samedi 22 avril 2023

MMDLXVII : Un monument de Paris Centre en l'honneur de la guerre de Crimée

Au centre du square Emile Chautemps, situé dans le 3e arrondissement, entre Conservatoire National des Arts et Métiers et le boulevard Sébastopol, on peut voir ce monument qui est un peu oublié avec ce socle surmonté d'une colonne. Il est intéressant de le regarder de près car sur son socle on peut voir des noms en rapport avec un espace géographique qui aujourd'hui est un "point chaud" de l'actualité :

Les noms de quatre lieux et les dates qui correspondent sont indiqués avec dans l'ordre chronologique :

- 1854, Alma, 20 septembre (face Sud)

-1854, Inkerman, 5 novembre (face Est)

-1855, Tchernaia, 16 août (face Nord) :

 
- 1855, Sébastopol, 8 Septembre (face Ouest) :

Cette dernière date permet de comprendre que ce monument est en rapport avec le boulevard qui le longe à l'Ouest, le boulevard Sébastopol et de comprendre qu'il s'agit d'une évocation de la guerre de Crimée de 1854-1855 dans laquelle la France, alliée avec l'Empire Ottoman, le Royaume Uni et le royaume de Sardaigne combattait l'Empire de Russie.

Cela m'a donné envie de me replonger dans mon vieux Malet et Grillet consacré au XIXe siècle pour bien localiser les lieux évoquer sur ce monument. Voici tout d'abord une carte de la Crimée avec la localisation de Sébastopol, où on trouvait une importante base de la flotte russe :


 Voici ce qu'on peut y lire :

"La guerre dura deux ans (mars 1854-mars 1856). [...]. Du 16 au 19 septembre 1854, à Eupatoria 21 000 Anglais, 30 000 Français, 6 000 Turcs, soit 57 000 hommes, plusieurs milliers de chevaux ; 126 canons de campagne, 125 pièces de ligne, [...]. C'était le prélude au siège le plus prodigieux de l'histoire. Il dura onze mois (9 octobre 1854- 8 septembre 1855)., coûta la vie de 200 000 hommes aux Russes qui déployèrent les plus rares vertus militaires, plus de 100 000 aux Alliés, - 22 000 Anglais, 80 000 Français- dont plus de 13 000 tués au feu, et près de 90 000 morts du typhus ou victimes de l'Hiver russe".

A propos de la bataille de l'Alma voici ce qu'on peut lire :

" A peine débarqués, les Alliés trouvèrent devant eux, leur barrant l'accès du plateau du Chéronèse où s'élève Sébastopol; 40 000 Russes, que Menchikof, leur commandant, avait établis sur une ligne des hauteurs couvertes par la rivière de l'Alma. L'audace des Zouaves du général Bousquet, qui après avoir franchi la rivière à son embouchure, escaladèrent à l'extrémité gauche ennemie des escarpements jugés par les Russes inaccessibles, donna la victoire aux alliés et leur ouvrit la route de Sébastopol (20 septembre)".

J'ai inséré sur le plan ci-dessous un "1" pour indiquer le lieu de débarquement (Eupatoria), un "2" pour la localisation de l'embouchure de la rivière Alma où a eu lieu la bataille du 20 septembre 1854 et un "3" pour la localisation de Sébastopol.

La date suivante, la bataille d'Inkermann du 5 novembre 1854 concerne une tentative russe d'attaquer les positions alliées sur un plateau situé juste à l'Est de Sébastopol mais ce solda par un échec :

"A Inkerman [...], l'armée anglaise surprise à l'aube, dans le brouillard, par les Russes montant des ravins, eut été écrasée si son héroïque ténacité n'eut été facilité par l'entrée en ligne des français, qui a onze heures, rejetèrent l'armée russe en bas des crêtes, elle avait perdu 12 000 hommes sur les 36 000 engagés".

Voici sur la carte ci-dessous la localisation de ce plateau. Il est entouré et représenté par un "4" :

Le 3e lieu mentionné sur ce socle "Tchernaia" est le moins connu. La bataille est en effet aussi appelée celle du pont de Traktir". Il s'agit d'un point de passage sur la rivière Tchernaïa. Le voici représenté sur la carte ci-dessous. Le "4" indique à nouveau le plateau d'Inkermann et le 5 le pont de Traktir :

Voici une gravure qui montre l'aspect qu'avait ce pont sur la rivière Tchernaia :

Lors de cette bataille, les troupes russes menées par le Prince Gortchakov essayèrent de prendre les positions tenues par l'armée franco-sarde dirigée le général Pélissier. Malgré leur bravoure, les soldats russes furent repoussés. La Russie perdit plus de 3000 soldats et les alliées environ 1250.

La bataille décisive eut lieu en septembre pour la prise du fort de Malakoff qui dominait la rade de Sébastopol "Le samedi 8 septembre, après trois de "bombardement infernal", 800 pièces ayant dans la dernière journée lancé 70 000 projectiles sur la place, à midi, l'assaut fut donné à toutes les défenses par 50 000 hommes. Il fut partout repoussé et les Anglais subirent des pertes terribles au Grand Redan. Mais Malakoff fut en vingt-cinq minutes enlevé par la division de Mac-Mahon. Les retours offensifs des Russes, renouvelés désespérément pendant quatre heures, ne parvinrent pas à l'en déloger. Malakoff prit, Sébastopol ne pouvait se défendre; les Russes l'évacuèrent dans la nuit, après avoir fait sauter les bastions et incendié tous les navires de la rade. Cette dernière journée leur coûtait 13 000 hommes; elle en coûtait 10 000 aux Alliés".

Voici sur la carte ci-dessous, indiqué par le "6" la localisation du fort de Malakoff :


 On peut aussi voir sa localisation sur la gravure ci-dessous :


Le tsar Nicolas Ier qui était considéré comme responsable de ce conflit en raison de son attitude agressive envers l'Empire Ottoman était mort le 2 mars 1855 (déprimé dit-on par les défaites). Son fils et successeur Alexandre II demanda la paix. Un congrès fut organisé à Paris du 15 février au 30 mars 1856. Le traité de Paris permit de neutraliser la Mer noire.

En 1856, l'armée française victorieuse défila à Paris comme le montre cette gravure d'après une aquarelle d'Hippolyte Bellangé :

Le monument comporte une colonne : 

Elle était surmontée jusqu'en 1942 par une statue représentant la Victoire, une oeuvre de Gustave Crauk qui a été fondue pour l'effort de guerre de l'Allemagne lorsqu'elle occupait la France.

Le square avait été inauguré en 1858.

1 commentaire:

  1. Merci à vous pour cet exposé passionnant sur cette guerre de Crimée si mal connue qui se déroula sur un territoire aujourd’hui, malheureusement, plus familier.

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