
La devanture "Lescot Apothicaire" est une des merveilles que l'on peut voir au musée Carnavalet. On ne peut pas manquer de la voir car - même si ce musée est un labyrinthe - elle est située dans la partie par laquelle on rentre dans la musée consacrée aux enseignes de Paris.
Cette devanture est ornée dans les écoinçons par des anges de la victoire :
et sur les pilastres latéraux un motif d'athénienne (c'est à dire des piédestaux tripodes) :
Sur le
site Paris Musée, on peut retrouve une estampe de Jean-Marie Mixelle (1758-1839) qui représente cette devanture :
On y apprend que la devanture a figuré en 1806/1807 dans la liste des "Maisons de Commerce les mieux décorées" de Paris. Le décor de la boutique montre une très nette influence du style consulat ou Empire. Les anges ailées tenant des couronnes de lauriers sont certainement une allusion aux victoire des armées de la République ou du Consulat et sont un très bel exemple du style néo-classique en vogue dans la 2e moitié du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle.
Le cartel du musée permet d'en savoir plus sur cette pharmacie. On apprend qu'elle a fermé en 1912 et que le musée Carnavalet a récupéré sa devanture qui a été d'abord partiellement présentée au public avant de reconstituer l'ensemble en 1960 :
On y apprend aussi que la pharmacie était située rue de Gramont. Cette rue est dans le Coeur de Paris puisqu'elle est dans le 2e arrondissement entre le boulevard des Italiens et la rue du 4 septembre. L'officine était précisément placée au 14 rue de Gramont à l'endroit suivant :
Voici une comparaison entre une photographie de la façade prise avant son démontage et la vue actuelle de cette partie de la façade :
Le musée Carnavalet possède une autre estampe - hélas non datée - qui montre la pharmacie quand elle était rue de Gramont :
Voici un aperçu de l'aspect de la rue si la pharmacie était encore à cet emplacement :
La façade de l'immeuble a été - on s'en rend compte - remaniée cependant l'immeuble, qui date de la fin du XVIIIe siècle, lors du percement de la rue de Gramont - a été inscrit à l'inventaire des Monuments Historiques pour sa façade et sa toiture sur rue et sur cours par un arrêté du 30 décembre 1977.

Cette adresse est liée à un personnage oublié mais dont le destin pourrait faire l'objet d'un roman : Etiennette Marie Périne Le Marquis dite Madame de Villemonble. Née en Bretagne en 1737, elle exerçait la profession de danseuse à l'opéra de Paris. Elle est devenue en 1757 la maîtresse de Louis-Philippe d'Orléans (1725-1785) à qui elle a donné un fils en 1759. Le duc d'Orléans était un personnage très puissant. Petit-ils du régent Philippe d'Orléans, il était le père de "Philippe Egalité" et le grand père du futur roi Louis-Philippe 1er. Cette liaison a permis à Etiennette Le Marquis de recevoir la seigneurie de Villemonble, où elle s'est fait construire un château, et de devenir "Madame de Villmonble". Louis Vigée a réalisé son portrait dans les années 1750 :

Au 14, rue de Grammont (l'orthographe de la rue à l'époque), elle avait
son hôtel particulier parisien où elle résidait l'hiver. C'est là
qu'elle est décédée le 9 février 1806, donc à l'époque où la devanture
de la pharmacie Lescot a été créée. On ne peut pas savoir si Mme de Villemonble, qui était âgée de 68 ans au moment de son décès, a pu être une cliente de la pharmacie.