jeudi 17 septembre 2020

MMCCIII : Pourquoi moi prof, je fais grève aujourd'hui...

 

J'écris cet article pour expliquer pourquoi aujourd'hui j'ai l'idée saugrenue (selon certains) d'être en grève.

Je le fais car ayant été sur une liste menée par des membres de LREM au printemps dernier, je sais qu'on y trouve un bon nombre de donneurs de leçons (pas tous loin de là) qui portent des jugements sans prendre le temps de s'intéresser au monde réel. J'espère que certains réussiront à entendre mon point de vue...

Je fais rarement grève. Cela a surpris mes élèves hier quand je leur ai dit que je ne serai pas là aujourd'hui.

La principale raison pour laquelle je fais grève est que j'en ai assez que malgré quelques discours laudatifs, un grand nombre de personnes continuent à avoir un profond mépris pour "les profs". Je pense par exemple à cette famille qui apprenant que j'avais fait Sce Po Paris (dont je suis sorti dans la même promotion qu'Edouard Philippe en 1992) me demanda pourquoi je n'avais fait "que" professeur. J'ai essayé d'expliquer que j'adorais mon métier mais je pense les avoir laissé perplexe.

Au printemps dernier, à partir de la mise en place du confinement, à la mi-mars, je me suis donné à fond dans l'enseignement à distance. Un très grand nombre de mes collègues en on fait autant. Certains jours, je suis resté vissé sur ma chaise derrière mon ordinateur pendant près de 12h non stop. Je regrette de devoir dire que chacun a du se développer un peu tout seul. Les ENT (les plateformes d'échange  à distance avec les familles étaient complètement saturés pendant plusieurs semaines) et chaque enseignant a trouvé des stratégies personnelles pour continuer à assurer des cours. A aucun moment on ne nous a demandé comment nous allions, si nous avions des problèmes, du stress, rien...

Comme j'ai une maladie de Crohn, je prends un traitement immun-suppresseur, qui me fait rentrer dans la catégorie "à risque" pour la COVID. Mon médecin traitant m'a fait un certificat pour l'éloignement de mon lieu de travail que j'ai fait remonter dès mi-mai à ma hiérarchie. Or, fin mai, lors de l'annonce de reprise des cours en collège, j'ai reçu un message m'indiquant que "comme convenu dans nos échanges, nous vous donnons rendez-vous mardi 2 juin à 9h j'étais attendu en salle de réunion"  pour organiser la reprise des cours. J'ai donc envoyé un mail courtois à tous les expéditeurs (puisque je n'étais pas le seul concerné) pour demander ce que je devais faire puisque ma demande de maintien en télétravail n'avait pas été prise en compte. Cela m'a valu un coup d'appel avec un échange très vif de la part de ma hiérarchie qui s'est fini par le fait qu'on m'a raccroché au nez... tout en m'annonçant qu'en gros évidemment ma demande de maintien en travail à distance était acceptée.

J'ai donc continué l'enseignement à distance et je pense avoir réussi à assurer une bonne continuité pédagogique jusqu'aux vacances début juillet. Je tiens si nécessaire en réserve les nombreux messages de remerciement que les parents et les élèves m'ont adressé en fin d'année scolaire. 

Pour me remercier de cet énorme travail, j'ai eu une petite surprise fin juillet : mon salaire a été amputé de plus de 700€ soit plus du tiers de mon revenu : un rappel pour l'argent en trop perçu que j'aurais reçu pendant la période de travail à distance : il a été considéré semble-t-il que puisque j'étais en travail à distance je n'avais plus à toucher les primes comme par exemple les Heures Supplémentaires Annuelles dues au fait que par rapport à mon service normal j'avais un groupe d'élèves en plus pendant l'année 2019/2020.

Fin août, après avoir envoyé des messages demandant la cause de ce retrait sur salaire en juillet, j'ai reçu un message qui disait "Vous avez peut-être constaté une diminution de votre traitement" où il était annoncé " les indemnités manquantes seront reportées sur le traitement d'octobre".Aucun message d'excuse ni oral, ni écrit depuis comme s'il était normal de retirer en pleines vacances à un agent plus du tiers de son revenu alors qu'il a travaillé comme un fou de mars à fin juin.

Face à un tel mépris, j'ai donc décidé de faire grève aujourd'hui. Au moins, là il y aura une bonne raison pour me retirer une journée de salaire.

Je suis conscient que par rapport à de nombreuses personnes, notamment, aux artisans, aux auto-entrepreneurs, étant fonctionnaire, j'ai le privilège de continuer à avoir un emploi et un revenu.Cependant, je fais grève car je n'accepte pas le mépris dans lequel certains tiennent la profession que je suis très fier d'exercer : professeur dans le secondaire.

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