lundi 30 janvier 2023

MMDXXXI : Histoire de la place du Châtelet et de la fontaine du Palmier (suite)

 

J'ai déjà consacré le 21 août 2020, un article à la place du Châtelet. Je vais le compléter avec quelques informations intéressantes que j'ai trouvées à propos de cette place qui va bientôt être réaménagée.

Comme je l'avais évoqué, cette place porte le nom d'une forteresse qui permettait de contrôler l'accès entre la rive Droite et l'île de la Cité. On la voit bien sur le plan Turgot des années 1730 :


La lecture du Dictionnaire Historique et Administratif des rues et des monuments de Paris de 1844 m'a permis d'obtenir des précisions sur cette construction. Certaines légendes affirment qu'elle remonterait à l'Antiquité, mais il semble qu'en fait la présence d'une forteresse en pierres à cet endroit ne date que du XIIe siècle pendant les règnes de Louis VI le Gros (1108-1137) et de son fils Louis VII (1137-1180) avant la donc la construction sous Philippe Auguste de l'enceinte qui protégeait tout Paris.

Cette forteresse comportait un passage qui permettait de la traverser en longeant l'église Saint-Leufroy :

Le bâtiment a été agrandi à plusieurs reprise. En 1684, l'église Saint-Leufroy a été détruite pour agrandir la prison. On voit ici un plan du milieu du XVIIIe siècle :

 

On peut noter le nom amusant qu'avait la rue qui longeait par le sud la forteresse : La rue "Trop va qui dure" et auparavant elle avait eu un nom non mois saugrenu : la rue de la "Descente de la Vallée de la Misère".

 

Voici une gravure qui montre l'aspect de la forteresse quand on la regardait depuis le Nord :

La tour la plus massive était celle située sur la gauche :

Le Châtelet était à la fois le siège de la Justice royale à Paris et de la police qui était dirigée par le Prévôt de Paris (à ne pas confondre avec le Prévôt des Marchands). Il s'agissait d'une très haute fonction :

Au XVIIe siècle, pendant le règne de Louis XIV, la fonction de prévôt de Paris est devenu honorifique. Le véritable chef de la police était désormais le Lieutenant général de Police. Celui-ci avait aussi son siège au Châtelet :

On y trouvait aussi une prison dont les cachots avaient des noms qui pour certains faisaient froid dans le dos : le Puits, la Boucherie, les Oubliettes. On y pratiquait la "question", c'est-à-dire la torture :

 La prison du Châtelet et ses geoles sont très souvent évoquées dans les enquêtes policière de Nicolas Le Floch écrites par Jean-François Parot

On peut voir au Louvre un tableau peint en 1789 par Hubert Robert qui montre une cellule plus confortable, celle qu'avait occupée le baron de Bésenvalle

La prison du Châtelet a connu à plusieurs reprises des épisodes particulièrement dramatiques :

- en août 1418 : les partisans des Armagnacs ont été massacrés par les Parisiens favorables aux Anglais et aux Bourguignons qui venaient d'occuper Paris :

- en novembre 1591, les partisans du roi Henri IV ont été pendus alors que la Ville était aux mains de la Ligue :

- en septembre 1792, une partie des massacres de septembre y ont été commis. Les révolutionnaires craignant une invasion de Paris par les troupes autrichiennes et prussiennes ont trucidé les détenus. On reconnaît la silhouette de la prison du châtelet sur cette gravure :

La forteresse du Châtelet a été démolie en 1802. Le plan de la place qui l'a remplacée a été approuvé en 1808.

Le plan cadastre du début du XIXe siècle montre l'aspect de cette place :

On peut voir qu'au Nord de la place un marché avait été construit. Sur ce plan de 1825, on peut voir la place et on se rend compte qu'elle était devenue un véritable espace de respiration au centre de Paris :

L'ouvrage d'Amaury Duval consacré aux fontaines de Paris publié en 1812 est très élogieux à propos de l'aménagement de cette place. Il évoque la situation antérieure "Le passage noir et étroit du grand Châtelet" qui s'est transformé en "une belle place".

Une très belle gravure de la fontaine est présentée dans cet ouvrage : 

La description de la fontaine par Amaury Duval est très complète :

Elle permet d'apprendre que les sculptures sont de Louis-Simon Boizot* (9 octobre 1743-10 mars 1809), que les statues des angles représentent la Prudence, la Vigilance, la Justice et la Force. On a du mal à s'en rendre compte aujourd'hui car elles ont perdu leurs mains :

Amaury Duval n'est pas complètement enthousiaste concernant le résultat : il estime qu'on aurait pu "désirer des proportions moins lourdes, plus de souplesses dans les poses, et de plus de goût dans les ajustements". 

Lors du percement du boulevard Sébastopol et de l'avenue Victoria et de la construction du théâtre de la Ville dans les années 1850, la place a été de nouveau très remaniée comme on peut le voir sur ce plan de 1861 :

La fontaine a aussi connu une transformation : elle a été déplacée de 12m vers l'Ouest et a connu une petite modification :

A l'initiative de Gabriel Davioud, le bassin inférieur a été modifié et quatre Sphinx sculptés par Henri-Alfred Jacquemart ont été ajoutés :


Avec tout le respect que j'ai pour Davioud et Jacquemart, ce n'est pas un ajout du meilleur goût de mon point de vue.

Prochain épisode très bientôt puisque la place du Châtelet va bientôt connaitre un réaménagement.

* On doit aussi à Louis-Simon Boizot le décor de la fontaine de la Croix du Tahoir (voir article du 3 août 2022).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire