mardi 24 janvier 2023

MMDXXIX : Place du Marché Sainte-Catherine : sur les traces du couvent et de l'église Sainte-Catherine-du-val-des-Ecoliers

 


 Voici un article qui va me conduire à évoquer l'origine du nom de la place du Marché Sainte-Catherine qui se situe dans le 4e arrondissement tout près du métro Saint-Paul. Je me suis décidé à l'écrire en visitant le plus grand musée du Centre de Paris...

En effet, au Louvre, dans le département des sculptures françaises de la Renaissance, on peut voir ce bas-relief. Il s'agit d'une déploration du Christ qui date de 1584 et qui est attribuée à Germain Pilon, un des plus grands artistes de la 2e moitié du XVIe siècle. 

 

En regardant de plus près, on peut se rendre compte de la qualité de cette oeuvre :

Le Christ mort est superbe :

A droite, Marie-Madeleine est agenouillée :

et en arrière-plan Marie, la mère de Jésus est soutenue par des femmes :

Le cartel de cette oeuvre est intéressant car il précise que cette plaque en bronze ornait "probablement la chapelle de Birague à Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers à Paris" et que le "Monument a été transféré à Saint-Paul-Saint-Louis à Paris en 1783". Ce transfert d'une église à l'autre a attiré mon attention et j'ai fait une recherche qui je le pense permet de bien le comprendre.

Il faut tout d'abord se rappeler de quelle église il s'agit quand on évoque "Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers" et où elle était située. On la voit sur le plan de Bâle du milieu des années 1550 : 

Voici un agrandissement qui montre l'aspect de cette église à l'époque :

Le Dictionnaire historique et administratif des rues de Paris de 1844 m'a permis d'en savoir plus en lisant l'article à propos de la place du marché Sainte-Catherine (qui comme on le verra après occupe l'emplacement de cet édifice).On y apprend l'origine de l'expression "Val-des-Ecoliers". Il s'agit en effet d'une congrégation fondée dans un but d'enseignement fondée une vallée de la Marne vers 1201 :

Et d'après cet article le terrain a été donné par un bourgeois de Paris, Nicolas Gibouin, à cette congrégation pour qu'elle puisse s'établir à Paris : un lot comprenant trois arpents situées à la Porte Baudoyer (Il s'agit ici de la porte Baudoyer de l'enceinte de Philippe Auguste qui se trouvait approximativement au niveau de l'actuelle sortie du métro Saint-Paul). Ces religieux ont eu la bonne idée de choisir comme patronne Sainte Catherine d'Alexandrie.

En effet, la bataille de Bouvines (27 juillet 1214), les sergents de la garde du rois, les Gens d'armes, auraient fait le voeu de construire une église en son honneur si le roi Philippe Auguste, à un moment de la bataille en mauvaise situation, en sortait indemne.

Après la victoire de Philippe Auguste, ces militaires respectèrent leur voeu en souscrivant à l'édification de l'église édifiée par la Congrégation Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers. Leur contribution sembla décisive puisque l'église fut achevée dès 1229 :

Elle servait à la fois pour la Congrégation et pour les funérailles des sergents des Gens d'Armes du roi. 

La situation changea cependant au XVIIe siècle puisque la Congrégation Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers semble avoir périclité et une Congrégation nouvelle chargée elle aussi de l'enseignement reprit les bâtiments : il s'agit de la Congrégation Sainte-Geneviève qui prit possession du couvent en 1629 :

Le portail semble dont avoir été refait par à cette époque par le Père de Creil. C'est cette église qui apparaît sur le plan Turgot des années 1730 :

En voici un agrandissement :

Cependant, un nouveau changement important intervint en dans les années 1760. Le royaume de France décida d'interdire l'Ordre des Jésuites qui était perçu par une menace par les États Souverains. Cela conduisit à l'expulsion des Jésuites de l'église Saint-Louis et du couvent située autour. Pour ne pas laisser vides les bâtiments abandonnés par les Jésuites, le roi Louis XV décida d'y transférer l'ordre de Sainte-Geneviève :

Le déménagement était assez aisé puisque le couvent Sainte-Catherine du Val-des-Ecoliers était situé juste en face de l'autre côté de bâtiments de l'ordre des Jésuites :

Mais avec ce transfert, c'est désormais les bâtiments du Couvent Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers qui étaient laissés vides. Le roi Louis Louis XV décida sa destruction pour y construire un marché. Les bâtiments commencèrent à être détruits en 1773/1774. Cependant c'est Louis XVI (roi à partir de mai 1774) qui confirma en 1777 la destruction de l'église.

 C'est à cette époque que la Déploration de Germain Pilon a certainement été aussi transférée.

Par contre le marché dessiné par Soufflot ne fut jamais construit. Un nouveau quartier fut aménagé avec pour centre une place principale appelée la  place du Marché Sainte-Catherine. La première pierre en fut posée par le Contrôleur-général des finances d'Ormesson le 20 avril 1783 qui donna son nom à une des rues qui longent la place :

Les travaux furent achevés quelques mois avant le début de la Révolution française quand le Contrôleur général s'appelait Necker qui lui aussi donna son nom à une rue de ce secteur (voir article du 7 août 2012).

On peut donc voir sur un plan que tout le secteur compris entre la rue de Rivoli, la rue de Sévigné (ancienne rue-des-coutures-Sainte-Catherine, la rue de Turenne et la rue de Jarente) correspond à l'ancien espace occupé par ce couvent. :

Le marché a disparu mais sur un plan de 1812, -le plan Charles Picquet-, on peut voir son emplacement qui est représenté parses deux bâtiments noirs coupés par des croix qui semblent représenter des allées séparant les étales  :


 

L'actuelle place du marché Sainte-Catherine est ainsi située au cœur de ce qui correspondait avant les années 1770 à ce couvent Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers :

A l'angle de la rue Saint-Antoine et de la rue Sévigné, le panneau qui indique la direction de cette place est justement située devant la statue de la Sainte qui rappelle le passé religieux de cet espace :
J'avais déjà consacré un article à cette statue le 9 mars 2017.

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