mardi 29 novembre 2022

MMDV : Signez cette pétition pour la beauté de Paris et pour la préservation des arbres !

  

Lundi de la semaine dernière, en passant en soirée près de l'église Saint-Eustache, j'ai été ébloui par la beauté de ce paysage urbain. On peut y admirer au 1er plan une des grilles d'arbres qui sont revenues à cet endroit au printemps dernier (voir article du 21 avril 2022). Je suis un peu pour quelque chose dans ce retour mais c'est bien sûr le maire de Paris Centre, Ariel Weil qu'il faut remercier car c'est lui qui a décidé de réinstaller un décor urbain qui relève du bon sens.

Cependant, depuis, notamment sur les Champs Elysées, des grilles Davioud continuent  à être retirées. Je relaie donc la pétition lancée par @Baptiste75004 que voici. Lisez les arguments dans la suite de cet article et si vous êtes convaincu(e) voici le lien pour la signer.

"Pétition à destination de Madame la maire de Paris, Anne Hidalgo. 

Depuis plus de 160 ans, les grilles d’arbres dessinées par Gabriel Davioud font partie de l’identité de Paris, au même titre que les bancs Davioud, les colonnes Morris ou les édicules d’Hector Guimard. 

Objet à la fois esthétique, fonctionnel et durable, la grille d’arbre assure l'enrichissement du sol par la décomposition de la matière organique tout en protégeant les racines du tassement du sol et des autres agressions physiques. Elle assure également une perméabilité entre le sol et le sous-sol de manière à permettre l'échange en oxygène et en eau, indispensable à la bonne vitalité de l’arbre. Enfin, la grille d’arbre permet un encombrement minimal sur les trottoirs et est parfaitement adaptée au trafic piéton.

Les seuls inconvénients de cet objet génial - aujourd’hui adopté et continuant à être installé partout dans le monde - sont qu’il demande à être adapté dans le temps à la croissance de l’arbre et qu’il nécessite un entretien régulier (nettoyage des détritus non biodégradables s’accumulant sous les grilles).

Curieusement, la Ville de Paris supprime progressivement les grilles d’arbres historiques, plébiscitées par les Parisiens et les amoureux de Paris, pour les remplacer par différents types d’aménagements de pieds d’arbres : un revêtement type « résine composite » ou des cerclages en métal destinés à être remplis de terre (pour végétalisation).  

D’après les spécialistes, le revêtement de type résine, très inesthétique, est perméable quelques temps puis « finit par se compacter, se boucher et se dégrader. Il ne permet pas d'initier le cycle de l’humification/nitrification et il ne permet pas de constituer un sol sain et fertile. » Pour ces experts, ce revêtement « contribue à une mort progressive de l’arbre ».

Pourtant, ces dernières semaines, malgré toutes les alertes faites aux responsables, la pose de ce type de revêtement s’accélère à Paris : boulevard Haussmann, avenue de Suffren, place d’Italie… plus aucun quartier n’est épargné. 

Le second type d’aménagement (les cerclages en métal) avait fait son apparition sur certains pieds d’arbres isolés à Paris il y a quelques années. Il se répand aujourd’hui jusque sur les Champs-Élysées ! Les cerclages en métal sont non seulement inesthétiques, en rupture totale avec le patrimoine visuel parisien, mais ils sont aussi à l’évidence particulièrement dangereux en cas de chute. Enfin, comme la résine, ils sont d’après les experts, délétères pour les arbres car leur collet « ne doit jamais être couvert de terre ».  

Rappelons que dans son « Manifeste pour la beauté » publié en 2022, la Ville de Paris présentait la grille d’arbre comme la seule option pérenne pour les pieds d’arbres isolés. Cela paraît tout à fait logique dans le cadre d’une politique écologiste et soucieuse de la santé des arbres en ville, nos plus grands alliés face à la crise climatique. Force est de constater que la Mairie va à l'encontre de ses engagements écrits. 

Pour toutes les raisons décrites ci-dessus, nous demandons à la Ville de Paris de ne plus installer de revêtements de type « résine » au pied des arbres, ni de « cerclage métallique ». Nous demandons à la Ville de Paris de déposer tous les aménagements déjà installés, y compris sur les Champs-Élysées, en veillant à ne pas abîmer les arbres et leurs racines. Nous lui demandons également de réinstaller les grilles d'arbres historiques et d'en assurer le suivi et l’entretien dans les règles de l’art."


lundi 28 novembre 2022

MMDIV : Le génie de la Bastille, son double à l'échelle un demi et une autre oeuvre qui a peut-être permis de source d'inspiration ?

  

Le génie de la Bastille, en haut de la "colonne de juillet" est une oeuvre d'Auguste Dumont à laquelle j'ai consacré un des premiers articles parus sur ce blog (voir article du 30 mars 2008).

Cependant, cette statue inaugurée le 28 juillet 1840 pour le 10e anniversaire du début des "Trois glorieuses" est difficilement visible puisqu'elle est située à 50m de hauteur. Il était possible à une époque d'accéder à la plateforme située juste en dessous de la statue mais ce n'est malheureusement plus possible (voir article du 1er novembre 2019). 

Il faut donc des jumelles ou un appareil photographique avec un bon zoom pour voir la statue de plus près :

Cependant, on peut dans Paris Centre avoir un autre aperçu de l'aspect de cette statue en se rendant au Musée du Louvre dans le département des sculptures françaises du XIXe siècle. 

En effet, le musée possède une très belle version originale de la statue en demi-taille de l'oeuvre d'Auguste Dumont et qui avait été réalisée pour montrer son projet :

L'intérêt de cette copie est que l'on peut vraiment s'en approcher :

Une comparaison avec la réalisation finale montre que la copie à l'échelle est très très proche du rendu final :

La version du Louvre permet d'admirer la statue sous différents angles :


Comme je l'avais déjà signalé cette allégorie de la Liberté est représenté par un ange aux attributs virils très apparents :

Comme la statue de la Liberté sculptée par Bartholdi près de 40 ans plus tard, la Liberté brandit une torche dans la main droite. Par contre, dans la main gauche elle brandit des chaines brisées symboles de son affranchissement :

Enfin détail intéressant, le socle permet d'avoir la date précise de cette version initiale de la statue. Elle date de 1833 :

Cet article m'a donné envie d'aller refaire des photos avec un zoom du Génie de la Bastille sur son emplacement final. Voici donc trois vues qui complètent celles que j'avais fait paraître en 2008 :

En continuant de préparer cet article, une autre statue que l'on peut voir au Louvre a retenu mon attention : une statue du XVIe siècle qui vu de dos ressemble énormément au génie de la Bastille :

Cette sculpture est une oeuvre de Paul Ier Biard (1559-1609) décorait le tombeau du duc d'Epernon, Jean-Louis de Nogaret (1554-1642) et de sa femme dans l'église Saint-Blaise de Cadillac en Gironde. 

 Ce duc d'Epernon a joué un rôle important dans la 2e moitié du XVIe siècle. Il est considéré comme un des deux "mignons" du roi Henri III. 

 Il a aussi été proche de son successeur : il était dans le carrosse d'Henri IV quand celui-ci a été assassiné par Ravaillac le 14 mai 1610. Il a même un temps été soupçonné d'être un des organisateurs du régicide.

Le monument funéraire a été édifié plus de 40 ans avant la mort du duc à l'âge de 87 ans. Cela s'explique car son épouse avec laquelle il a été inhumé, Marguerite de Foix Candale (née en 1567) était décédée en 1593. Ce mausolée a été démantelé pendant la Révolution française. La statue de la renommée a d'abord décoré le palais de la Préfecture de Bordeaux avant d'entrer au Louvre... en 1834 juste un an après la présentation par Dumont de son génie de la Bastille. Il y a cependant une différence importante puisque la statue de Biard représente la Renommée sous la forme d'un ange de sexe féminin :

La juxtaposition entre les deux statues vues de dos (qui sont l'une dans le département des sculptures françaises du XVIe siècle, l'autre dans celles du XIXe siècle) est cependant assez saisissante :

Un artcle qui donnera à certains l'envie de traverser Paris Centre pour aller de la place de la Bastille au musée du Louvre.

samedi 26 novembre 2022

MMDIII : Une réunion publique qui a permis d'en savoir plus sur le calendrier de restauration de la Fontaine des Innocents

 

Le lundi 21 novembre à la mairie de Paris Centre, une réunion publique a permis d'obtenir des informations précieuses concernant la restauration d'un monument auquel j'ai consacré plusieurs articles : La fontaine des Innocents. Elle était présidée par Karen Taieb, maire adjointe de Paris en charge du Patrimoine, et Ariel Weil, maire de Paris Centre. Les différents services de la Ville compétents étaient présents notamment la Direction des Affaires Culturelles.

La réunion a commencé par l'historique de la fontaine des Innocents auquel j'ai consacré pour ma part un article de L'Indépendant du Coeur de Paris il y a quelques mois (article du 14 avril 2022). De même il a été rappelé que la fontaine comprenait cinq nymphes de Jean Goujon du milieu du XVIe siècle complétées par les trois sculptées par Augustin Pajou au XVIIIe siècle (voir  article paru le 15 juillet 2022 ).

Le plus intéressant était le résultat de l'étude menée au printemps 2022 concernant l'état de la fontaine. Cela avait conduit à voir apparaître pendant quelques mois des échafaudages :

Le diagnostic est sans grande surprise concernant les pierres "fissures, pierres fracturées érodées et sales, croutes noires, ragréage au ciment, micro-organismes, algues vertes et mousses, colorations rosées de la pierre, tâches et graffiti". 

Voici pour mémoire quelques photographies (prises récemment) qui montrent l'état de l'édifice :

Il a de plus été diagnostiqué que la vasque centrale en bronze présentait d'importants problèmes d'oxydation :

Une bonne nouvelle concernant la couverture en cuivre qui surmonte l'édifice. Elle est plutôt en bon état et nécessite juste des "reprises".

Par contre les installations techniques (fontainerie et éclairage électrique) sont vétustes.

Le budget total de l'opération de restauration est estimé à 5 millions d'Euros (dont 30% pris en charge par l’État puisqu'il s'agit d'un monument historique). Les travaux devraient commencer en juin 2023 et s'achever en juillet 2024 juste avant les Jeux Olympiques.

Je consacrerai un autre article à la végétalisation des abords de la fontaine qui a été aussi annoncée lors de cette réunion.

P.S. : Je reste épaté par l'intervention d'un membre du public, un riverain installé depuis les années 2000 sur la place Joachim du Bellay. Il trouve que quand elle fonctionnait son débit était excessif et a souhaité que la fontaine fasse moins de bruit ! Heureusement que ce monsieur ne s'est pas installé à Rome près de la fontaine Tivoli !

vendredi 25 novembre 2022

MMDII : Les statues du Louvre : Série Les personnages (4e volet) : Molière par Bernard Seurre

  

Voici le 4e article consacré aux personnages représentés dans la cour du Louvre. Il  concerne Molière que l'on peut voir dans la partie en retour de l’aile Turgot :

La statue de Molière est la 4e en partant de la gauche :

La statue est une oeuvre de Bernard Seurre (né à Paris le 11 juillet 1795 et mort dans le 5e arrondissement de Paris le 3 octobre 1867). C'est le même sculpteur qui a représenté la statue de Molière en bronze que l'on peut voir sur la fontaine à l'angle de la rue de Richelieu et de la rue Molière (mais quelques années plus tôt puisque ce dernier monument date de 1844 alors que les statues des façades du Louvre datent de 1857). La statue située juste à droite dans la cour du Louvre qui représente Boileau est une oeuvre de son frère, Charles-Emile Seurre (voir article du 24 décembre 2022).

J'ai déjà consacré de nombreux articles à Molière. Il est né tout près de l'endroit où se situe cette façade du Louvre rue Saint-Honoré au numéro 96 (voir mon article du 10 juin 2020).

Cette statue de la façade du Louvre est très réussie :


Les traits du visage rendent le caractère facétieux de Molière :

Il est intéressant de noter qu'on trouve dans le Centre de Paris un autre très belle statue de Molière, celle qui se trouve sur la façade de l'Hôtel de Ville et qui est due à Augustin Moreau-Vauthier (voir mon article du 20 novembre 2010).

Voici une comparaison des deux statues, à gauche celle de Bernard Seurre sur la façade du Louvre et à droite celle d'Augustin Moreau-Vauthier à l'Hôtel de Ville :

mardi 22 novembre 2022

MMDI : Les superbes décors du 20 rue des Tournelles

 

J'ai consacré le 20 mars 2022 un article à la façade du 20 rue des Tournelles. J'avais expliqué qu'il avait été construit en 1910 pour un fabricant de bijoux religueux (l'entreprise J. Rouillon).

Or pendant l'été, j'ai eu la possibilité de renter dans cet immeuble et j'ai pu y admirer un superbe décor avec tout d'abord le hall d'entrée :

Après une première cour, on peut traverser un couloir qui est vraiment magnifique :

Il est décoré de part et d'autre par des céramiques murales :

On peut y reconnaître quatre vues du Vieux Paris avec la Tour Saint-Jacques :


 - La cathédrale Notre-Dame et sa flèche depuis la rive gauche :


 - La place de l'Hôtel de Ville et Notre-Dame (depuis la rive droite cette fois) :

- l'église Saint-Eustache et les Halles :


Dans les escaliers, on peut aussi admirer des vitraux avec un décor caractéristique du style Art Nouveau : 


samedi 19 novembre 2022

MMD : Les rues de Paris Centre : la rue du Roi de Sicile

 

La rue du roi de Sicile est une des rues de Paris Centre à laquelle j'ai déjà consacré un article en 2010 (voir article du 26 mars 2010). Je lui à consacre à nouveau le 2500e article paru depuis mars 2008 car j'ai un très grand attachement pour cette rue.

Les raisons de mon attachement tout particulier à cette rue

J'ai habité tout près de cette rue pendant près de 18 ans. Or à chaque fois que je la parcourais, je repensais à l'époque pendant laquelle j'étais étudiant en Histoire à la Sorbonne. En effet, en maîtrise j'ai consacré un an à la rédaction d'un mémoire qui avait pour thème "Le Liber de regno Sicilie  et la vie politique à Palerme de 1154 à 1168" ce qui m'a conduit à avoir une connaissance très approfondie de deux rois de Sicile : Guillaume Ier (roi de Sicile de 1154 à 1166) et son fils Guillaume II. Cela explique que pendant longtemps j'ai même voulu habiter dans cette rue.

Une  rue d'un peu plus de 400m de long

La rue du roi de Sicile mesure aujourd'hui 412m de long (la suite montrera que la par le passé elle était plus courte). Elle part à l'Est de l'actuelle rue Malher (ci-dessous une vue de cette partie de la rue du roi de Sicile en regardant vers l'Ouest) :

Elle se prolonge à l'Ouest jusqu'à la rue du Bourg Tibourg (ci-dessous une vue depuis cette extrémité en regardant cette fois vers l'Est).

Cette rue porte ce nom en raison du fait qu'un roi de Sicile y aurait eu sa résidence...

L'histoire très particulière du Royaume de Sicile. 

Ce royaume a été fondé au XIIe siècle comme l'aboutissement d'une saga familiale aujourd'hui un peu oubliée : celle des Hauteville. Les membres de cette famille normande (Hauteville est aujourd'hui situé dans le département de la Manche) s'était taillé de vastes fiefs dans le Sud de l'Italie et en Sicile (île qu'ils ont reconquis sur Arabes) au XIe siècle. Le membre le plus important a été le comte de Sicile Roger II de Hauteville (1095-1154). En effet, celui-ci a réussi à réunir tous les fiefs conquis par les Normands ainsi que les États Lombards et les principautés locales du  Sud de l'Italie. Cela lui a permis de réussir un geste politique qui n'avait pas été fait en Europe de l'Ouest depuis l'arrivée des peuples "barbares" aux Ve / VIe siècles : la création d'un royaume. Il se fit en effet sacrer roi de Sicile le 25 décembre 1130 dans la cathédrale de Palerme.

Ce royaume s'étendait sur toute l'Italie du sud actuelle :

Il avait aussi quelques possessions en Afrique du Nord. A la mort de Roger II en 1154, son dernier fils survivant, Guillaume Ier (1125-1166) a hérité du trône. Son règne a été marqué par de nombreuses révoltes mais il a transmis le royaume (non sans perdre les territoires d'Afrique) à son fils, Guillaume II (1166-1190). Ce dernier est mort sans enfant. 

L'héritière légitime, Constance de Hauteville, petite-fille de Roger II , après encore bien des péripéties, s'est imposée en 1994 sur le trône de Sicile avec le soutien de son mari : l'empereur du Saint-Empire-romain-germanique Henri VI de Hohenstaufen. Mais celui-ci, Henri Ier (en tant que roi de Sicile) est mort en 1197 tandis que son épouse Constance décédait un an plus tard en 1198. Ils laissaient un héritier tout jeune, Frédéric né le 26 décembre 1194, qui allait faire parler de lui...

En effet, Frédéric II une fois devenu adulte a cumulé le titre de roi de Sicile et  d'empereur du Saint-Empire-Romain-Germanique. Il dominait donc toute l'Europe centrale et l'Italie. La puissance de ce formidable souverain (il a été surnommé "Stupor Mundi") faisait de l'ombre aux autres dirigeants de l'époque et notamment au pape. De plus, il réussit par d'habiles négociations avec les Musulmans (et donc sans faire la guerre) à récupérer le contrôle de la ville de Jérusalem en 1229 (qui avait été perdue par les Croisés après la défaite de Hâttin en 1187).

A la mort de Frédéric II en 1250, son fils Conrad lui succéda (Conrad IV en tant qu'empereur et Conrad Ier en tant que roi de Sicile), mais il disparut au bout d'un règne très court en 1254. Il ne laissait qu'un fils surnommé Conradin né en 1252. Or ce dernier était lui aussi considéré comme l'ennemi du Souverain pontife car il risquait une fois adulte de reconstituer la puissance de son grand-père. Urbain IV pape de 1261 à 1264 proposa la couronne de Sicile à Charles d'Anjou (1227-1285). Celui-ci n'avait aucun lié de parenté avec la famille des rois de Sicile mais il était frère du roi de France Louis IX (l'un des souverains les plus prestigieux du XIIIe siècle). C'est ce Charles d'Anjou qui est à l'origine de la "rue du roi de Sicile". 

En effet en tant que duc d'Anjou, il possédait un hôtel particulier dans la partie la plus à l'Est de l'actuelle rue [à l'emplacement où par la suite a été construite au XVIIIe siècle la prison de la Force (voir article du 30 décembre 2016)]. Cette résidence aristocratique était située dans l'angle Nord-Est de l'enceinte de Philippe Auguste (édifiée à la fin du XIIe siècle) :

Le lien entre le Duché d'Anjou et le Royaume de Sicile jusqu'au XVe siècle

Charles d'Anjou partit pour l'Italie en 1265 (c'est donc certainement en 1265 qu'il a mis les pieds pour la dernière fois dans l'Hôtel qui a donné son nom à la rue). Il a été couronné roi de Sicile à Rome en janvier 1266. Puis, en févier 1266, il l'emporta sur les troupes fidèles aux Hohenstaufen lors de la bataille de Bénévenent. Deux ans plus tard, en 1268, il vainquit le malheureux Conradin (à peine âgé de 16 ans), le fit prisonnier et le fit exécuter à Naples le 29 octobre 1268. Cette condamnation à mort provoqua un tollé contre Charles d'Anjou. Cela explique peut-être pourquoi en 1282, lors des "Vêpres Siciliennes", les nobles de l’ile se révoltèrent contre sa domination et passèrent par le fil de l'épée la plupart des ressortissants français. Charles d'Anjou, officiellement "roi de Sicile" ne dirigea plus jusqu'à sa mort -en 1285- que la partie continentale de l'Italie du Sud depuis la ville de Naples. Les nobles siciliens offrirent alors la couronne au roi d'Aragon Pierre III (qui prit le titre de Pierre Ier de Sicile) qui, lui, était apparenté à la famille des Hauteville.

Les descendants de Charles d'Anjou ne furent donc roi de Sicile que nominalement puisqu'en fait ils étaient rois de Naples dès. Il y avait un roi de Sicile régnant dans cette ville et un autre de la famille d'Aragon à Palerme. Le lien entre le titre de Duc d'Anjou, de roi de Sicile (et de comte de Provence) se perpétua pendant 150 ans jusqu'au très célèbre "roi René" (1409-1480). Celui-ci finit par perdre le royaume de Naples en 1442,quand le roi d'Aragon et de Sicile, Alphonse Ier réussit à prendre le contrôle la fois de la Sicile qui avait pour capitale Palerme et de celle qui avait pour capitale Naples (d'où l'étrange nom donné au XIXe siècle à cet Etat : le "Royaume des deux Siciles"). Quant à la famille d'Anjou descendante de Charles Ier d'Anjou, elle s'éteignit avec Charles V (1446-1481). A la mort de celui-ci ses fiefs revinrent à la famille de France.

La rue du roi de Sicile n'a donc jamais été véritablement la résidence du roi de Sicile mais celle de la famille d'Anjou alors qu'elle avait pris le titre de roi de Sicile à la fin du XIIIe siècle, situation qui se perpétua jusqu'au début du XVe siècle mais alors elle était principalement établie en Italie.

Une rue qui a changé brièvement de nom pendant la Révolution française

La rue du roi de Sicile a pris le nom pendant la Révolution française, en 1792, de "rue des Droits de l'Homme" comme cela est rappelé sur plusieurs plaques de la rue :

Ce changement ne date pas de 1789 comme cela est indiqué sur la plaque mais de 1792 suite à la chute de la Monarchie en août  puis à la proclamation de la République en septembre. On peut comprendre que le "roi de Sicile" n'était plus alors un nom très prisé puisque le roi de Sicile de l'époque, Ferdinand IV (1751-1825) était un Bourbon, cousin du roi Louis XVI, et surtout il était marié avec Marie-Caroline d'Autriche (1752-1814)... soeur de la reine Marie-Antoinette !

La rue a repris son nom de rue du roi de Sicile en 1806 sous le Premier Empire, à une époque, où la police napoléonienne avait fait passer l'envie d'évoquer les droits de l'Homme. On peut noter que la dernière reine, la femme de Louis-Philippe (roi des Français de 1830 à 1848), Marie-Amélie (1782-1866) était elle-même la fille du roi de Sicile, Ferdinand IV, devenu par le traité de Vienne de 1815, Ferdinand Ier "roi des deux Siciles".

L'historique de la rue...

Le plan de Bâle du milieu du XVIe siècle montre que la "rue du roi de Sicile" était beaucoup plus courte que la rue actuelle entre la rue des Ecouffes et la rue des Ballets (actuelle rue Malher) :

La partie Ouest de la rue, à partir de la rue des Ecouffes, portait le nom de rue Bouquetonne. La rue du roi de Sicile était donc à l'époque beaucoup plus courte qu'aujourd'hui :

La rue Bouquetonne" n'apparaît plus sur la plan Turgot des années 1730 qui montre des modifications importantes survenues entre le XVIe et le XVIIIe siècle :

La rue du roi de Sicile s'étendait alors de la rue des Balets à la rue Vieille du Temple, c'est-à-dire un peu plus vers l'Ouest par rapport au XVIe siècle. Elle avait toujours cette longueur (329m)


 dans la description du Dictionnaire Historique et Administratif des rues de Paris en 1844 :

L'actuelle partie Ouest de la rue (entre la rue Vieille du Temple et la rue du Bourg Tibourg) avait un aspect alors très étonnant puisqu'elle se divisait en deux voies parallèles que l'on peut voir sur le plan Turgot :

Voici un agrandissement pour mieux s'en rendre compte où l'on voit la rue "de la Croix Blanche" et la "rue de Bercy".

La rue de Bercy avait un aspect particulièrement étonnant puisqu'elle était surmontée par trois arches qui reliaient les deux côtés de la rue :

Le Dictionnaire Historique et Administratif des rues de Paris nous apprend qu'en 1837, il avait été décidé de supprimer la rue de Bercy et d'élargir la rue de la Croix Blanche. Il est précisé que cette voie étroite était fermée par une grille.

Cette rue a définitivement disparu à l'époque des travaux Haussmanniens lors du prolongement un peu plus au Sud de la rue de Rivoli. La rue de Croix Blanche a été élargie et a été intégrée à la rue du roi de Sicile en 1868.  

Pour résumer :

1. La rue du Roi de Sicile porte ce nom même si aucun roi de Sicile n'y a vécu puisque Charles d'Anjou qui y possédait un Hôtel particulier dans sa partie la plus à l'Est était parti en Italie quand il est devenu roi de Sicile.

2. La rue du Roi de Sicile était initialement plus courte. Jusque dans les années 1860, elle mesurait 329m. Ce n'est qu'en 1868 qu'elle été prolongée en direction de l'Ouest pour prendre sa longueur actuelle (414m).

P.S. On trouve dans cette rue au numéro 58, un superbe immeuble de l'entreprise de Casquette SOOL auquel j'ai consacré un article en mai 2016 et où depuis est installé un hôtel de bon standing.