mardi 14 avril 2015

MDL : Au 5e rue de Sévigné, une plaque de 1898 qui rend hommage à François-Vincent Raspail

  

Au 5 rue de Sévigné (Paris 4e), on peut voir sur la façade une plaque consacrée à François-Vincent Raspail.

Elle rappelle qu'à cet endroit François-Vincent Raspail (1794-1878) a donné gratuitement des soins aux malades (rappelons qu'à cette époque le Marais était un quartier très populaire). Raspail était à la fois un scientifique engagé dans l'amélioration de la santé des plus pauvres mais aussi un militant politique républicain qui a participé aux révolutions de 1830 et 1848. 

Au moment où il avait été médecin rue de Sévigné, il avait déjà été emprisonné dans les années 1830 pour son opposition à Louis-Philippe. Le 22 février 1848, il a fait partie de ceux qui à l'Hôtel de Ville ont proclamé la République. Comme il est écrit sur la plaque, il contribue ainsi à la proclamation du suffrage universel (masculin bien sûr à l'époque même si ce n'est pas précisé sur la plaque). 

Le 17 septembre 1848, il a été élu député de la Seine à l'Assemblée Législative. Aux élections de décembre 1848, il est candidat socialiste et il obtient 37 121 voix (soit 0,49% des voix).

 Daguerréotype de Raspail vers 1848

 Il a été condamné à la prison en 1849 pour avoir participé à des manifestations et n'a été libéré qu'en 1853 une fois le Second Empire proclamé. Il est élu député des Bouches-du-Rhône en 1866. 

En 1871, il a été condamné à nouveau à deux ans de prison pour avoir dénoncé la répression contre les Communards. Il est à nouveau élu député de Marseille en 1876. Il fait ainsi partie en 1877 des 363 députés qui conduisent à péréniser la République contre les projets de rétablissement de la monarchie du président Mac Mahon.

On peut observer que cette plaque a une particularité assez rare : elle a été apposée par décret du Président de la République comme on peut le voir mentionné sur la petite plaque située en dessous :

Sous la IIIe République, le Président de la République avait un rôle surtout honorifique et il est notable étonnant qu'il se soit intéressé à la pose d'une plaque. L'année 1898 correspondait au 50e anniversaire de la proclamation du Suffrage universel masculin et au 20e anniversaire de la mort de Raspail.

Le président de la République de l'époque, Félix Faure occupait cette fonction depuis 1895 et il est mort moins d'un an plus tard dans au Palais de l'Elysée alors qu'il était en entretien avec une femme.

 Le Président Félix Faure
 
Notons aussi que la date est intéressante : 22 septembre 1898 : en cette année 1898, la France était en pleine affaire Dreyfus. 
Caricature de Caran d'Ache (Le Figaro, 14 février 1898)
 
 
Après la publication du "J'accuse" de Zola en janvier 1898, l'idée de la révision du procès du capitaine Dreyfus faisait son chemin ce qui a conduit le 17 septembre 1898 à la démission du ministre de la guerre Emile Zurlinden.

Le général Emile Zurlinden (1837-1929), ministre de la Guerre du 5 au 17 septembre 1898

L'affaire devait être dans toutes les têtes au moment où cette plaque a été posée.

 

lundi 6 avril 2015

MDXLV : L' Honneur de Henri Dutilleux lavé de la suspicion

  

Le 2 avril 2015, la Ville de Paris a publié un communiqué concernant une plaque en l'honneur de Henri Dutilleux.

"Devant l'émoi suscité par l'avis du Comité d'Histoire de la Ville de Paris concernant l'apposition d'une plaque commémorative en hommage à Henri Dutilleux, Catherine Vieu-Charier, adjointe à la Maire, en charge du Patrimoine, a demandé mi-mars une expertise complémentaire qui permette d'approfondir les recherches sur l'action de ce grand musicien pendant la Seconde Guerre mondiale.

Il ressort de cette nouvelle expertise historique que, loin d'avoir collaboré, Henri Dutilleux a fait partie de ces nombreux Français qui ont lutté de toutes leurs forces contre le régime nazi et celui de Vichy : «Au sein du Front national des Musiciens, lui et ses camarades écrivaient des tracts et des journaux clandestins, diffusaient sous le manteau les éditions de Minuit, apportaient leur soutien aux gens de la profession pourchassés ou persécutés. Ensemble ils ont participé à la Libération de Paris et à la renaissance culturelle du pays», salue Catherine Vieu-Charier.

Au regard de cette nouvelle expertise, la ville de Paris prend acte du fait que le Comité d'histoire délivre un avis clairement  favorable à l'opposition dans le 4e arrondissement d'une plaque en hommage à Henri Dutilleux, demandée par Christophe Girard, Maire du 4e arrondissement. Il corrige ainsi le caractère disproportionné et inadéquat de son avis initial, qui mentionnait de supposés «faits de collaboration».

«Je me réjouis de ce nouvel avis, rectifiant de premières indications hâtives ayant jeté le trouble de manière injustifiée. Un projet de délibération sera par conséquent préparé et soumis au vote du Conseil de Paris lors de la séance  du mois de mai, afin de rendre l'hommage que la ville a toujours souhaité rendre à l'un des ses plus grands compositeurs», annonce l'adjointe au Maire".

Je ne peux bien sûr que me féliciter de la publication de ce communiqué. Plus rien ne semble s'opposer à la pose de la plaque en hommage à Henri Dutilleux. Son parcours pendant la 2e Guerre mondiale est désormais considéré comme particulièrement exemplaire.

P.S. : Lire l'article du 24 septembre 2015 à propos de la pose de la plaque rue Saint-Louis-en-l'Île.

 

vendredi 3 avril 2015

MDXLIII : Les rues de Paris Centre : Le boulevard Sébastopol

  

Voici un nouvel épisode de la série consacrée aux rues du 4e arrondissement. Il concerne le boulevard Sébastopol qui marque la limite Ouest assez nette avec le 4e arrondissement comme on peut s'en rendre compte du haut de la tour Saint-Jacques :

Ce boulevard est une des plus belles percées haussmanniennes. Il se prolonge au Nord dans le 3e puis le 10e arrondissement en devenant le boulevard de Strasbourg pour se finir sur la Gare de l'Est. Cela représente une percée de plus de 2 Km de long.

Dans le 4e arrondissement, le boulevard Sébastopol qui commence à la place du Châtelet s'achève au Nord à la hauteur de la rue Rambuteau ce qui représente une longueur d'environ 575m.

Dans l'axe de ce boulevard au Sud, on trouve l'étonnante façade du tribunal de Commerce. Voici ci-dessous une photographie prise récemment le jour du semi-marathon ce qui permettait de pouvoir profiter de cet axe sans le passage des voitures :

J'ai déjà consacré un article le 7 août 2009 dans lequel j'ai expliqué pourquoi la façade du tribunal de commerce semblait déséquilibrée avec un dôme décalé vers la droite : le seul but était quel soit dans l'axe du boulevard Sébastopol.

Les travaux de percement de ce boulevard ont commencé en 1854 et se sont achevés en 1858. Il devait initialement être appelé "Boulevard du Centre" mais après la victoire franco-britannique du 8 septembre 1855 contre l'armée Russe lors de la guerre de Crimée, il a été décidé de lui donner ce nom.

Le boulevard fait 30m de large. Il faut admettre que cette voie marque une véritable frontière car il reste un des principaux axes dans le sens Nord/Sud sur la rive droite. Il n'a jamais réussi à prendre le même aspect vivant que le Boulevard Saint-Michel (son pendant sur la rive Gauche qui a pourtant exactement la même largeur).

Sur ce daguerréotype, on peut voir qu'avant le règne de l'automobile, cet axe était à double sens :

Sous le Second Empire, il était même possible aux piétons de s'y promener comme on peut le voir dans ce détail d'une gravure de 1866 :