par la volonté d'un puissant personnage que la chapelle Saint-Joseph a été édifiée dans cette rue : le chancelier Séguier*. Celui-ci a en effet voulu y déplacer le cimetière de l'église Saint-Eustache qui se trouvait à côté de son hôtel particulier rue du Bouloi et à cette fin il y a fait édifier cet édifice religieux dont il posa la première pierre. Cela est aussi expliqué de manière détaillée dans le
Dictionnaire Histoire des rues de Paris de 1844.
On peut voir sur le plan Turgot des années 1730, l'aspect de la rue Saint Joseph avec cette chapelle et le cimetière :
que l'on peut voir en plus grand ici :
C'est dans ce cimetière que Jean-Baptiste Poquelin, alias Molière, et Jean de La Fontaine furent inhumés comme cela est expliqué dans la même source :
Une gravure de 1839 montre à quoi pouvait ressembler le chevet de la chapelle Saint-Joseph en 1673 :
Le Dictionnaire Histoires des rues de Paris de 1844 précise ce qu'il est advenu de la chapelle et du cimetière :
Un blog spécialiste des sépultures donne une information plus précise concernant cet endroit : on y apprend que ce cimetière faisait 510 m² et recevait 300 corps par an. D'après une enquête de salubrité publique de 1763, on y trouvait 40 000 corps (!). Le cimetière fut fermé en 1781 et les corps furent déplacés à partir de 1787. La chapelle fut détruite en 1800.
Un marché fut installé sur l'emplacement du cimetière suite à un décision prise par le Préfet de police le 13 frimaire an XIV (4 décembre 1805) avec une application prévue le 1er nivôse an XIV (22 décembre 1805) (voir à nouveau dans le Dictionnaire historique des rues de Paris de 1844 :)
On peut voir sur le plan cadastre de la première moitié du XIXe siècle à quoi ressemblait ce marché alimentaire qui s'étendait -comme le cimetière- entre la rue Saint-Joseph et la rue du Croissant
Ce marché fut détruit en 1882. Dans la partie qui donne sur la rue Montmartre, on a édifié l'immeuble où a été installé le siège du Journal la France que j'ai évoqué en début d'article.
On peut remarquer que c'est tout près de l'emplacement de ce cimetière qu’Émile Zola est né le 2 avril 1840 au 10 de la rue Saint-Joseph (voir article du 10 mai 2022). Il est assez intéressant de noter qu'un des plus grands romancier de la 2e moitié du XIX siècle est né près de l'endroit où pendant plus d'un siècle avait été situé la tombe de Molière et de La Fontaine.
* Chancelier Séguier dont le tombeau se trouve dans l'église Saint-Gervais-Saint-Protais (voir article du 25 avril 2009).