dimanche 11 avril 2021

MMCCLXXXI : Les façades de Paris Centre : Au 100 rue de Richelieu, une façade avec un "J" qui était le siège du journal "Le Journal" et qui date de 1910.


 Depuis quelques années, le "J" que l'on trouve en tête de cet article m'interpelle et l'écriture de cet article -après une petite investigation- m'a permis enfin de connaître son origine.

En effet, au 100 rue de Richelieu (Paris 2e), on peut voir une façade un peu surprenante avec un balcon perdu au 3e étage :

Le J qui ouvre cet article est situé au centre entre le 2e et le 3e étage :


A la même hauteur, au dessus de chaque fenêtre, on peut aussi voir d'élégants bas-reliefs dans des cartouchesde gauche à droite :

- tout à gauche, une représentation de l'Industrie :

 
puis les arts :

puis à droite du "J" le commerce et la marine :

puis ce qui semble être une évocation de la géographie et des explorations:
Entre les fenêtres du 2e et du 3e étage, de part et d'autre du balcon un élégant motif de guirlande en draperie est répété à quatre reprises :

Restait donc à savoir de quand datait cette façade et qui l'avait fait construire.

J'ai assez rapidement trouvé un information très intéressante sur le site "Terre des écrivains". On peut y lire qu'au 100 rue Richelieu on trouvait le siège du Journal appelé... "Le Journal" et que juste avant la Première Guerre mondiale, c'était un quotidien à grand tirage (1 millions d'exemplaires) qui rivalisait avec Le Matin, Le Petit Journal et Le Petit Parisien

J'ai en effet, retrouvé un exemplaire du 3 août 1914. L'adresse qui apparaît est bien celle du 100 rue Richelieu :


 J'ai donc ainsi eu l'information concernant l'origine du J. Il s'agissait du J de "Le Journal"

Cependant, je souhaitais savoir de quand datait la façade. 

Or sur le site Terre des écrivains, il était écrit que le Journal avait été fondé en septembre 1892. Un complément d'information m'a permis d'apprendre que le fondateur s'appelait Fernand Xau (1852-1899), un personnage haut en couleur qui avait été l'impresario de Buffalo Bill lors de sa tournée en France.

Or, en faisant une recherche, j'ai trouvé une publicité pour le lancement de ce journal :

Un élément m'a interpelé : l'adresse indiquée : ce n'était pas le 100 mais le 106 qui était indiqué :

J'ai donc été conduit à aller regarder de près les archives de ce journal. Lors du lancement du Journal, le 28 septembre 1892,c'est en effet le 106 rue de Richelieu qui apparaît :

Et en continuant à compulser les archives, on voit que l'adresse du 106 rue de Richelieu est mentionné jusqu'au 14 octobre 1896 :

mais le lendemain, le 6 est en partie amputé pour devenir un 100 :

et cette curieuse typographie est utilisée pendant deux semaines jusqu'au 28 octobre 1896 :

On peut donc en conclure que "Le Journal' a déménagé du 106 au 100 rue Richelieu en Octobre 1896. La distance entre les deux bâtiments était évidemment assez réduite comme on le voit sur cette photo :

Voici une photographie de la façade du 106 rue de Richelieu où le Journal a donc eu son siège de septembre 1892 à octobre 1896 :

On aurait dès lors pu penser que la façade du 100 rue de Richelieu a été construire lors de ce déménagement... mais tel n'est pas le cas. En effet, j'ai aussi retrouvé un autre document : cette carte postale distribuée par Le Journal :

On reconnaît les grandes lignes de la façade actuelle du 100 rue de Richelieu mais on voit qu'elle avait un aspect différent :

Grâce à un site qui recense tous les permis de construire entre 1879 et 1939, je pense avoir retrouvé la date de cette façade : en effet un permis de construire a été déposé le 26 avril 1910 par "Le  Journal" pour permettre une surélévation de deux étages (avec comme cabinet d'architecte Wybo donc l'adresse était au 19 rue des Martyrs dans le 9e).

Le Journal a eu son heure de gloire dans les premières décennies du XXe siècle. Il a connu un long déclin pendant l'Entre-deux-Guerres et comme d'autres organismes de presse a été suspendu en 1944 en raison de faits de Collaboration. Le Journal avait dès les années 1930 été un relai de courants favorables aux régimes autoritaires (avec par exemple en 1937 une interview d'Adolf Hitler).

Cependant, à son apogée, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, Le Journal a été une référence. C'est par exemple dans ce quotidien qu'est paru en épisode mon roman préféré d’Émile Zola : "Paris" 

Le "J" du 100 rue de Richelieu est donc l'initiale du journal "Le Journal" fondé en 1892, installé à cette adresse en 1896 et la façade date donc selon toute vraisemblance de 1910.

On trouvait dans ce quartier à la même époque, les rédactions de nombreux autres journaux (par exemple "La France" dont la façade date de 1883 (voir mon article du 14 juillet 2020).

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