vendredi 30 décembre 2022

MMDXIX : Les soubassements qui ornaient la fontaine des Innocents jusqu'en 1810

 

J'ai déjà consacré plusieurs articles à la fontaine des Innocents. Le plus récent pour donner les détails du calendrier de la restauration annoncé lors d'une réunion publique [Voir article du 26 novembre 2022]. Auparavant, j'en avais consacré un aux déplacements de cette fontaine entre le XVI et le XIXe siècle [Article du 14 avril 2022] et un autre à la disposition des nymphes qui ornent la fontaine et à la façon dont elle a été réorganisée lors du réagencement de la fontaine à la fin des années 1780 [Article du 15 juillet 2022].

Cependant, j'avais omis de mentionner la présence de bas-reliefs qui étaient initialement situés dans le soubassement de la fontaine. @Bapstiste75004 m'avait signalé qu'on pouvait les voir au Louvre dans le département des sculptures françaises du XVIe siècle mais malheureusement pendant plusieurs mois la salle où ils étaient exposés était fermée et donc je n'y ai pas eu accès avant la fin de l'année 2022 quand j'ai enfin réussi à aller prendre des photos de ces sculptures.

J'ai aussi découvert un ouvrage formidable paru en 1812 : on y trouve toutes les fontaines érigées pendant le règne de Napoléon Ier ainsi que toutes celles qui l'ont été antérieurement.

Les planches dessinées sont dues à AM Mosisy et les commentaires d'Amaury Duval.

 Parmi les nombreuses fontaines décrites dans cet ouvrage, on peut retrouver plusieurs pages concernant la fontaine des Innocents. Une planche montre la fontaine quand elle formait un avait une forme en L du milieu du XVIe siècle jusqu'aux années 1780 ce qui permet de voir la disposition des soubassements exposés aux Louvre.

On se rend compte que la présentation du Louvre respecte l'ordre initial de la disposition de ces bas-reliefs. Celui de gauche est celui qui était situé sous l'arche qui donnait sur la rue Saint-Denis :

Celui du milieu est celui qui était à gauche dans la partie de la double-arche située le long de la rue aux fers (qui était perpendiculaire à la rue Saint-Denis) :

Enfin celui de droite est celui qui était dans la partie à droite de cette double arche :

Un autre planche montre la fontaine après sa reconfiguration sous la forme du carré qu'elle a conservé aujourd'hui :

On y voir les soubassements encore en place : 

Seule la face Sud, (celles où les deux nymphes latérales sont des ajouts d'Augustin Pajou à la fin du XVIIIe siècle) était dépourvue de bas-relief dans le soubassement:

Cependant c'est au moment de la publication de  cet ouvrage sur le fontaines que les soubassements ont été retirés par décision du préfet de Paris, en 1810, comme cela est expliqué par Amaury Duval. En effet, l'adduction voulue par Napoléon Bonaparte de l'eau transportée par le canal de l'Ourcq (ouvert en 1804) permit d'augmenter considérablement le débit de la fontaine. Cela conduisit les parties inférieures de la fontaine à se dégrader rapidement d'où la décision du préfet de Paris :

Depuis, les bas-reliefs n'ont jamais été remis en place (notamment quand la fontaine a été à nouveau reconfigurée à l'époque du préfet Haussmann). Cependant, l'espace où se trouvait ces bas-reliefs a été préservé. On peut encore voir l'emplacement où elle devrait se trouver :

Peut-être que comme cela a été fait pour les chevaux de Marly (dont des copies ont été installées place de la Concorde et à l'abreuvoir de Marly-le-Roi) serait-il possible de réinstaller une copie des soubassements tels qu'ils avaient été sculptés par Jean Goujon et redisposés dans les années 1780 ? Cela mérite débat. En tout cas, il est évident que les originaux (tout comme les chevaux de Marly qui sont tout proches) sont beaucoup mieux conservés au Louvre. Ne manquez pas d'aller les admirer en profitant des sièges qui leur font face :

Outre les nymphes, cela permet d'observer les putti (dont un seul à des ailes d'angelot) qui les encadrent :


mardi 27 décembre 2022

MMDXVIII : Exposition Les Splendeurs d'Ouzbékistan au Louvre

 

En ce moment, en se rendant au Louvre, on peut faire un voyage de plusieurs milliers de kilomètres en allant visiter l'expostion "Splendeurs des oasis d'Ouzbékistan".

Une carte rappelle que ce pays est situé au cœur de l'Asie centrale :

Je conseille d'aller visiter cette exposition au moment de l'ouverture car en cas d'affluence, il est difficile de profiter de tout ce qui est présenté. Après y avoir été lors de la nocturne, je l'ai visitée à nouveau lundi dernier vers 9h30 et j'ai pu vraiment admirer cette exposition dont la présentation des objets est vraiment superbe.

Voici quelques objets présentés :


 
Peinture murale de la forteresse de Varakhsha (VIIe/ VIIIe siècle)
 

A la fin de la visite on peut voir une vidéo qui présente les plus beaux sites de Samarcande (et là encore pour bien en profiter c'est beaucoup mieux quand il n'y a pas trop de monde).



samedi 24 décembre 2022

MMDXVII : Les statues du Louvre : Série Les personnages (5e volet) : Boileau par Charles-Emile Seurre

  

 Voici le 5e article consacré aux personnages représentés dans la cour du Louvre. Il  concerne Boileau que l'on peut voir dans la partie en retour de l’aile Turgot :

La statue de Boileau est la 5e en partant de la gauche :

On trouve sur l'Hôtel de Ville de Paris, un autre statue de Boileau (voir article du 20 janvier 2009) même si pour un raison que je n'ai jamais compris il est appelé "B.Despréaux". Je peux cependant republier la courte bibliographie que je lui avais consacré :"Nicolas Boileau Despréaux est né à Paris le 1er novembre 1636 et il y est mort le 13 mars 1711. Juriste de formation, il est resté célèbre pour ses Satires (publiées à partir de 1666) dans lesquelles sa plume acerbe tourne en ridicule nombreux de ses contemporains.

Boileau est représenté appuyant sa main gauche sur une pile de livres. On peut aussi voit d'autres écrits derrière sa jambe droite :

Boileau est représenté avec la longue perruque à la mode dans la 2e moitié du XVIIe siècle :

La statue de Boileau du Louvre est  une oeuvre de Charles-Emile Seurre né à Paris le 22 février 1797 et mort dans la même ville le 10 janvier 1858. Il s'agit du frère cadet de Bernard Seurre à qui on doit la statue de Molière située juste à côté (voir article du 25 novembre 2022)

La statue de Boileau à l'Hôtel de Ville est une oeuvre de Jean-André Delorme (voir article du 20 janvier 2009). Voici un comparatif entre les deux statues : à gauche celle de Charles-Emile Seurre au Louvre, à droite celle de Jean-André Delorme à l'Hôtel de Ville.

jeudi 22 décembre 2022

MMDXVI : Les rues de Paris Centre : Une rue disparue au nom charmant : la rue des Mauvaises paroles


Voici une rue dont le nom m'a beaucoup intrigué... En préparant l'article sur la nef du bureau de la corporation des marchands drapiers (article du 4 novembre 2022)  et en observant le plan Turgot des années 1730 dans le quartier de la rue des Déchargeurs, mon attention a été attirée par une rue au nom surprenant : "La rue des Mauvaises paroles" :

Cette rue était située entre la rue des Lavandières Sainte-Opportune (à l'Est) et la rue des Bourdonnais à l'Ouest et elle formait une pointe aux angles formés avec la rue des Déchargeurs :

Cela m'a conduit à chercher des informations sur cette rue dans le Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris de 1844. La localisation est confirmée et on y apprend que la rue faisait 122m de long. 

Un détail a aussi retenu mon attention. Aujourd'hui cette partie du Centre de Paris est située dans le 1er arrondissement mais à l'époque, la rue des Mauvaises Paroles était dans le 4e :

En regardant la carte des arrondissements avant le redécoupage de 1860, on se rend compte qu'en effet la rue était située dans la partie la plus à l'Est du 4e arrondissement  de l'époque :

 C'est pourquoi en reconstituant les plaques au fond bleu en lave de volvic mises en place par le préfet Rambuteau en 1844, j'ai préféré indiquer 4e arrondissement au dessus car cette rue n'a jamais été dans l'actuel 1er arrondissement comme on va le voir dans la suite de cet article.

Le nom de cette rue est très ancien et remonte au XIIe siècle. Elle s'appelait rue de Mauvaise Parole ou rue Mauvais Conseil (mais il ne faut pas la confondre avec la rue Mauconseil qui est située plus au Nord (voir article du 18 mars 2021).  En 1229, c'est-à-dire dans les toutes premières années du règne de Louis IX elle avait pris le nom de "Male Parole" devenu par la suite "Mauvaises Paroles" d'après le dictionnaire de 1844. Ce nom serait dû au fait que les habitants de ce quartier étaient  "des gens de la lie du peuple" ce qui les conduisaient à prononcer de nombreux jurons :

Cette voie de 122m de  long devait être très étroite puisque ce n'est que sous la Révolution française qu'il avait été décidé de porter sa largeur à 7m par un décision du 12 Fructidor an V (29 août 1797). Puis sous la Monarchie de Juillet, il avait été prévu, par une ordonnance du 2 août 1843 de porter cette largeur à 10m.

Cependant cette rue a fini par disparaître 10 ans plus tard, lors du prolongement de la rue de Rivoli vers l'Est : celle-ci s'arrêtait depuis Napoléon Ier à la hauteur du Carrousel. Napoléon III et Haussmann ont décidé de la prolonger jusqu'à la rue Saint-Antoine. Or. la rue des Mauvaises Paroles était situé à l'emplacement du percement de cette rue pour la partie construite entre la rues des Bourdonnais et la rue Lavandières Saint-Opportune :

Voici donc approximativement sur un plan de 1892 qui montre la rue de Rivoli telle que nous la connaissons aujourd'hui, l'emplacement de la rue des Mauvaises Paroles :

 Il s'agit de la partie comprise côté impair entre le 55 et le 65, côté pair entre les 114 et 126 rue de Rivoli. Voici une vue de la rue de Rivoli qui montre où se trouvait la rue des Mauvaises paroles prise à  à l'angle avec la rue des Bourdonnais.

Il ne reste donc absolument rien de cette rue :  toutes les maisons de la rue des Mauvaises Paroles,ont toutes été détruites. Le plan cadastral du début du XIXe siècle nous donne un aperçu de son aspect. Voici ici son côté impair, c'est à dire la partie sud de la rue Rue :


 J'ai retrouvé une facture d'un magasin de toiles du début du XIXe siècle qui montre cette rue quand elle faisait encore partie de la toponymie de Paris :

Je ne peux m'empêcher de trouver amusant que certaines personnes avaient pour adresse la rue des Mauvaises Paroles.

Cela complète des rues qui avaient un nom aussi étrange comportant l'adjectif "mauvais" : les deux rues des Mauvais Garçons, celle de la rive droite et de la rive gauche [celles auxquelles j'ai consacré l' article du 2 décembre 2022]).


lundi 19 décembre 2022

MMDXV : Les statues de l'Hôtel de Ville : Série sur les Villes de France (6e volet) : la ville de Besançon par François Roger, un artiste qui a eu une triste fin de vie.

 

Je continue la série consacrée aux villes représentées sur la façade de l'Hôtel de Ville côté rue Lobau. Il s'agit d'ici de la 6e statue en partant de la droite (ou de la 9e statue en partant de la gauche) :

En regardant la partie gauche de la statue, on peut identifier la ville :

On reconnait en effet les armoiries de la ville de Besançon : "d'or, à l'aigle de sable tenant de ses serres deux colonnes de gueules brochant sur les ailes" :

Dans la partie gauche de la statue, on peut voir une évocation de l'activité industrielle de la ville :

Cette statue -d'assez belle facture- est une œuvre du sculpteur François Roger né à Rambervillers (Vosges) en 1843 et mort dans la même ville en 1898. Ce sculpteur n'est pas très documenté mais le Bénézit précise que c'était un élève d'Auguste Dumont et de Jean-Marie Bonnassieux. Elève de l'école des Beaux Arts de Paris, il a réalisé un monument aux Morts pour la guerre de 1870 dans sa ville natale.

"Il débute au Salon de 1873 à Paris ; à celui de 1880, il obtient une médaille de 3eme Classe pour 2 oeuvres exposées : Le Bilboquet, et Le Temps découvre la Vérité.
En 1881, il présente La Muse d’Alfred de Musset, et l’année suivante, le buste de l’architecte Lalande et divers bustes de femmes.
Il est encore récompensé par une médaille de 2eme classe en 1887, et par une médaille d’argent à l’exposition universelle de 1889. ses oeuvres sont aux musées de Cambrai et Épinal, dans lequel est conservé Un sommeil d’Omphale". (source).

Comme sa date précise de décès n'était mentionnée nulle part, je suis allé chercher l'information dans le registre d'Etat civil de Rambervillers. il est mort le 19 août 1898 à l'âge de 55 ans :

J'ai retrouvé un article du bulletin des Sociétés Artistiques de l'Est d'avril 1894 ce qui m'a permis d'apprendre la date précise à laquelle la statue a été faite : 1887:

Le but de cet article paru en 1894 était de signaler la triste fin de cet artiste devenu paralysé en 1889 :

Voici une autre œuvre de François Roger, Le joueur de bilboquet de 1880 :

et en voici une autre qui date comme la statue de la ville de Besançon à l'Hôtel de Ville : "Le temps découvre la Vérité" :