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La rue Saint-Sauveur depuis la rue Saint-Denis, vue en direction de l'ouest |
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La rue Saint-Sauveur depuis son extrémité ouest, vue en direction de l'est |
Cette rue porte ce nom en raison d'une église, qui était située à l'angle de la rue Saint-Denis et de la rue Saint-Sauveur (côté pair de la rue). Une première chapelle avait été édifiée au tout début du XIVe siècle, dans les années 1310. Il faut se rappeler, qu'à l'époque, cet espace se trouvait hors de Paris puisqu'il est au nord de l'enceinte de Philippe Auguste, construite au XIIe siècle. Le lieu de culte s'est retrouvé à l'intérieur des limites Paris après la construction de l'enceinte de Charles V, entre 1356 et 1383. Le nom de rue Saint-Sauveur apparaît pour la première fois en 1385. Elle était donc située dans l"espace urbain compris entre les deux enceintes (l'enceinte de Philippe Auguste disparaîtra dans les années 1530, celle de Charles V dans les années 1670) :
L'église Saint-Sauveur se trouvait rue Saint-Denis dans un rectangle qui longeait le côté pair de l'actuel rue Saint-Sauveur. Elle avait été reconstruite au début du XVIe siècle. On peut observer l'aspect qu'elle avait sur différents plans de Paris. Tout d'abord, sur le plan dit de Bâle (des années 1550), on voit qu'elle comportait une tour-clocher à l'angle des rues Saint-Denis et Saint-Sauveur :On se rend compte que l'église avait -contrairement à ce que j'ai pu lire sur certains sites- un portail côté ouest et que pour y accéder on longeait l'église sur son côté nord :On observe le même aspect sur le plan Mérian de 1614 :
Il existe aussi des gravures du milieu du XVIIe siècle qui montrent la façade est de l'église, celle qui donnait sur la rue Saint-Denis. Au chevet, la façade rectiligne comprenait une entrée par le fond de l'église :
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L'église Saint-Sauver en 1655 par Martin Zeiller |
Le plan Jaillot de 1713 permet d'avoir un aperçu du plan de l'église Saint-Sauveur :
Le panneau informatif situé au niveau du 6, rue Saint-Sauveur, évoque un ajout qui date justement de 1713 :
Une chapelle de la Vierge, datant de 1713, aurait donc été décorée par Blondel. Hélas le panneau ne précise pas de quel Blondel il s'agit. François Blondel, qui a donné son nom à la rue Blondel, et qui a dessiné la porte Saint-Denis située tout près de là, était mort en 1686. Peut-être en avait-il dessiné les plans ? Quant à Le Moyne, il s'agit certainement François le Moyne (né en 1686) et qui a obtenu le prix de Rome en 1711. Et pour "Coypel", il peut s'agit d'Antoine ou Noël Coypel. Quoiqu'il en soit, il semble que les artistes de grand renom de l'époque - qui ont travaillé pour Louis ont participé à la décoration de cette chapelle, même si je n'ai pas trouvé d'informations complémentaires à son sujet.
On retrouve l'église Saint-Sauveur sur le plan Turgot des années 1730 :
La paroisse de l'église Saint-Sauveur s'étendait entre la rue Montorgueil et la rue Saint-Denis avec comme limite nord l'actuelle rue d'Aboukir et au sud la rue Tiquetonne. On le voit sur un plan dressé en 1786 :A cette époque, l'église était cependant en grande partie... détruite. En effet, elle avait été démolie - y compris la tour clocher - de 1778 à 1785 dans le but de la remplacer par une église dans le style néo-classiquesur des plans datant de 1778/1782 de Bernard Poyet (1742-1824) [Architecte à qui l'on doit la façade de l'Assemblée Nationale côté Seine] :
L'orientation de l'église était inversée puisque le porche d'entrée donnait désormais sur la rue Saint-Denis. L'église devait être dégagée du reste du pâté de maisons. On peut observer la nouvelle disposition de l'église - certainement pas encore achevée - sur le plan Verniquet de 1790 .Une "place Saint-Sauveur" était apparaît autour de l'édifice :
Cependant, en raison de la Révolution française, les travaux ne furent jamais achevés et, ce qui avait déjà été construit, fut détruit en 1797.
Ce que devint, par la suite, cet espace n'est pas clair. Sur le plan cadastre Vasserot, qui date du début du XIXe siècle, on voit que mis à part la partie donnant sur la rue Saint-Denis et l'angle avec la rue Saint-Sauveur, on peut observer un vaste espace vide :
Cependant, sur un plan de 1838, le plan Jacoubet, une construction nouvelle apparaît : les "Bains Saint-Sauveur" :On peut trouver des informations intéressantes sur ces bains. Tout d'abord, une représentation des bains figure parmi les vues des endroits célèbres de Paris gravés par un dénommé Dorgès (ou Dorgez) :
Un ouvrage passionnant permet d'avoir une idée de l'ambiance dans ces bains. Il a été publié en 1822 par Victor Cursin et a pour titre "Les bains de Paris et des quatre parties du monde". Les bains Saint-Sauveur font l'objet des pages 174 à 179 du tome 1. Voici ce qu'écrit Victor Cursin en 1822 : "La rue Saint-Denis [...] s'enorgueillit aussi de ses bains. Ceux dits Saint-Sauveur s'annoncent par une superbe façade, une entrée majestueuse, un petit jardin animé de son jet d'eau, voire même d'un croquis de cascade, de quelques statues et d'une horloge au milieu du premier étage". L'auteur laisse entendre que le lieu était très fréquenté à la fois pour des questions d'hygiène et de bien être "Les bonnes bourgeoises de la rue Saint-Denis ne se seraient jamais doutées qu' un jour ce petit temple d'Epidaure s’élèverait parmi elles pour le double avantage de leurs attraits et de leur santé". "Tout le beau monde des rues Grand-Hurleur, Thévenot, Quincampoix, Tuanderie accourt en foule [aux bains Saint-Sauveur]." Le texte laisse entendre que le lieu était aussi propice aux plaisirs charnels : "On assure qu'on a composé, dans le quartier, des strophes [...] et que le soir, dans la belle saison, toutes les petites lingères, modistes, fleuristes, grisettes, prêtresses de Momus*, des rues adjacentes aux bains Saint-Sauveur viennent également y chanter en chœur : Virginité où fuyez-vous après m'avoir quitté ?. La foule assure-t-on est considérable. On trouve dans ces bains des cosmétiques précieux pour la peau, [...] dont les effets miraculeux, entre mille autres, sont de reproduire au naturel, tous les prestiges d'une complète innocence [...]. Ne nous étonnons donc plus si nous voyons dans le marché aux fleurs, près de la rue Saint-Denis, tant de couronnes virginales".
J'ai trouvé une affiche faisans la publicité des bains Saint-Sauveur mais qui ne semble pas évoquer la moindre licence des mœurs :
Je n'ai pas réussi à savoir quand ont disparu les bains Saint-Sauveur.Quand on regarde les façades des 2, 2bis, 4, 4bis et 6 rue Saint-Sauveur, on est face à ce qui correspondait à la partie sud de l'église avant la fin du XVIIIe siècle.
Au 6 rue Saint-Sauveur, on trouve un club de sport. Dans la cour, on peut observer les restes d'une façade, peut-être d'un établissement industriel, qui s'est installé là par la suite :
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Au 2 bis de la rue Saint-Sauveur, sur la façade, une Vierge à l'Enfant est placée au 1er étage entre deux fenêtres.
Peut-être une façon d'évoquer le saint sauveur, c'est-à-dire Jésus :Quant on contourne l'angle, on arrive au 186, rue Saint-Denis, à ce qui correspondait à la partie arrière de l'église (ou la façade principale dans la réorganisation prévue dans les années 1780 :
En passant, le porche, au fond de la cour, on peut admirer une très belle façade dans le goût néo-classique, Le thème de Neptune (avec des tridents) est quand à lui peut-être une évocation des bains Saint-Sauveur et donc un vestige de cet établissement :
La rue Saint-Sauveur possède de très belles constructions anciennes dont je reparlerai dans de futurs articles.
* (Momus : dieu romain de l'ironie et du sarcasme, fils du Sommeil et de la nuit)