mercredi 29 septembre 2021

MMCCCLXVII : Des témoignages exceptionnels concernant les camps qui ont servi d'antichambre à la Shoah à voir en ce moment au MAHJ

  

En complément de l'exposition "Chagall, Modigliani, Soutine,... Paris pour école, 1905-1940" qui se tient au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme (à laque j'ai consacré un article paru le septembre 2021), on peut aussi visiter jusqu'au 10 octobre 2021 une exposition relative à Hersh Fenster qui après la 2nde Guerre mondiale a publié en 1951 "Undzere farpaynikte Kinstler" (nos artistes martyrs) dont le but était de rendre hommage aux artistes juifs vivant à Paris avant la 2nde Guerre mondiale et qui ont été exterminés dans le cadre de la Solution Finale.

L'exposition se tient dans le sous-sol de l'Hôtel Saint-Aignan :

L'exposition présente de nombreuses œuvres et documents relatifs à ses artistes du "Shtetel perdu de Montparnasse". Ceux qui ont particulièrement retenu mon attention sont des dessins faits dans les camps d'internement qui ont servi d'étape avant la déportation et l'extermination. Des sources historiques dont j'ignorais l'existence et que je trouve très intéressants en tant que professeur d'histoire-géographie.

Les deux premiers sont deux aquarelles de Jane Levy née en 1894 à Paris. Elle a représenté le camp de Drancy en 1943 année où par la suite elle a été déportée puis a été tuée à Auschwitz :

 
 
Les autres aquarelles qui ont particulièrement retenu mon attention sont des œuvres de Jankelli Gotkovsky, dit Jacques Gotsko, né à Odessa en 1899, arrivé en France à l'âge de cinq ans. Dans ses dessins à l'aquarelle et aux crayons de couleur il représente le Frontstalag 122, camp de Compiègne où il a été interné après avoir été arrêté le 27 juin 1941 en tant que citoyen russe (et donc juste après l'invasion de l'URSS par l'Allemagne). Après avoir été déporté, il est mort le 2 janvier 1944 à Auschwitz.
 
Ces œuvres représentent tout le tragique et l'horreur des destins brisés par la Shoah. Il est important de les faire connaître car on ne peut s'empêcher d'apprécier la démarche artistique de leurs auteurs ce qui est la plus belle façon de transmettre leur mémoire et de déjouer les plans ignobles de ceux qui voulaient effacer toute trace de leur existence.

dimanche 26 septembre 2021

MMCCCXLVI : Les ponts de Paris Centre : la passerelle Léopold Sedar Senghor

  

Voici un nouvel article de la série consacrée aux pont de Paris Centre. Il s'agit ici du plus récent : la passerelle Léopold Sédar Senghor qui rend hommage au grand amoureux de la langue française et au président du Sénégal de 1960 à 1980. Elle a pris ce nom en 2006 lors du centième anniversaire de sa naissance.


 Cette passerelle a été construite entre 1997 et 1999 sur les plans de l'architecte Marc Minram. Elle a remplacé le pont de Solférino (dont la dernière version en acier construite en 1961 avait été fermée en 1992).

Cette passerelle est vraiment très élégante. Elle permet de traverser le pont depuis le quai haut et le quai bas.

Les lignes sont vraiment superbes :

 

La plateforme supérieure est relativement large pour une passerelle : 15m.

Depuis le pont, on peut à la fois voir sur la rive gauche le Musée d'Orsay :

et embrasser du regard -rive droite- les Tuileries et le Louvre :







jeudi 23 septembre 2021

MMCCCXLV : L'Hôtel de Saint-Aignan... une illustration des liens complexes entre les famillles Saint-Aignan, Rochechouart, Colbert et Turgot.

 

J'ai consacré plusieurs articles de L'Indépendant aux expositions du Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme situé 71 rue du Temple mais je n''en avais jamais consacré au lieu dans le quel il se trouve alors que c'est un très bel édifice.

Un panneau d'information Decaux permet d'avoir l'essentiel de l'information :

Le portail est imposant :

Le décor des portes est magnifique avec quelque chose d'un peu amusant :

 Il s'agit d'une tête d'indien !

Comme le musée est très protégé, il est rare de voir la cour depuis la rue et donc on est toujours surpris par le volume de la cour une fois franchi le sas de sécurité :

mais quand on regarde de près, toute la partie gauche de la Cour est un "faux" : il s'agit d'un "mur renard". Il n y a pas de pièce derrière :

Au dessus du portail central on peut voir les chiffres des propriétaires du XVIIe siècle 

mais dans la partie supérieure de l'édifice, on peut voir les armoiries du propriétaire de l'Hôtel à partir de 1688 : 

dans l'axe de l'Hôtel on arrive dans un élégant vestibule :

il mène sur la gauche à un somptueux escalier :


en allant à droite du vestibule, on découvre une autre pièce très belle dans laquelle se trouve la librairie du musée :

Lors de la restauration de l'Hôtel à la fin des années 1990, on y a découvert de très beaux restes d'une fresque : 

Dans la partie Nord de la parcelle, l'Hôtel possède aussi une petite cour qui servait pour le personnel et qui est assez élégante :

enfin on peut aussi avoir un très bel aperçu sur cet hôtel depuis le jardin Anne Franck accessible depuis la rue Beaubourg par l'impasse Bertaud :


 Plusieurs autres informations complémentaire. Cet hôtel apparaît sur le plan Turgot des années 1730 :

L'hôtel avait d'abord appartenu à la famille De Mesmes qui s'est installé dans cette partie de Paris en 1580. L'Hôtel lui-même a été commandé par Claude de Mesmes, seigneur d'Avault (1595-1650) un diplomate au service de Richelieu puis de Mazarin qui a négocié les traités de Westphalie. Il confia les travaux réalisé -environ de 1644 à 1647- à l'architecte Pierre Le Muet (1595-1669). Claude de Mesmes fut notamment ambassadeur  dans de nombreux pays dont la Hollande, Venise, la Pologne et le Danemark. L'hôtel s'appelait alors Hôtel d'Avaut.

 Claude de Mesme avait aussi été surintendant des finances de 1649 à 1650.

En 1655, la fille de Claude Mesmes, Antoinette-Louise épousa Louis-Victor de Rochechouart (frère de la future Madame de Montespan), duc de Vivonne et capitaine des galères du roi qui devint ainsi propriétaire de l'Hôtel. 

 Louis-Victor décida de vendre l'Hôtel particulier en 1688 après la mort subite de fils Louis (1663-1688). Celui-ci avait épousé Marie-Anne Colbert (fille du grand ministre) qui vécut de 1665 à 1750 mais c'est une de ses soeurs qui curieux hasard habita cet hôtel.

En effet, l'acquéreur, Paul de Beauvilliers, duc de Saint-Aignan (1648-1714) était lui aussi un puissant personnage à la Cour du Roi Soleil ,il était ministre d'Etat et il avait épousé une autre fille de... Colbert, Henriette-Louise née elle en 1657. Il a exercé la fonction très prestigieuse de Gouverneur des trois petit-fils de Louis XIV. Le personnage a été peint par Hyacinthe Rigaud dans les années 1690 :

L'hôtel a alors été remanié par Jacques Le Pas du Buisson et les jardins redessinés par André Le Nôtre.

A la mort de Paul de Beauvilliers en 1714, sa femme Henri-Louise (la fille de Colbert) continua à habiter l'Hôtel jusqu'à sa mort le 19 septembre 1733. L'hôtel repassa alors dans la famille de Rochechouart...  Une fille de Paul de Beauvilliers, Marie-Henriette (1685-1718) avait en effet épousé  Louis de Rochechouart, 4e duc de Mortemart (1681-1746),  le fils de Louis de Rochechouart et de... Marie-Anne Colbert.

De leur union naquit Charles Auguste de Rochechouart (1714-1743) qui occupa l'Hôtel à partir de 1733.Cela explique que sur le plan Turgot cet hôtel apparaisse sous le nom "Hôtel de Rochechouart" :


L'Hôtel redevient la propriété de la famille de Saint-Aignan en 1755 : Paul-Hippolyte de Beauvilliers, duc de Saint-Aignan (1684-1776), demi-frère de Paul duc de de Saint-Aignan (celui mort en 1714) en devint propriétaire. Il y installa une collection de 400 peintures donc plusieurs Pierre Subleyras (un peintre que j'apprécie beaucoup).  Il mourut dans cet hôtel le 22 janvier 1776.

Paul-Hippolyte de Beauvilliers a notamment été ambassadeur en Espagne et à Rome. En 1757, il épousa Françoise, fille de Michel Turgot (1690-1751) le prévôt des Marchands de 1729 à  auquel ont doit la fameuse carte évoquée plus haut. Il devint ainsi le beau-frère de Anne-Robert-Jacques Turgot (1727-1781), qui devint le célèbre ministre du début du règne de Louis XVI et qui semble-il habitat lui aussi l'Hôtel de Saint-Aignan.

Paul-Hippolyte mourut en son hôtel particulier en janvier 1776. Un partie de sa descendance l'avait précédé dans la tombe : ses fils, Paul-François  (1710-1742) et Paul-Louis (1711-1757) et son petit-fils Paul-Etienne Auguste (1740-1771). C'est donc son arrière petit-fils, Paul-Marie-Victoire né le 2 août 1766 qui lui succéda comme duc de Saint-Aignan en 1776. Le musée d'Helsinki possède un superbe portrait de ce personnage par le peintre suédois Alexandre Roslin :


 Hélas pour lui, Paul-Marie-Victoire est mort guillotiné, place du Trône renversé, le 24 juillet 1794 dans les tous derniers jours de la Terreur. (Rappelons que Robespierre a été "renversé" le 27 juillet et guillotiné le 28 juillet 1794).

Mais l'hôtel avait déjà changé de main avant : en 1786, Paul-Marie Victoire l'avait vendu au marquis d'Asnières, brigadier des armées du roi. Il s'agit certainement de Jean d'Asnières de la Chasteygneraie, né en 1739 qui avait réussi à devenir marquis par lettre patentes du roi Louis XVI en 1776 après avoir diverses terres. Il mourut le 3 janvier 1824 mais l'Hôtel de Saint-Aignan fut confisqué en 1792... 

Il n'a plus depuis appartenu à des membres de la famille Saint-Aignan, Rochechouart ou Colbert. 

A lire :

- l'article de Claude Mignot sur le site du MAHJ.

- les pages 157 à 163 du livre de  Danielle CHADYCH, Le Marais, Parigramme

-  un article du site ParisMarais

- un a article du site Paris Bise-Art.

- article de 1977 de Michel Le Moel dans la revue "Les cahiers de Saint-Simon".



lundi 20 septembre 2021

MMCCCXLIV : Au Louvre, une statue qui témoigne de l'importance du couvent de l'Ave Maria qui a donné son nom à une rue du 4e arrondissement

Au Louvre, dans le département des sculptures françaises de l'aile Richelieu, on peut admirer cette statue :

Comme l'indique le cartel, cette oeuvre signée Simon Guillan (1589-1658) représente Charlotte-Catherine de la Trémouille, princesse de Condé qui a vécu de 1568 à 1629

Il s'agissait ainsi d'un puissant personnage. Son mari, Henri Ier de Bourbon-Condé, cousin d'Henri IV était prince du sang. C'est pourquoi elle est représentée avec une cape de fleurs de lys :

Le cartel explique aussi que cette statue faisait partie d'un monument funéraire somptueux :

Celui était situé dans le couvent de l'Ave-Maria.

Ce couvent se trouvait dans l'actuel 4e arrondissement. Il a donné son nom à une rue :

Cette rue est située entre la rue des Jardins Saint-Paul et la rue Saint-Paul :

Elle avait initialement un autre nom comme on le voit quand on regarde attentivement une plaque du XVIIIe siècle gravée à un angle :

Il s'agissait de la rue "des Barrés". Ce nom faisait référence à la tenue des religieuse, les Clarisses intallées dans le couvent de l'Ave Maria. C'est ce nom de rue des Barrés qui apparaît sur le plan Turgot des années 1730 :

Cela permet de voir que le couvent était relativement immense : il s'étendait de l'actuelle rue de l'Ave Maria au sud jusqu'à l'actuelle Rue Charlemagne :

On voit au nord de la parcelle (à gauche sur le plan) la chapelle du couvent et le cloître :

Ce couvent était ancien. Il avait pour origine un grand béguinage fondé par le roi Louis IX au XIIIe siècle, il a accueilli plusieurs centaines de béguines (c'est-à-dire des femmes veuves qui étaient prises en charge par l'Eglise). 

Ce couvent a été réformé au XVe siècle pendant le règne de Louis XI et il a été pris en charge par l'ordre des Clarisses. Au sein de cet ordre religieux, les "Damiénistes", aussi appelées "les filles de l'Ave Maria", étaient celles qui respectaient une règle particulièrement austère.

Le couvent a été dissout en 1790 et a été transformé en caserne qui a fermé ses portes en 1867. Les bâtiments ont été détruits en 1878 pour laisser place notamment à une extension du lycée Charlemagne.

Quant à la rue des Barrés, elle a pris le nom de rue de l'Ave Maria en 1867 pour éviter la confusion avec la rue des Barrés, située à quelques centaines de mètres de là au chevet de l'église Saint-Gervais-Saint-Protais.

L'actuel square Marie Trintignant avait aussi pour nom "square de l'Ave Maria". Quand il a pris ce nom le regretté Jean Rincé avait protesté lors d'une séance de question auprès de la mère de l'époque, Dominique Bertinotti, pour regretter qu'en faisant disparaître le nom de "square de l'Ave Maria", on contribuait à faire disparaître la mémoire de ce lieu qui avait joué un rôle si important dans cette partie du 4e arrondissement.