vendredi 30 décembre 2016

MDCCCXIII : Sur les traces d'un lieu où des massacres ont été perpétrés : la prison de la Force en plein coeur du 4e arrondissement

  

En lisant Les Mystères de Paris d'Eugène Sue, j'ai été particulièrement intéressé par les longs développements que le romancier fait à propos de la vie quotidienne dans la Prison de la Force qui se trouvait dans l'actuel 4e arrondissement. Or récemment, lors d'un repas, j'ai évoqué cette prison et on m'a demandé où se trouvait précisément cette prison. Voici donc la réponse.

La "Prison de la force" a été construite dans les années 1780 à l'emplacement de l'Hôtel de la Force. Cet hôtel avait été racheté par le gouvernement de Louis XVI pour faire une prison modèle. Voici sur un plan Turgot des années 1730, la zone qui a dû être utilisée pour construite la prison :

Emprise de la prison de la force sur le plan Turgot des années 1730 (en haut à droite, on reconnaît l'actuel église Saint-Paul-Saint-Louis)

 On se rend ainsi compte que cette prison jouxtait l'Hôtel Bouthillier de Chavigny dans lequel se trouve aujourd'hui la Caserne des Pompiers du 4e (voir mon article du 21 avril 2013

On pouvait voir la façade de la prison de la Force depuis la rue Saint-Antoine :

Il fallait passer par une petite rue qui existait déjà sur le plan Turgot, la "Rue des balais" :

Cette rue se trouvait approximativement à l'emplacement de la partie sud de l'actuelle rue Malher :

En remontant la rue Malher (qui a été percée depuis), on arrive sur la gauche à une intersection avec la rue du roi de Sicile. Au 2, on peut apercevoir une plaque à l'endroit indiqué ci-dessous :

Voici le contenu de cette plaque :

Il s'agissait de l'entrée de la "Grande Force", la prison principale.

Cependant, il existait aussi une "Petite force" qui avait été construite sur la rue Pavée afin d'installer  une prison pour femmes:

 
L'entrée de la Petite force, rue Pavée

On voit encore aujourd'hui un vestige du mur qui servait de limite entre la Petite force et l'Hôtel Lamoignon (où est installée aujord'hui la Bibliothèque historique de la Ville de Paris). C'est la photographie de ce mur qui ouvre cet article :


 Une "pelle à tarte" explique en détail l'histoire de la prison de la force :

Le périmètre de la prison de la force était donc relativement vaste comme on peut le voir sur ce plan cadastre du début du XIXe siècle :

 Un plan signé Charles Picquet en 1814 montre encore mieux l'aspect de cette prison :

C'est dans cette "prison modèle"  pour l'époque construite dans les années 1780 qu'ont eu lieu les Massacres de Septembre 1792. Une grande partie des prisonniers considérés comme des traitres alors que la Patrie était sur le point d'être envahie par les armées prussiennes et autrichiennes ont été massacrés après un procès très sommaire :

Parmi les victimes de cette vague de violences, Marie-Thérèse-Louise de Savoie Carignan, princesse de Lamballe depuis son mariage en 1767 avec Louis-Alexandre de Bourbon (dont elle était veuve depuis 1768).  La surintendante de la Maison de la reine fût décapitée le 3 septembre 1792. Elle s'était évanouie en voyant un tas de cadavres. Son corps fut mutilé et sa tête promenée au bout d'un pique jusqu'au Temple où était emprisonnée Marie-Antoinette.

 
La princesse de Lamballe par Callet vers 1776

Une triste époque pour laquelle personne n'a demandé de repentance mais peut-être faut-il arrêter de se repentir de tous les massacres qui ont eu lieu par la passé tant ils font partie de ce dont l'Humanité est capable.
 

samedi 24 décembre 2016

MDCCCX : La crèche de Noël de Notre-Dame renoue avec la tradition des crèches provençales (comme en 2014)

 

Comme chaque année, voici un article consacré à la crèche de Noël de la cathédrale Notre Dame. Je rappelle qu'elle est chaque année différente et que pour certains Noël, ce sont des versions très "épurées" qui avaient été présentées comme en 2008 et en 2010.

La version 2016 est dans la plus grande tradition puisque ce sont les santons de Provence qui sont à l'honneur. Il y a tant de personnages que l'on commence par chercher la grotte où sera abrité l'enfant Jésus. On finit par la trouver grâce aux moutons conduits par les bergers :

Parmi les très nombreuses professions, voici le boulanger :


mardi 20 décembre 2016

MDCCCVIII : D'autres peintures qui ornaient le cabinet de l'Amour à l'Hôtel Lambert

Eustache Le Sueur, L'Amour dérobe la foudre à Jupiter, vers 1646-1647

J'ai déjà publié un article à propos des peintures du plafond central du cabinet de l'Amour de l'Hôtel Lambert que l'on peut revoir depuis peu dans le département peintures françaises du Louvre XVIIe siècle (voir mon article du 26 novembre 2016). J'avais annoncé qu'il y aurait d'autres articles qui paraîtraient à ce sujet. Voici donc en quelques sorte le 2e volet de cette série consacrée aux décor de l'Hôtel Lambert.

Le tableau de Le Sueur qui ouvre l'article d'aujourd'hui se trouvait dans le dessus-de-cheminée du cabinet de l'Amour. Il est aussi intéressant de voir des œuvres d'autres peintres qui proviennent aussi de ce cabinet :

 
François Perrier, Enée et ses compagnons combattant les harpies, vers 1646-1647 

Le tableau ci-dessus de François Perrier ornait une partie haute du cabinet.

 
Pierre Patel, Paysage composé avec des ruines antiques, vers 1646-1647

Ce tableau de Pierre Patel décorait les lambris du cabinet de l'Amour. On peut aussi voir une autre œuvre de Pierre Patel provenant elle aussi du cabinet de l'Amour de l'Hôtel Lambert :

 
Pierre Patel, paysage composé, Le voyage, vers 1646-1647

Voici enfin le dernier tableau en provenance du cabinet de l'Amour que je présente aujourd'hui. Il est est dû à un quatrième peintre français du XVIIe siècle, Henri Mauperché :

 
Henri Mauperché, Paysage au pont, vers 1646-1647

Je publierai bientôt le dernier article à propos des peintures de l'Hôtel Lambert : il concernera le cabinet des Muses (article du 15 janvier 2017).


 


 

 

samedi 17 décembre 2016

MDCCCVI : Avec "Tapette market", le Cox affiche une déco en clin d'oeil aux boutiques top luxe de la rue des Archives

  

J'ai tenu à faire un article consacré à ce relooking du Cox, un des cafés emblématiques du Marais. En effet, le choix du design tranche radicalement avec le design des boutiques top luxe de la rue des Archives situées sur le même trottoir. Je trouve que c'est assez réussi.


 On espère que les clients du Cox sont contents des produits trouvés sur ce marché et que les primeurs sont savoureux et dans la maturité adéquate pour une consommation parfaite. 

Renseignement pris, vous avez jusque fin janvier pour y faire vos emplettes en profitant de cette déco.


dimanche 11 décembre 2016

MDCCCIII : la fondation d'entreprise des Galeries Lafayette La Fayette anticipation ouvrira ses portes au 9 rue du plâtre dès l'automne 2017

 

Lundi dernier, le 5 décembre 2016, une réunion était organisée pour présenter le projet de fondation des Galeries Lafayette. J'ai déjà consacré un article le 4 novembre 2015 à propos des travaux qui avaient commencé.
Lors de cette réunion publique du 5 décembre 2016, Guillaume Houzé (sur la photographie ci-dessus), le président de Lafayette anticipation a présenté avec beaucoup d'enthousiasme le projet. Celui-ci permet la rénovation du bâtiment industriel construit en 1891 pour Xavier Ruel (le fondateur du BHV, voir notamment mon article du 16 août 2016). Il prévoit un élément très novateur : l'installation dans  la cour d'un vaste espace avec des planchers amovibles afin de permettre une très grande liberté aux artistes qui pourront s'installer à cette adresse (l'architecte Rem Koolhass et son agence OMA sont les auteurs du projet). 

Lafayette anticipation ouvrira ses portes à l'automne 2017. Ce sera pour partie un lieu d'exposition mais aussi un espace où des artistes contemporains auront un vaste espace de création (dans le cadre de la poliique de mécénat des Galeries Lafayette). Enfin dans une des ailes, un restaurant sera installé.

Un nouveau projet donc qui valorise le 4e arrondissement et en particulier le quartier Saint-Merri et à proximité immédiate d'autres pôles de la création contemporaine :  le Centre Pompidou, l'IRCAM, la Cité Internationale des Arts et la Maison Européenne de la Photographie.

 

samedi 26 novembre 2016

MDCCXCIV : Une formidable redécouverte : les 5 peintures du plafond central du cabinet de l'Amour de l'Hôtel Lambert

Eustache LE SUEUR, La naissance de l'Amour, vers 1646-1647, 1m82 x 1m25

 Le département des peintures françaises des XVIIe et XVIIIe siècles du Musée du Louvre (dans le 2e étage de la Cour Carrée) a été fermé pendant de très nombreuses années. Il vient de rouvrir au cours de l'automne 2015. Certaines salles ont été profondément remaniées.

On peut ainsi redécouvrir une dizaine d'Eustache LE SUEUR peintes pour l'Hôtel Lambert dont j'ai parlé déjà à plusieurs reprises sur ce blog et qui se trouve dans la partie Est de l'ïle Saint-Louis. Voici dans cet article les 5 peintures sur bois qui ornaient le compartiment central du plafond du cabinet de l'Amour. Ces peintures avaient été démontées dès le XVIIIe siècle puisqu'elle faisait partie de la collection privée de Louis XVI avant la Révolution française.

 
Eustache LE SUEUR, Vénus présente l'amour  à Jupiter, vers 1646-1647
 
 Eustache LE SUEUR, L'Amour reçoit l'hommage de Diane, d'Apollon et de Mercure, vers 1646-1647
 
Eustache LE SUEUR, L'Amour réprimandée par sa mère se réfugie dans les bras de Cérès, vers 1646-1647
 
Eustache LE SUEUR, L'Amour ordonne à Mercure d'annoncer son pouvoir sur l'Univers, vers 1646-1647 

 

Le musée possède aussi les cinq esquisses en petit format faites par Eustache LE SUEUR pour préparer son travail sur bois :

J'ai trouvé sur un site, une gravure qui montre à quoi ressemblait ce cabinet :

 
Bernard Picart, Cabinet de l'Amour de l'hôtel Lambert à Paris vers 1646-1647 , gravure,  38,6 x 50.8 cm, 1720
 
 Enfin voici un plan du XVIIe siècle qui montre à quel endroit dans l'Hôtel particulier était placé ce cabinet, dans l'aile droite qui donne sur la rue Saint-Louis-en-l'ïle et sur le jardin de l'Hôtel :

Je l'ai aussi localisé sur la vue ci-dessous :

Rappelons enfin qu'Eustache Le Sueur fait partie des personnages dont la statue orne la façade de l'Hôtel de Ville (voir article du 20 mai 2010).

dimanche 20 novembre 2016

MDCCXCI : Les rues de Paris Centre : quand la partie Sud de la rue du Temple située dans le 4e s'appelait la rue des Coquilles, la rue Bar-du-Bec et la rue Sainte-Avoye

  

Voici un nouvel article consacré aux rues du 4e arrondissement. Il concerne la rue du Temple. La photographie de plaque qui ouvre cet article laisse penser que le nom est ancien. Cependant, la rue du Temple n'avait pas toujours porté ce nom... en tout cas dans le 4e arrondissement.

 Si on observe un plan Turgot (des années 1730), on se rend compte que l'axe auquel correspond aujourd'hui cette rue existait déjà entre ce qui était la porte du Temple (au sud de l'actuelle place de la République) et la place de l'Hôtel de Ville qui était plus petite qu'aujourd'hui. On reconnaît le tracé sinueux de l'actuelle rue du Temple :

L'ancienneté de ce tracé conduit à oublier que la partie située au sud du carrefour avec la rue Michel Lecomte avait porté un autre nom avant 1851. Avant cette date, tout le tronçon de la rue Temple compris dans l'actuel 4e arrondissement (dont les contours rappelons-le datent de 1860) étaient dans le 4e arrondissement. La limite Nord du 4e arrondissement est fixée au niveau de la rue Rambuteau qui n'existait pas à l'époque du plan Turgot. Elle a été percée dans les années 1840. On peut établir son emplacement en regardant l'emplacement de l'Hôtel des Archives et la rue Geoffroy l'Angevin. Cela peremt de faire apparaître l'aspect et la toponymie dans les années 1730  de ce qu'était l'actuelle rue du Temple dans sa partie 4e :

En zoomant de plus près, cela permet de voir que l'actuelle rue du Temple est le regroupement de 3 anciennes rues.

Dans la partie la plus au Sud (entre la rue de la Verrerie et l'actuelle rue de Rivoli), on trouvait la rue des Coquilles :

Ce tronçon de la rue a été profondément transformé dans son côté pair avec la construction du BHV dans les années 1910. Le côté impair a l'air plus ancien, notamment avec des arcades qui ont un aspect fin XVIIIe ou du début du XIXe siècle :

En remontant vers le Nord, on passait entre la rue de la Verrerie et le carrefour avec les rues Saint-Merri et Sainte-Croix de la Bretonnerie dans une rue qui s'appelait la rue Bar-du-Bec :

Ce nom était dû au fait qu'on y trouvait la maison de justice de l'abbaye Notre-Dame-du-Bec-Hellouin (qui se trouvait à l'emplacement de l'actuel 21 rue du Temple).

En continuant à remonter la rue du Temple, à partir du carrefour avec la rue Saint-Merri et la rue Sainte-Croix, on arrivait dans la rue Sainte-Avoye :

Dans ce tronçon, la rue Sainte-Avoye croisait côté Est la rue du Plâtre puis la rue des Blancs Manteaux, et Côté Ouest la rue Simon Le Franc puis la rue Geoffroy l'Angevin.

Voici une vue de cette partie de la rue depuis sa partie la plus au sud :

La rue Sainte-Avoye se prolongeait plus au Nord mais voici ce qui constituait son extrémité pour ce qui concerne l'actuel 4e arrondissement (avec cette fois-ci une vue en direction du sud):

En continuant, dans l'actuelle vers le Nord  rue du Temple, on était toujours dans la rue Sainte-Avoye (jusqu'à l'atuelle rue Michel Lecomte comme je l'ai précisé en commençant cet article).

 

jeudi 10 novembre 2016

MDCCLXXXV : Une rue du 9e arrondissement qui permet d'évoquer un fait divers survenu dans le 4e arrondissement le 2 novembre 1901

 

La rue de l'Agent Bailly est une petite rue du 9e arrondissement entre la rue Milton et la rue Rodier. 

Dans cette rue du 9e, pendant pas mal d'années, une ou des personnes entretenai(en)t un affichage à propos de l'agent Bailly. Les panneaux collés sur le mur subissaient régulièrement des dégradations mais il était intéressant de lire.  On pouvait se rendre compte que ce nom avait un rapport direct avec un évènement survenu dans le 4e arrondissement.


En effet, Charles Gaston Bailly, né à Poitiers le 14 juin 1871, était un gardien de la paix, installé à Paris  (rue de Meaux) depuis 1898. En 1900, il avait rejoint la brigade fluviale mise en place à l'occasion de l'Exposition Universelle de Paris.

Or, le 2 novembre 1901, il est mort dans le 4e arrondissement suite à un drame survenu quai des Célestins tout près du Pont Marie. Une femme désespérée, Amélie Vallée, 37 ans, habitante du 48 rue Saint-Antoine avait sauté à l'eau pour mettre fin à ses jours. L'agent Bailly s'est jeté à l'eau pour la sauver mais comme elle s'est débattue, il est mort avec elle noyé dans la Seine prisonniers des péniches amarrées le long du quai.

Tout Paris a été touché par l'héroïsme de l'agent Bailly. Le 4 novembre 1901, il a eu droit à des obsèques nationales en présence de Pierre Waldeck-Rousseau, le Président du Conseil. Le "Petit Journal" a même consacré sa "Une"de son supplément illustré à cet événement comme le montre une autre affiche qui était placardée dans la rue :


Le 12 juillet 1903, le Conseil municipal de Paris a décidé de donner son nom à la rue qui venait d'être percée pour prolonger le "passage Rodier" jusqu'à la rue Milton.

Pour en revenir au 4e arrondissement, voici une vue du début du XXe siècle  qui montre l'aspect du quai des Célestins au niveau du Pont Marie (un détail d'une carte postale que j'ai commentée dans un article paru le 12 juillet 2011)  :

On y voit les péniches où l'agent Bailly a connu une fin tragique.

En republiant cet article en 2022. J'ai voulu en savoir plus sur ce triste fait divers en me replongeant dans les archives du Petit Journal. Trois éditions sont particulièrement intéressantes :

- celle du dimanche 3 novembre 1901 :

Cela permet d'apprendre qu'il y avait en 1901 autour du Pont Marie une intense activité portuaire : "la circulation était assez active sous ce point, près du pont Marie, où deux ports sont en pleine activité, le port Saint-Paul et le port des Ormes [...] les péniches et les chalands sont amarrés en grand nombre". "En amont du Pont Marie, deux flûtes, contenant l'une de la poterie, l'autre du charbon, que des ouvriers déchargeaient" [...] et "la troisième remplie des gravats de l'Exposition universelle de 1900".

- celle du 4 novembre 1901 :

On y apprend que la concierge que l'agent Bailly a voulu sauver était concierge au 48 rue Saint-Antoine. Autre information : le fait que les Parisiens avaient l'habitude d'aller à la morgue (à la pointe Est de l'île de la Cité) pour aller voir les cadavres des disparus... Surprenante habitude !

- celle du 5 novembre 1901 :

Ici on se rend compte que l'essentiel de la cérémonie a eu lieu dans le Centre de Paris avec une première partie dans la cour de Préfecture de Police sur l'Ile de la Cité en présence du président du Conseil (Waldeck-Rousseau) et du président du Conseil municipal (M. Dousset). Elle s'est ensuite poursuivie à Notre-Dame où une foule considérable à assister aux obsèques.