dimanche 29 avril 2012

MLXXXIX : une gravure représentant l'île Louvier en 1736, une île qui a disparu au XIXe siècle

 

L'été dernier, lors de l'exposition consacrée à "Paris sur Seine" qui était présentée à l'Hôtel de Ville, j'ai été content de pouvoir observer cette gravure qui représente l'île Louvier, qui se trouvait dans l'actuel 4e arrondissement et qui a disparu sous la Monarchie de Juillet quand elle a été rattachée à la rive droite (l'île était située entre le boulevard Morland et le quai Henri IV).

 La gravure date de 1736 ce qui est intéressant car on peut se repérer grâce au plan Turgot qui a été fait dans les années 1730. Voici approximativement le champ de vision de cette grave sur le plan :


 Au 1er plan, la gravure montre  elle montre que l'île Louvier servait à stocker du bois de chauffage. Ce bois était transportée par flottage depuis les forêts situées en amont de la Seine et de ses affluents.

On voit sur la droite de la gravure que l'île était reliée à la terre ferme par un petit pont en bois :

D'après le plan Turgot, ce pont aujourd'hui disparu (puisque l'île a été rattachée à la rive droite) portait le nom de "Pont de Grammont":

A l'arrière-plan, on peut voir plusieurs édifices intéressants :

- tout à gauche, on voit la façade des deux hôtels particuliers de la pointe Est de l'Ile Saint-Louis :l l'Hôtel de Bretonvilliers (1) et l'Hôtel Lambert (2) :

On se repère mieux grâce au plan Turgot :

L'Hôtel de Bretonvilliers a disparu mais ce n'est pas le cas de l'Hôtel Lambert dont on reconnait sur la gravure l’extrémité en arrondie de la galerie d'Hercule. :

A l'arrière-plan, au centre de la gravure, on reconnaît très bien la silhouette de l'église Saint-Gervais-Saint-Protais :


 celle-ci était située relativement loin :

Dans le même axe, en regardant de près, on peut aussi remarquer la présence d'un pont avec des maisons. Il s'agit du Pont-Marie :

On voit mieux en regardant de près :

On ne le voit pas sur la gravure (certainement car la partie sud du Pont est masquée) mais une partie des maisons de ce pont avaient été emportées par la crûe de 1679 (et jamais reconstruites) comme on le voit sur le plan Turgot :

Il a fallu attendre 1788 pour que les maisons qui avaient subsisté soient détruites (voir mon article du 7 mai 2008).

mercredi 18 avril 2012

MLXXXII : Statues de l'Hôtel de Ville (82e volet) : Le Boccador par Jules Blanchard

 

Voici le 82e volet de la série consacrée aux statues de l'Hôtel de Ville. Il concerne "D. Boccador" que l'on peut voir au 1er étage à l'aplomb du portail de gauche du pavillon central de l'Hôtel de Ville :


Le personnage auquel cette statue est dédiée a joué un rôle important dans l'histoire de l'Hôtel de Ville : Domenico Barnabei da Cortona, dit "Le Boccador", est l'architecte de la version Renaissance de l'Hôtel de Ville.

En effet, né vers 1465, le Boccador est arrivé en France dès le règne de Charles VIII (1483-1498). Sous le règne de François Ier, il a conçu les plans de l'Hôtel de Ville dont la 1ère pierre avait été posée en 1533 (voir l'article du 15 octobre 2011 consacré à la statue de Pierre Viole, le prévôt des marchands à cette époque).

Le surnom de "Boccador" n'a pas une origine certaine. Est-ce un hommage à la capacité de cet artiste à prononcer de beaux discours ou bien une allusion à une barbe rousse ou blonde ?... Rien n'est certain !

Les plans du Boccador ont mis du temps à être mis en oeuvre puisque, en raison des viscissitudes des guerres de Religion, l'Hôtel de Ville n'a été achevé que dans la première moitié du XVIIe siècle (voir mon article du 19 décembre 2009 qui montre un détail d'un tableau de 1628). Ce bâtiment, dont les dimensions étaient beaucoup plus réduites que l'actuel, a été reconstruit sous Louis-Philippe (par les architectes Godde et Le sueur) puis à nouveau sous la IIIe République (après l'incendie par les Communards en 1871).

Comme on ne possédait aucun portrait du "Boccador", le sculpteur Jules Blanchard (né le 25 mai 1832 à Puiseaux [Loiret] et mort dans la même ville le 3 mai1916) lui a donné les traits de l'architecte qui a conçu la nouvelle version de l'Hôtel de Ville : Théodore Ballu (né en 1817 et mort en 1885). Or, les statues ont été sculptées au début des années 1880. Parmi les personnages représentés en statue sur l'hôtel de Ville auxquels j'ai déjà consacré un article, on en compte plusieurs qui ont eu l'honneur d'être représentés à peine quelques années après leur décès. On peut citer le peintre Daubigny (mort en 1878) [voir mon article du 20 août 2008] et l'architecte et "restaurateur" de monuments historiques, Viollet-le-duc (mort en 1879) [voir mon article du 21 novembre 2009]. Théodore Ballu est cependant le seul qui était encore vivant quand il a servi de modèle à une statue. Il est vrai qu'en raison de sa disparition en 1885, il n'a peut-être pas vu l'achèvement de la façade 

P.S. Jules Blanchard a aussi sculpté l'allégorie de la Science que l'on voit juste devant la façade (voir article du 22 mars 2018).

 

vendredi 13 avril 2012

MLXXIX : La Nef de Paris dans le 4e (épisode n°9) : Une autre galère... sur le Pont Marie

 

Voici le 9e épisode de la série consacrée aux représentations de la nef de Paris dans Paris Centre. Il s'agit de celles (on en trouve plusieurs) qui décorent les bases des candélabres situés sur le Pont Marie.


 Tout comme au lycée Sophie Germain (voir article du 17 novembre 2011), cette nef est en fait une galère avec des rames. Il s'agit de la version qui été utilisée sous la Monarchie de Juillet même si le Pont Marie est beaucoup plus ancien (article du 7 mai 2008) mais les candélabres doivent avoir été installé sous Louis-Philippe.



lundi 9 avril 2012

MLXXV : Une série de photos d'un lieu exceptionnel avant son réaménagement : la Société des Cendres

  

Une colonne Trajane dans le 4e arrondissement... une vue de la cheminée principale de la Société des Cendres

Le 18 mars, j'ai visité un lieu véritablement exceptionnel de l'arrondissement : les ateliers de la Société des Cendres. La visite commentée par Pierre Housieaux, président du Paris Historique, fait découvrir un patrimoine industriel devenu fort rare dans le centre de Paris. La "Société des Cendres" mise en place au XIXe siècle permettait jusqu'au début des années 2000 aux professions qui utilisaient des métaux précieux de récupérer dans leurs déchets ce qui pouvait avoir de la valeur. Une mise en oeuvre du recyclage longtemps avant que cela ne soit à la mode...
L'activité consistait à broyer les poussières puis à les fondre et à les purifier à l'aide de réactions chimiques pour récupérer des métaux rares (or, argent,..) . La visite permet donc de visiter les ateliers dans un état quasi intact. Cela ne sera bientôt plus possible puisqu'une grande partie du site va être transformé en magasins de vêtements (une grande marque nippone va s'installer à cet endroit). Cependant, la famille héritière de la Société des Cendres a tenu à ce que les machines soient préservées et que donc l'histoire industrielle de ce lieu ne soit pas oubliée.
De plus, dans le sud de la parcelle on peut voir un mur avec ce qui ressemble à une meurtière et un escalier en colimaçon. Il est à peu près certain qu'il s'agit de vestiges de l'enceinte de Philippe Auguste. L'endroit est donc chargé d'histoire.
Je ne peux pas publier toutes les photographies que j'ai prises. Voici donc une petite sélection pour essayer de faire comprendre en quoi ce lieu est magique :
La façade du 39 rue des Francs Bourgeois

 Une balance pour la pesée :
 
Deux vues des engrenages et de la courroie de transmission de la broyeuse principale.

Ci-dessus la 2e broyeuse de cendres
 
Un couloir du sous-sol avec des pierres qui proviennent de l'ancienne enceinte de Philippe Auguste.
 
Au sous-sol, entrée d'un escalier en colimaçon, un vestige d'une tour ou d'une poterne de l'enceinte de Philippe Auguste. 
Au sous-sol, entrée d'un escalier en colimaçon qui est certainement un vestige d'une tour ou d'une poterne de l'enceinte de Philippe Auguste. 
Les fours où l'argent était fondu. 
 Ci-dessus, des outils témoignages du quotidien de l'activité industrielle.
 
 La grande verrière des ateliers vue en direction du Nord. Les laboratoires ajoutés dans des coursives en étage vont être supprimés pour que le lieu retrouve ses volumes initiaux.
La même verrière vue en direction du Sud (avec au fond à droite le fût de la cheminée principale).
Le logo SC de la Société des Cendres sur une des fenêtres du bâtiment donnant sur la rue.
 

vendredi 6 avril 2012

MLXXIII : Une merveille du Maniérisme de la 2e moitié du XVIe siècle dans l'église Saint-Paul-Saint-Louis : la Vierge de la Déploration de Germain Pilon

 

L'église Saint-Paul-Saint-Louis possédait avant la Révolution française un très riche décor. A droite du choeur dans la chapelle absidiale, on trouvait dans un reliquaire suspendu en hauteur le coeur du roi Louis XIV (le coeur de Louis XIII était suspendu dans la chapelle de gauche comme j'en reparlerai très bientôt).

Ce décor a complètement disparu. Il a été remplacé par des trésors artistiques qui viennent d'autres églises. Ainsi, dans la chapelle absidiale de droite, on trouve une très belle œuvre de la 2e moitié du XVIe siècle : une Vierge de la Déploration signée Germain Pilon :


D'après le site insecula.com, cette statue a une hauteur 1m31. Elle date de 1586. Il s'agit d'une commande de la reine Catherine de Médicis pour décorer l'autel Valois de la basilique Saint-Denis et honoré la mémoire de son mari Henri II (mort en 1559 après un accident survenu dans le 4e arrondissement : voir mon article du 10 juillet 2009 ).

La Vierge de la Déploration a été installée sur un autel de l'église Saint-Paul-Saint-Louis en 1802, juste après la signature du Concordat entre le 1er Consul Napoléon Bonaparte et le Saint-Siège.

Cette œuvre est à ranger dans le goût du maniérisme française de la 2e moitié du XVIe siècle. Elle s'inspire par sa composition de la pietà de Michel-Ange que l'on peut voir dans la basilique Saint-Pierre-de-Rome. Il ne s'agit cependant pas d'une pietà puisque dans la sculpture que l'on peut voir dans l'église Saint-Paul-Saint-Louis, le cadavre de Jésus n'est pas représenté. On peut légitimement parler de maniérisme puisque ce courant artistique est caractérisé par une exagération des drapés qui annoncent le goût baroque du XVIIe siècle. Les longs doigts de la main de Marie rappellent ceux que l'on peut voir dans les tableaux du peintre italien Le Primatice.

Le Louvre possède le modèle en plâtre de cette oeuvre (dans le département des Sculptures de la Renaissance) :

On doit au même sculpteur, Germain Pilon, les trois Grâces qui soutenaient l'urne dans laquelle était conservée le coeur de Henri II au couvent des Célestins (voir mon article du 10 janvier 2012).