jeudi 3 mars 2022

MMCDI : Au 22 rue Notre-Dame-des-Victoires, l'ancien Terminus des Messageries royales (ou nationales) dans la 1ère moitié du XIXe siècle : le plus important réseau de diligences.

 

En juillet 2021, j'avais fait paraître un article à propos de la galerie Véro-Dodat (article du 5 juillet 2021). J'avais annoncé que je reviendrais sur une affirmation indiquée que le panneau disposé pour expliquer l'histoire de ce lieu :

On y explique que tout près se trouvait le terminus des messageries générales, rue du Bouloi, terminus de toutes les diligences de France.

Je me suis donc penché sur la localisation de ce terminus et finalement je l'ai trouvé la localisation des "messageries royales" (aussi appelées Messageries nationales ou impériales) qui était le plus important terminus des diligences mais qui était situé plus au nord de Paris Centre.

En effet, sur cette carte éditée en 1824 par Aristide-Michel Perrot, on voit que la localisation du terminus des Messageries était situé plus au Nord, le long de la rue Montmartre, au Sud-Est de la place de la Bourse, assez loin donc du passage Véro-Dodat que j'ai représenté par une étoile :

Ce terminus des Messageries a été peint par Louis-Léopold Boilly : un tableau qui date de 1803* :

 

On possède aussi une photo prise avant la destruction de cet endroit prise par Marville en 1865 :

Sur le plan Girard daté de 1820, on voit bien la localisation précise de ces messageries :

On voit qu'elles étaient située entre la rue Saint-Pierre (actuel rue Paul-Lelong) et la rue Joquelet (qui a disparu lors du percement de ce tronçon de la rue Réaumur à la fin du XIXe siècle.

Il semble bien que l'accès des diligences se faisait par la rue Montmartre comme on peut s'en rendre compte sur le plan cadastral de Paris réalisé entre 1810 et 1836 :

Il semble donc que ce soit en arrière-plan la rue Montmartre que l'on voir tant sur le tableau de Boilly :


que dans la photographie de Marville :

 L'ensemble de ces bâtiments ont complètement disparu puisque d'après le plan cadastral cette entrée se trouvait au niveau du 107/109 rue Montmartre qui n'existent plus aujourd'hui car ces numéros ont été supprimés lors du percement de la rue Réaumur. On passe directement du 97 au 109 rue Montmartre. 

Les messageries possédaient aussi un accès du côté de la rue Notre-Dame-des-Victoires dont on possède aussi une vue datée d'entre 1814 et 1830 :

 C'est l'adresse située au niveau du 22 rue Notre-Dame-des-Victoires qui était donnée sur les affiches publicitaires de l'époque :

Le tableau de Boilly est particulièrement intéressant car il montre à quoi ressemblait les diligences qui arrivaient à cet endroit en 1803. On voit qu'elles étaient tirées par quatre chevaux :

On pouvait y assister à des scènes que l'on a pu voir après sur les quais des gares de chemin de fer (la 1ère ligne étant ouverte en 1837) par la suite :


 On retrouve le même type d'ambiance dans cette estampe de Victor Adam datée de 1841/1844 :

On peut trouver plusieurs cartes du réseau des messageries royales, par exemple la carte De La Haye de 1787 dont voici un extrait avec le réseau vers la Normandie. On peut voir en trait continu la "ligne" qui desservait Caen et Rouen :

J'ai aussi trouvé plusieurs informations dans l'Almanach du Commerce de 1820. On y donne la liste des dirigeants des Messageries :

Plusieurs tableaux indiquent aussi les horaires de départ et le temps de trajet. Par exemple pour aller à Caen, le départ se faisait tous les jours à 6h du matin et le trajet durait 1 jour et demi ! 

D'après un site, l'installation du Terminus des Messageries royale au 22 rue Notre-Dame-des-Victoires est dû à un arrêt du conseil d'Etat de 1784 : 

Versailles, 27 octobre 1784. — Arrêt du Conseil. Sa Majesté étant informée que le sieur Ducessois, fermier général des Messageries, en se conformant au plan adopté en 1775, a réuni à l’hôtel de Boulainvilliers, rue Notre-Dame-des-Victoires, la totalité des bureaux des Messageries, situés précédemment dans différents quartiers de Paris ; qu’il résulte de cette réunion un avantage considérable pour cette exploitation, plus de commodité pour le public et beaucoup plus d’exactitude dans le service. Sa Majesté désirant consolider cet établissement, et pour éviter à l’avenir des déplacements des bureaux des Messageries, toujours gênants pour le public, a jugé convenable d’accepter l’offre que lui a faite le sieur de Boulainvilliers, de vendre ledit hôtel avec les terrains et bâtiments en dépendant pour rester affectés au service des Messageries ; à quoi Sa Majesté voulant pourvoir, ouï le rapport du sieur de Calonne, conseiller ordinaire au Conseil royal, contrôleur général des finances, le Roi étant en son Conseil a commis et commet les sieurs Gojart, premier commis des finances, et Gondouin, architecte du Roi, auxquels Sa Majesté a donné pouvoir d’acquérir en son nom du sieur Bernard de Boulainvilliers, Prévôt de Paris, les grand et petit hôtels de Boulainvilliers, à lui appartenant, sis rue Notre-Dame-des-Victoires et rue Saint-Pierre, avec les circonstances et dépendances, etc., ce moyennant le prix et somme de 600,000 livres, etc. Signé Hue de Miroménil, et de Calonne. 

On peut donc voir ce qu'on trouvait à l'emplacement de ce terminal des diligences, un demi-siècle plus tôt sur le plan Turgot :


 
Pour en revenir à l'introduction de cet article, on voit donc que le Terminus des messageries royales (ou  impériales ou nationales) selon les époques était donc très loin du passage Véro-Dodat.

Par contre, on trouvait tout près le terminus d'une compagnie concurrente créée en 1826 autour du baron Laffitte et donc je pense reparler dans un prochain article : les Messageries générales de France.

* ce tableau est présenté en ce moment à l'exposition Boilly au musée Cognacq-Jay :

On peut y voir aussi ce très beau dessin préparatoire réalisé à la pierre noire, à la plume et à l'encre noire, avec des réhauts de gouache sur papier bleau qui montre une arrivée de diligence en 1803 sous un autre angle et qui est conservée au Louvre :

J'aime vraiment cette ambiance de quai de gare que Boilly, près de 40 ans avant la création des gares, a su donner à ses scènes de retrouvailles :

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