Il a été annoncé que très bientôt il sera possible de se baigner dans la Seine. Or, j'ai découvert dans le tome 9 de l'ouvrage "Paris qui disparait" écrit en 1937 par Georges Lenotre et publié aux éditions Grasset un chapitre très intéressant intitulé "Bains froids" (pages 24 à 30).
On y découvre que les Parisiennes et les Parisiens avaient l'habitude de se baigner dans le plus simple appareil entre Pâques (mois d'Avril) et la Saint Martin (novembre).
Une ordonnance du Châtelet de 1400 évoque les problèmes de sécurité posés par les baignades dans la Seine, les "Dommages irréparables et grands inconvénients parce que plusieurs d'icelles créataures se sont noyées en icelle rivière, qui est chose très pitéable". Il était par conséquent interdit de se hasarder "en lieu périlleux, herbeux ou profond".
Une anecdote relative au règne de Charles IX rapportée par Pierre Lancre (1553-1631) dans un livre intitulé Tableau de l'inconstance de toutes choses où il est montré qu'en Dieu seul git la vraie constance à laquelle l'home doit viser" est assez éclairante sur ce qui semblait possible dans le Paris du XVIe siècle : "Le roi Charles IX s'allant un jour promener aux Tuileries, voyant une femme, quoique belle en perfection, toute nue, passer la rivière à la nage depuis le Louvre jusqu'au faubourg Saint-Germain, il s'arrêta pour la voir. Mais pendant qu'il était attaché par les yeux, comme le reste de sa cour, elle, avec un plongeon, se déroba de sa vue, et étant revenue sur l'eau et puis ressortie en terre aussi vite que l'éclair, elle commença à tordre ses cheveux... puis elle se retira, emportant quant à soi les yeux et les coeurs de de tout le monde".
Une habitude se développa dans Paris "On installait, là, pour la belle saison, une toile formant paravent de quatre piquets, et l'on pouvait patauger à l'abri des regards indiscrets. Bientôt ces baignoires estivales établies, comme bien on pense, sans nulle permission, et sans aucun souci des besoins de navigation, encombrèrent si bien les berges, que les bateaux n'y pouvaient plus aborder".
Une solution fut trouvée. Le bureau de la Ville de Paris contracta un accord avec les époux Villain le 26 janvier 1688. Ils reçurent le privilège, moyennant un loyer de trente livres par an, du droit exclusif d'établir des bains depuis le Cours de la Reine (à l'ouest de l'actuelle place de la Concorde) jusqu'au pont Marie.
Cela provoqua une migration des baigneurs vers le petit bras de la Seine entre l'île de la Cité et la rive Gauche, y compris parmi les souillures rejetées par l'Hôtel-Dieu (qui à cette époque était situé de part et d'autre de la rive). La baignade fut interdite à cet endroit mais les baigneurs se réfugièrent à la pointe du Pont Neuf. Il semble qu'il était très fréquent de se baigner nus à cet endroit. A une date qui n'est pas précisée le Prévôt des Marchands décida que les administrés surpris à se baigner nus seraient conduits en chemise à travers les rues et fouettés de verges à l'endroit même où le scandale avait été commis.
Une seule condamnation est connue, celle du 24 juillet 1736 qui visaient des baigneurs récalcitrants qui s'étaient montrés complètement nus aux blanchisseuses bateaux lavoirs mais elle s'explique par le fait que les coupables avaient de plus commis des violences dans une sombre histoire de règlement de compte.
Ce n'est qu'avec Napoléon Bonaparte et pendant le Consulat que la baignade nue dans la Seine fut interdite. Le préfet de police de Paris fut chargé du contrôle des baignades dans la Seine par l'arrêté du XII Messidor an VIII. Cette interdiction fut confirmée par des arrêtés de 1858 et de 1872.
Le contrôle des baignades par le Préfet de Police a été rappelé par l'arrêté du 6 juillet 2022 autorisant la baignade dans le bassin de la Villette du 9 juillet au 21 août 2022.
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