Rue de l'Arsenal (Paris 4e) sur le mur qui longe cette rue côté impair et à la hauteur de la rue Bassompierre, on peu voir une plaque assez anodine. Elle concerne pourtant une invention qui a changé le cours de l'Histoire mondiale.
On peut y lire "Ici se trouvait au XIXe siècle le DÉPÔT CENTRAL DES POUDRES ET SALPÊTRES où Paul VIEILLE, ingénieur des Poudres, inventa en 1884 la poudre à canon moderne nommée la poudre B".
Cela m'a conduit à ma demander de quoi il s'agit.
La poudre B est le nom donné à la "poudre sans fumée". Une découverte révolutionnaire qui était recherchée depuis le milieu du XIXe siècle par tous les ingénieurs militaires. L'intérêt était que contrairement à la poudre traditionnelle, la "poudre noire", elle ne produit pas de fumée ce qui limite l'encrassage des canons et améliore la visibilité du tir (puisque le canon ne dégage pas de fumée), de plus elle est six fois plus puissante.
L'ingénieur qui mit au point cette découverte s'appelait Paul Vieille (né dans le 11e arrondissement de Paris le 2 septembre 1854 et mort à Paris le 14 janvier 1934).
Il était ingénieur comme cela est indiqué sur la plaque au dépôt central des poudres et salpêtres. Voici la localisation de ce dépôt sur un plan Godet de 1825 :
Cette poudre fut d'abord appelée la "poudre V" (du nom de Paul Vieille) mais elle prit rapidement le nom de "poudre B" soit par référence la poudre blanche (par opposition à la poudre noire), soit -plus vraisemblablement -car le ministre de la Guerre de janvier 1886 à mai 1887 avait pour nom Boulanger, le fameux général Boulanger qui à la fin des années 1880 fut sur le point de renverser la République en s'appuyant sur la popularité dans la population. C'est pendant son ministère que fut mis au point, en 1886, le fusil Lebel qui équipa l'armée française à partir de 1887. Le premier fusil a utilisé la poudre B. De même l'invention servit pour le canon de 75 grâce auquel l'artillerie française eut un atout décisif.
Canon de 75, modèle 1897, fabriqué à Bourges en 1918 (Musée des Invalides) |
Cette découverte explique peut-être la paranoïa de l'espionnage du haut État-major français qui voulait garder précieusement le secret de cette découverte. Une ambiance de suspicion qui conduisit peut-être en 1894 au déclenchement de l'affaire Dreyfus. En effet, le secret de la poudre B fut très vite éventé. Dès la fin des années 1880, les autres grandes puissance mirent au point des poudres sans fumée (Alfred Nobel créa une nouvelle version en 1887).
La poudre B révolutionna l'art de la guerre. Désormais, les champs de batailles n'étaient plus embrumés par la fumée des armes à feu. Il n'était plus nécessaire d'avoir des uniformes très colorés pour pouvoir repérer les soldats de son camp lors des batailles mais au contraire, la visibilité restait très bonne.
Uniforme de l'armée française en août 1914 |
Un changement de guerre radical que les états majors mettront plusieurs mois à comprendre pendant la Première Guerre mondiale. Ce n'est qu'à partir de 1915 que l'armée française abandonna l'uniforme bleu et rouge pour le remplacer par un bleu horizon beaucoup moins repérable de loin.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire