lundi 27 février 2023

MMDXLII : Les décors polychromes de l'école des Beaux Arts

La cour sous verrière du palais des études
 La visite de l'église Saint-Vincent-de-Paul avec @Baptiste75004 (voir article du 16 février 2023) ) m'a conduit à être plus sensible que je ne l'étais à la polychromie dans le goût antique qui a été à la mode sous la Monarchie de Juillet. L'écriture de l'article m'avait en effet conduit à comprendre combien les recherches de Jacques Hittorff concernant ce type de décor sur les temples grecs antiques, après avoir fait l'objet d'une controverse dans les années 1820, était devenue une importante source d'inspiration dans les batîments construits dans les décennies suivantes.

Aussi mon attention a-t-elle été particulièrement retenue quand j'ai visité pour la première fois en ce mois de février 2023 les bâtiments de l’École des Beaux-Arts (Paris 6e). Le grand espace sous verrière du "Palais des Etudes" construit par Félix Duban (1797-1870) est en effet très influencé par cette mode.

On peut bien sûr pour commencer qu'être impressionné par l'immense verrière emblématique par sa structure et ses poutraisons de l'âge industriel :

Les statues et les décors sont dans le goût antique :

On y trouve des représentations de personnages historiques -dans ce goût pour l'Histoire très développé au XIXe siècle- avec par exemple le stratège d'Athènes Périclès :

ou la premier empereur romain Auguste :

Des médaillons sculptés et polychromes représentent les artistes comme par exemple l'architecte et sculpteur du XVIe siècle Pierre Lescot :

Dans le plafond qui mène vers l'amphithéâtre (qu'hélas je n'ai pas pu visité), on peut lire la date à laquelle ce bâtiment a été construit, 1836 :

On regardant attentivement, on peut voir un nombre impressionnant d'élément décoré qui sont colorés dans le style prôné par Hittorff :


 

Tout près de là, on peut découvrir une autre création de Felix Duban avec la "cour du mûrier" qui a transformé l'ancien cloître des Augustins :


Sur le mur la copie en plâtre de la frise des Panathénées du Panthéon d'Athènes

Au 1er plan, une copie du Mercure assis de Naples par Hippolyte Bonardel (1824-1856)

Assez étrangement, sur twitter c'est la photographie prise dans cet escalier qui a obtenu le plus d'écho avec près de 100 000 vues, mais il est vrai que les réseaux sociaux ont parfois tendance à préférer dénoncer ce qui est trash plutôt que de s'extasier devant le beau et l'intéressant :

 Un décor polychrome contemporain qui ne fait lui par l'unanimité !

vendredi 24 février 2023

MMDXLI : Les statues du Louvre : Série Les personnages (7e volet) : La Rochefoucauld par Noël-Jules Girard

  

Voici le 7e article consacré aux personnages représentés dans la cour du Louvre. Il  concerne François de La Rochefoucauld que l'on peut voir dans la partie en retour de l’aile Turgot :

La statue de La Rochefoucauld est la 5e en partant de la gauche :

François de La Rochefoucauld est né à Paris le 15 septembre 1613 et il est mort le 17 mars 1680. Je lui ai déjà consacré un article car il est aussi représenté sur la façade de l'Hôtel de Ville de Paris (façade coté quai) [Voir article du 11 mars 2009].

La Rochefoucauld était issu d'une des familles les plus prestigieuses de  la noblesse. François VI de la Rochefauld, était duc et pair de France. Il a participé après 1646 à la révolte nobiliaire contre la régente Anne d'Autriche et Mazarin. C'était aussi un mémorialiste et il a écrit aussi des Maximes qui l'ont rendu célèbre.


La statue de la Cour du Louvre représente François de La Rochefoucauld avec un livre dans la main gauche et aussi une pile de livres derrière sa jambe droite :

On s'en aperçoit mieux depuis une fenêtre d'une salle des salons d'Honneur de l'ancien Ministère d'Etat :

La statue montre le personnage qui semble être en train de réciter livre fermé une de ses maximes :

Peut-être celle-ci "Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit".

Cette statue est une oeuvre de Noël-Jules Girard qui est né à Paris le 22 août 1816 et mort le 14 décembre 1886 rue Richomme dans le 18e arrondissement. On doit aussi à cet artiste la superbe statue représentant Marie-Madeleine sur la Tour Saint-Jacques (voir article du 7 novembre 2021).

La statue a profité d'un heureux nettoyage depuis 2021 comme on le voit sur la photo ci-dessous :

et voici une comparaison entre la statue de La Rochefoucauld au Louvre et celle de l'Hôtel de Ville :

mardi 21 février 2023

MMDXL : Une sépulture par Gilles Guérin de deux anciens résidents de la rue Saint-Paul : Charles de La Vieuville et Marie Bouhier de Beaumarchais et leur hôtel de la rue Saint-Paul

  

Au Louvre, dans le département des statues du XVIIe siècle, il n'est pas possible de passer à côté de cet énorme tombeau sans le remarquer. Les personnages sont en taille réelle et le monument est vraiment impressionnant.

Le cartel permet d'apprendre qu'il s'agissait de "Charles de La Vieuville (vers 1582-1653) et de sa femme Marie Bouhier morte en 1663". On y apprend aussi que ce tombeau date de 1658-1663 et qu'il provient de l'église des Minimes en montrant une reconstitution de la chapelle où il se trouvait :

J'ai déjà publié un assez long article consacré à cette église qui avait des dimensions impressionnantes et qui se trouvaient au nord de l'actuelle place des Vosges (voir article du 24 avril 2021 )

Tout indique donc que Charles de La Vieuville était un personnage important :

Il est en effet représenté avec la tenue des chevaliers de l'Ordre du Saint-Esprit qui était le plus prestigieux parmi la noblesse de France. Ces armoiries entourées du cordon de l'Ordre du Saint-Esprit apparaissent sur le socle du tombeau et sont tenues par un ange en pleurs.

Charles de La Vieuville n'a pas marqué l'histoire mais il a  été un des principaux rivaux d'un personnage beaucoup plus célèbre : le Cardinal de Richelieu. Né le 3 novembre 1584, il était devenu membre de l'Ordre du Saint-Esprit en 1619 et Surintendant des Finances en 1623.Mais, en août 1624 il est emprisonné au château d'Amboise pour prévarication sur ordre de l'étoile montante du gouvernement, Richelieu. Il s'échappe et se réfugie en Hollande. Il rentre par la suite en France mais est à condamné à mort par contumace en 1633 et il est dégradé de l'Ordre du Saint-Esprit. Il se repart à l'étranger et s'exile à Bruxelles.

 
 
Il revient en grâce après la mort de Louis XIIIe en 1643. Il est réintégré en juillet 1643 dans ses honneurs et ses emplois. En 1650, sa baronnie de Nogent-l'Artaud est érigée en Duché de La Vieuville. En 1651, il devient duc et pair de France et reprend le titre de Surintendant des Finances, fonction qu'il occupa jusqu'à sa mort le 2 janvier 1653.

Marie Bouhier son épouse est représentée à ses côtés :

Marier Bouhier de Beaumarchais est devenue son épouse en 1610.  Elle est décédée le 7 juin 1663. Ses armoiries apparaissent aussi sur le tombeau :

 Marie Bouhier était la fille de Vincent Bouhier, seigneur de Beaumarchais, et de Marie-Lucrère Hotman... fille de François Hotman. Certaines informations indiquent qu'elle est née en 1605 mais on a du mal à croire qu'elle se soit mariée en 1610 et qu'elle ait commencé à avoir des enfants dès 1615 !

Charles de La Vieuville et Marie Bouhier de Beaumarchais ont au moins eu douze enfants. Leur fils ainé, Vincent de la Vieuville est mort en combattant pour les armées royalistes de Charles Ier d'Angleterre à la bataille de Newbury le 12 septembre 1643. Il a aussi été inhumé ans l'église des Minimes :

L'Hôtel de La Vieuville était situé du côté pair de la rue Saint-Paul à l'angle avec le quai des Célestins dans l'actuel 4e arrondissement. On peut le voir sur le plan Turgot :

Cet hôtel particulier était situé à l'emplacement de celui érigé par Pierre d'Aumont, conseiller de celui qui allait devenir en 1364 le roi Charles V. Il s'agissait alors d'une dépendance de l'Hôtel Saint-Pol où le roi de France a eu une de ses résidences principales dans la 2e moitié du XIVe siècle et au au début du XVe siècle. En 1596, l'Hôtel a été racheté par le financier Vincent Bouhier de Beaumarchais qui était le père de Marie Bouhier. C'est par son mariage en 1610 avec Charles de la Vieuville. Sur le plan Picquet de 1812, on se rend bien compte que cet hôtel particulier s'étendait du quai des Célestins et la rue des Lions-Saint-Paul :

Cette demeure a été détruite en 1927 mais il reste de nombreuses représentations qui montrent à quoi elle ressemblait au début du XXe siècle :

Charles Atget, vue du portail de l'Hôtel de la Vieuville, vers 1900

Paul Joseph Victor Dagaud, L'Hôtel de la Vieuville, 1903.

Une vue aérienne de l'Hôtel de la Vieuville (1913)

 On trouvait dans le bâtiment au 1er plan un antiquaire du nom de Couderc :

Il existe plusieurs vues de l'intérieur de l'Hôtel de La Vieuville à l'époque où il était possédé par cet antiquaire :

 

 Voici une carte postale qui montre les lucarnes de l'Hôtel de la Vieuville depuis la rue des Lions-Saint-Paul : 

L'Hôtel de la Vieuville a été racheté en 1926 par Ernest Cognacq (propriétaire de la Samaritaine) à peine deux ans avant sa mort. Cela suffit à décider la destruction de l'Hôtel et à le remplacer par un immeuble moderne en style Louis XIII.

Le monument funéraire exposé aujourd'hui au Louvre est une œuvre de Gilles Guérin (né en 1611 et mort le 26 février 1678). On lui doit notamment les cariatides du Pavillon de l'Horloge de la cour carrée du Louvre et la statue de Louis XIV terrassant la Fronde qui ornait jadis l'Hôtel de Ville de Paris.

Les Cariatides du Pavillon de l'Horloge dans la cour Carrée du Louvre, des sculptures de Gilles Gurérin