Sur le panneau informatif situé devant le 26, on peut lire :" Hôtel de Sandreville. Sous cette appellation, il convient de distinguer deux hôtels d'époques fort différentes. Le premier a été bâti, vers 1586, en fond de cour pour Claude Mortier, sieur de Soisy, notaire et secrétaire du roi. La façade sur jardin, restaurée, est la plus belle, et donne un bon exemple de l'architecture privée à Paris à la fin du XVIe siècle. Le nom de Sandreville vient d'un éphémère propriétaire au temps de Louis XIII". Je me suis demandé qui était ce mystérieux propriétaire éphémère appelé Sandreville qui avait donné son nom à cet hôtel particulier.
Cela m'a conduit à me replonger dans l'histoire de cette demeure. Elle a fait l'objet d'articles d'un des meilleurs historiens de Paris, Jean-Pierre Babelon (1931-2024). Voici ce qu'il écrivit dans un article intitulé "Histoire de l'architecture au XVIIe siècle", page 684 du volume de 1975, de l'Annuaire de l'école pratique des hautes études :
On apprend ainsi que le 26, rue des Francs Bourgeois ne représente qu'une petite partie de l'Hôtel construit initialement pour Claude Mortier.Cela explique la rupture qui semble assez brutale de la façade à l'intérieur de la cour :
et le mur aveugle en trompe l’œil que l'on voit dans la partie Est de la cour :
Un document très éclairant est conservé par les Archives de la Ville de Paris. Le partage opéré en 1604 entre deux sœurs du Mortier, la partie Ouest, l'actuel 26, revenant à Marie du Mortier :La façade que l'on peut voir à gauche en rentrant dans la cour date de cette époque :
C'est celle que j'ai entourée en jaune sur le plan ci-dessous :Jean-Pierre Babelon dans un autre article, "Trois hôtels du Marais, à Paris datant du règne de Henri III" ,dans le Bulletin monumental de l'année 1977, a décrit de manière détaillée à quoi devait ressembler la superbe demeure de Claude Mortier avant le partage de 1604 :
Voici les passages que j'ai soulignés dans le texte "c'est par l'imagination qu'il faut restituer le vaste volume de cette cour, dont le bâtiment sur rue et les ailes étaient décorés d'arcades à la mouluration subtile : l'archivolte à bandeau et réglet chargée de voussoires passants en bossages, qui donnent lieu d'une arcade à l'autre, à de curieuses imbrications en défoncé. [...] Cette grande demeure, d'une taille qui excédait celle de l'hôtel Carnavalet, n'avait pas échappé à l'admiration du public."Les dimensions de l'hôtel construits par Claude Mortier étaient ainsi impressionnantes. Pour s'en rendre compte, j'ai entouré en jaune l'espace que cela représentait sur un plan Turgot des années 1730, donc bien plus tard, et après le démembrement de 1604 avec l'espace compris entre la rue des Francs-Bourgeois (au sud), la rue Barbette (au nord) et la rue des Trois-Pavillons, actuelle rue Elzévir (à l'Est) :
Sur un plan du cadastre Vasserot du début du XIXe sicle, on peut avoir un aperçu de l'espace que représentait initialement cet hôtel. J'en entouré en rouge l'actuel 26, rue des Francs-Bourgeois et en vert ce qui devait correspondre initialement à la parcelle de Claude Mortier à la fin du XVIe siècle :
L'important, pour en revenir au nom de cet hôtel particulier, est qu'initialement, il a été construit par Claude Mortier. Celui-ci est partout désigné comme notaire et secrétaire du roi (donc Henri III en 1585) et sieur de Soisy. Cependant, on trouve d'autres mentions de Claude Mortier, aussi, en tant que seigneur du Fresnes. On peut lire une page très intéressante sur le site de l'Association de l'Histoire cachée de Villeconin et de sa Vallée. On y apprend que Claude Mortier, seigneur du Fresnes a acheté 13 arpent de terres en 1584.
Cela m'a conduit à me pencher sur une carte Cassini du XVIIIe siècle pour localiser Villeconin et le lieu dit "le Fresnes" ou le Fresne, ce qui conduit dans un espace compris entre Dourdan et Etampes à une cinquantaine de kilomètres au sud de Paris
On y comprend que Marie Mortier, la fille de Claude Mortier, était avec son frère aîné Josias, héritière de la seigneurie du Fresnes. Elle était épouse de Pierre Le Berche., conseiller du roi et grand maître des eaux et forêts. Mais d'après ces informations, elle était déjà veuve en 1610 (donc peu de temps après le partage de l'hôtel de la rue des Francs Bourgeois) mais elle avait eu trois fils, Jacques, Alphonse et Claude Le Berche. Mais, en 1633, Jacques Le Berche est mentionné comme seigneur du Fresnes et de Saudreville. Il s'agit ainsi de la seigneurie située au nord du Fresnes.
Tout laisse donc à penser qu'avant la vente en 1638 à Guillaume Cornuel (voir mon article précédent), la famille qui possédait l'Hôtel de la rue des Francs Bourgeois n'a pas changé depuis Claude Mortier. Il s'agit de ces petits-fils qui en plus de la seigneurie du Fresnes, ont aussi été seigneurs de Saudrevrille. Plusieurs sources mentionnent Alphonse, qui était donc un des trois frères. L'Hôtel de Sandrevrille devrait s'appeler l'hôtel de Saudreville. De plus contrairement à ce qu'affirme le panneau d'information ce n'est pas un "éphémère propriétaire" qui a donné son nom à l'Hôtel :




 




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