samedi 28 juin 2025

MMDCCCXV : Les ponts de Paris Centre : sur les traces d'un pont disparu : le pont de l'estacade

  

Au musée des Beaux-Arts d'Angers, mon attention a été retenue par ce tableau de Johann-Barthold Jongkind. Ce peintre hollandais du XIXe siècle, qui a été un précurseur du mouvement impressionniste, a beaucoup peint Paris. J'ai consacré un article au tableau de 1851 représentant le pont Marie et exposé à la Kunsthalle de Hambourg (voir article du 27 septembre 2010).

Le tableau du musée des Beaux-Arts d'Angers représente un pont parisien dont je n'avais jamais entendu parler. Le cartel indique en effet qu'il s'agit "d'une vue de Paris, la Seine, l'estacade" et il est précisé que "le pont de l'estacade reliait le quai Henri IV à l'île Saint-Louis. Dans ce paysage urbain, Jongkind s'intéresse au monde du travail qui anime le quartier et le fleuve. Il préfère peindre les pêcheurs, les mariniers et l'industrie naissante plutôt que les beaux quartiers de la capitale". On y apprend aussi que le tableau a été peint en 1853 et aussitôt acquis par l’État pour être envoyé au musée des Beaux-Arts d'Angers..

Le pont de l'estacade occupe une grande partie de la composition :

Comme on le voit, il s'agissait d'une passerelle en bois. Elle était située - comme cela est indiqué -  entre l'extrémité Est de l'Île Saint-Louis et le quai Henri IV :

A l'arrière-plan du tableau de Jongkind,on peut voir la silhouette des tours de Notre-Dame vues depuis le chevet ce qui permet de mieux se repérer :

On peut observer aujourd'hui la cathédrale sous le même angle en se plaçant sur le quai Henri IV. Cela permet de comparer une vue actuelle avec celle que l'on avait au milieu du XIXe siècle :

On observe qu'au moment où Jongking a peint son tableau la flèche dessinée par Viollet-le-Duc n'était pas encore en place. En 2025, après l'incendie de 2019, et sa reconstruction à l'identique, on peut parfaitement la voir depuis ce point de vue :

Des recherches m'ont appris que l'estacade avait été construite vers 1770. Elle était située entre l'île Saint-Louis à l'île Louvier, où était stocké le bois qui chauffait Paris. [Cette île a été rattachée à la rive droite dans les années 1840 (voir article du 29 avril 2012)]. L'estacade avait d'abord été construite dans le but d' arrêter les blocs de glace au moment de la fin de l'hiver afin de protéger les péniches et les ponts en aval (notamment le pont Marie).

Cette estacade apparaît sur le plan Vernquet de 1790 :

 Comme on peut le voir sur cette estampe d'Antoine-Louis Goblain, cette estacade n'était pas franchissable à pied :


L'estacade a été recontruite en 1818. Elle est alors devenue aussi une passerelle pour les piétons. On voit sur le tableau de Jongkind qu'elle était équipée de parapets et de lampadaires - certainement à gaz - :


 Sur un plan de 1840, on voit bien l'emplacement de l'estacade :


 On la voit sur cette photographie des années 1890 prise par Hippolyte Blancard depuis la rive gauche :

On la voit aussi sur cette peinture d'Eugène Louis Gillot qui date de vers 1900 :

Cette vue d'artiste de 1899 montre que l'estacade occupait un emplacement assez curieux juste en avant du pont de Sully construit dans les années 1875-1876 (voir article du 5 février 2010

Une carte postale du début du XXe siècle montre son aspect quand on l'observait en direction du Nord-Est depuis l'île Saint-Louis :

On voit mieux sur cette vue qu'elle formait un angle, ce qui permet de mieux comprendre le tableau de Jongkind :

 La passerelle en bois a été emportée par la crue de 1910. Elle a été reconstruite en dur en 1913, mais finalement l'ensemble de l'édifice a été détruit en 1932. Il n'en reste rien même à part, à la point de l'île Saint-Louis, ce qui correspond à l’extrémité de cette passerelle :


Pour donner de la vie à son tableau - et donner une impression de grand réalisme - le peintre hollandais a représenté  - comme cela est signalé dans le cartel -  un grand nombre de personnages. Outre les piétons qui déambulent sur le pont, on peut voir de nombreux pêcheurs :

 

En ce qui concerne la navigation fluviale, on peut observer différents bateaux à vapeur :

Ce grand réalisme ne laisse cependant pas présager une surprise étonnante... D'après les plans des années 1840, un autre pont devrait apparaître dans la partie gauche du tableau : le pont de Constantine :

Ce pont, qui était à l'emplacement de la partie Sud de l'actuel pont de Sully, avait été construit en 1836/1837. Il devrait normalement se situé à cet emplacement de la composition :

Dans un premier temps, j'ai supposé que ce pont avait été détruit en 1848. En effet, lors de la révolution de février, le 24, les Parisiens se sont attaqués aux ponts à péage qui avaient été construits par le roi Louis-Philippe. Au moins un pont, le pont de Damiette, situé entre l'île Saint-Louis et la rive droite, a été incendié et détruit. J'ai supposé qu'il en avait été de même pour le pont de Constantine.

Cependant, j'ai,  par hasard, fait une découverte sur le site du Metropolitan de New York : celui-ci possède l'esquisse préparatoire faite par Jongkind pour ce tableau :

On peut voir dans la partie gauche, le pont de Constantine, un pont suspendu. L'esquisse est datée de 1852. Il semble que Jongkind a fait le choix de simplifier la composition de son tableau et de supprimer le pont :

La partie gauche du tableau - où se trouve l'estacade - est réaliste mais la partie droite est beaucoup plus une œuvre liée à l'imagination de l'artiste. La passerelle de Constantine s'est effondrée en 1872 et a été remplacée par le pont de Sully.

mardi 24 juin 2025

MMDCCCXIV : Les anges de Paris Centre : deux anges du 44 rue Meslay tournés vers les lieux de naissance de deux grands personnages.

Voici un nouvel article de la série consacrée aux anges de Paris Centre. Une série que j'ai commencé depuis 2008. Les deux anges que l'on peut voir en tête de cet article ornent le linteau du 44 rue Meslay :


 Le décor à rinceau du portail montre ce renouveau du goût pour la Renaissance de la première moitié du XIXe siècle ce qui conduit à penser que cet immeuble a été construit autour des années 1830. 

Les reste de la façade est plutôt sobre, avec juste un bossage continu au 1er étage, et pour les autres étages un simple bandeau,  ce qui laisse penser qu'il s'agissait d'un immeuble de rapport destiné à la location : 


 


Il est cependant amusant que ces anges sont tournés l'un et l'autre vers des immeubles où sont nés des personnages célèbres. A droite au n°42 est né, vers 1715, le sculpteur Jean-Baptiste Pigalle (voir article du 20 novembre 2020). A gauche, au n°46, le 1er juillet 1804, est née la romancière George Sand.


 

 

vendredi 20 juin 2025

MMDCCCXIII : Les façades de Paris Centre : au 9 rue de Turbigo et au 21 rue Etienne Marcel, deux façaces typiquement haussmaniennes

 

Au 9 rue de Turbigo (Paris 1er), on trouve un des nombreux immeubles caractéristiques du style haussmannien. En effet, il date de l'époque où cette rue a été percée entre les Halles et le Square du Temple dans les années 1860. L'immeuble lui-même date de 1867 et est signé Louis Bernard :

La façade - selon le schéma haussmannien traditionnel - comporte une enfilade de balcons au 2e et au 5e étages :

 Le portail est situé à droite de la façade avec un décor élégant qui reste assez sobre :


 Du 2e au 5e étage, on peut voir une ornementation plus recherchée avec des pilastres cannelés à chapiteaux et des mascarons :


 Les mascarons situés sous les balcons du 3e étage représentent tous des personnages féminins :


 Les consoles - qui soutiennent les balcons - sont très élégantes :

Cet immeuble est un des nombreux exemples du style inspiré de la Renaissance et du Classicisme très en vogue dans le Paris Haussmannien et très prisé par la bourgeoisie du 2nd Empire.

En contournant le pâté de maison, on se rend compte que dans le prolongement de l'immeuble mais côté Nord, le long de la rue Etienne Marcel, au niveau du 21, on trouve exactement la même façade :


 Une vue aérienne permet de mieux le comprendre :


 

lundi 16 juin 2025

MMDCCCXII : Une exposition au musée des Beaux-Arts d'Angers qui m'a rappelé un lointain souvenir de 2008

 

Depuis le 13 juin 2025, au musée des Beaux Arts d'Angers (Maine-et-Loire), on peut voir une exposition consacrée à l'oeuve de Miguel Chevalier intitulée "Digital Floralia". Dans le vaste espace du sous-sol, on peut voir une présentation des œuvres de cette artiste réalisées grâce à la technologie numérique et à l'observation des plantes. L'exposition permet d'admirer des créations sur très grand écran.

En visitant cette exposition, je me suis demandé à quel moment j'avais déjà entendu parler de cet artiste et vu une de ses créations. Cela m'a conduit à me replonger dans mes archives photo de 2008 et à retrouver un projet d'article que je n'avais jamais publié...

En effet, début décembre 2008, sur un angle de la mairie du 4e arrondissement (l'époque regrettée où le 4e arrondissement avait son ou sa propre maire), il avait été annoncé l'arrivée d'une installation sur la place Baudoyer :

Sur les panneaux d'information de la mairie du 4e, on pouvait aussi voir cette affiche :


 J'avais donc décidé de prendre des photos de cette œuvre éphémère intitulée Fractal Flowers. Cependant, en journée, la serre dans laquelle l'installation artistique était présentée n'avait rien de très photogénique - comme on le voit sur cette photographie que j'avais prise le 23 décembre 2008 - , 10 jours après le début de sa mise en place :

De nuit, avec les fleurs et les plantes numériques, le visuel était bien sûr différent mais on pourra se rendre compte avec les photographies ci-dessous que les vues n'avaient rien non plus de très attrayantes :


Je m'étais donc résigné à ne pas publier en décembre 2008 d'article consacré à cette installation éphémère. Grâce à cette exposition au musée des Beaux-Arts d'Angers de 2025, j'ai donc pu finalement publier les photos prises à l'époque. L'exposition "Digital Floralia" de l’œuvre de Miguel Chevalier durera jusqu'au 16 janvier 2026. 

vendredi 13 juin 2025

MMDCCLXI : Entretien du "Petit Patrimoine" parisien : le pavage du secteur Montorgueuil

 



Le secteur de la rue Montorgueil est un des premiers quartiers de Paris à avoir été piétonniser. En effet, c'est en 1991, il y aura bientôt 25 ans que les rues ont été fermées à la circulation. Hélas, le joli pavage qui avait été posé n'est pas bien entretenu. On peut s'en convaincre en observant les affreux "raccords" qui ont été posé sur la chaussée à l'extrémité Nord de ce secteur, rue des Petits Carreaux, avec le pavage qui rappelle que cette transformation urbaine date de 1991.

Cela aussi fait partie du "petit patrimoine qui fait l'âme et l'histoire de Paris
 

mercredi 11 juin 2025

MMDCCCX : Le saule pleureur du square de l'Île-de-France a fêté le 15e anniversaire de sa plantation

 

Dans le square de l'Île-de-France, à la pointe Est de l'île de la Cité, on trouve un saule pleureur auquel je suis particulièrement attaché. Il a été planté au début de l'année 2010 en remplacement d'un magnifique saule pleureur qui a été coupé au début de l'été 2009, suite - de mon point de vue - à une erreur d’appréciation sur son état de santé (voir mon article du 24 mars 2010).

Peu à peu le saule pleureur planté en 2010 retrouve la majesté de son vénérable prédécesseur. Je ne lui avais pas consacré d'articles depuis 2021 (voir article du 20 mars 2021).

En espérant qu'avec le réaménagement prévu des squares Jean XXIII et de l'Île-de-France, cet arbre pourra continuer à croître sereinement !